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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 136

Le mardi 20 juin 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 20 juin 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 19 juin 2023

Madame la Présidente,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 19 juin 2023 à 11 h 47.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.

La sous-secrétaire du gouverneur général,

Christine MacIntyre

L’honorable

La Présidente du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le lundi 19 juin 2023 :

Loi instituant le Mois du patrimoine libanais (projet de loi S-246, chapitre 13, 2023)

Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (projet de loi C-41, chapitre 14, 2023)

Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois (projet de loi C-13, chapitre 15, 2023)

Loi modifiant la Loi sur la gestion financière des premières nations, modifiant d’autres lois en conséquence et apportant une clarification relativement à une autre loi (projet de loi C-45, chapitre 16, 2023)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les victimes de la tragédie

Carberry, au Manitoba—Minute de silence

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, nous avons tous été choqués et attristés d’apprendre la tragédie survenue près de Carberry, au Manitoba, le 15 juin, qui a fait 15 morts et plusieurs blessés.

Nos pensées vont aux amis et aux familles des victimes, ainsi qu’à la communauté de Dauphin, au Manitoba, alors que nous exprimons nos condoléances pour ceux qui ont perdu la vie et nos espoirs de rétablissement complet pour les blessés.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour observer une minute de silence à la mémoire de ceux qui n’ont pas survécu à ce tragique incident.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

[Français]

Son Honneur la Présidente : Merci, chers collègues.

[Traduction]

La tragédie survenue à Carberry, au Manitoba

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd que j’interviens aujourd’hui pour parler de la tragédie qui a ébranlé ma province et, bien sûr, l’ensemble du pays. Jeudi dernier, le 15 juin, est une date qui nous marque profondément puisque c’est ce jour-là que 15 personnes ont perdu la vie et que 10 autres ont été blessées lors de la terrible collision entre un camion semi-remorque et un autocar à l’intersection des autoroutes 1 et 5, près de Carberry, au Manitoba.

La journée devait se dérouler sous le signe du plaisir et de la détente pour les 25 aînés qui se rendaient au casino près de Carberry. Malheureusement, c’est ce jour-là qu’est survenu l’accident le plus meurtrier de toute l’histoire du Manitoba. Je tiens à offrir mes plus sincères condoléances à la famille et aux proches des 15 personnes qui n’ont pas survécu à ce terrible accident.

Face à une si terrible tragédie, force est de reconnaître que les mots ne semblent tout simplement pas suffire. Néanmoins, je tiens à ce que les personnes affectées sachent que nous prions pour elles. J’espère que le fait de savoir que les Canadiens d’un océan à l’autre pleurent ces vies avec elles saura les réconforter.

Nous, Canadiens, tirons une grande fierté de notre capacité à nous serrer les coudes. Dans les terribles épreuves comme celle-ci, l’esprit de solidarité et le sens de l’empathie permettent souvent d’apporter du réconfort aux familles et aux personnes touchées. Mes pensées et mes prières accompagnent aussi les six rescapés qui luttent pour leur vie. Ces personnes ont beaucoup souffert physiquement, et je prie pour leur rétablissement complet.

Dans ce cas-ci, la détresse n’est pas que physique. Les victimes de l’accident, leur famille, les témoins, les premiers intervenants et toute la collectivité ont été durement touchés. Ces gens auront besoin de temps pour panser leurs plaies et apaiser leurs douleurs. Le soutien de leur entourage et de leurs proches sera essentiel pour leur rétablissement.

Les actes de bonté et de soutien des habitants de Dauphin, et plus particulièrement du Dauphin Active Living Centre, me touchent profondément. Tout cela fend le cœur, et c’est très beau de voir la réaction des gens et le soutien qu’ils offrent aux personnes touchées. Le fait d’être présents même quand les temps sont durs et de venir ainsi en aide aux personnes frappées par le malheur témoigne de la valeur de ces gens extraordinaires. C’est tout à l’honneur des aînés du Manitoba d’avoir su bâtir des collectivités aussi solides et admirables.

Je tiens aussi à remercier du fond du cœur les nombreuses personnes qui étaient en service ou qui ont été appelées en renfort jeudi dernier. C’est quelque chose de se préparer à intervenir dans des situations aussi extrêmes. Tout le monde espère ne jamais avoir à vivre ce genre de crise, mais c’est quand on s’y attend le moins qu’on reçoit l’appel fatidique. Or, ceux et celles qui prennent les secours en main et qui font ce qu’il y a à faire se retrouvent devant une sombre et difficile réalité, même s’il s’agit de professionnels. Sachez seulement que votre labeur n’est pas passé inaperçu.

(1410)

J’espère que toutes les personnes touchées par cette tragédie sauront trouver le réconfort et la paix dans la grâce de Dieu.

Je vous remercie.

La renaissance des Premières Nations en tant que peuples souverains

L’honorable Mary Jane McCallum : Je remercie le Groupe des sénateurs canadiens et le Groupe des sénateurs progressistes de m’avoir cédé leur temps de parole aujourd’hui.

Honorables sénateurs, il y a deux types de famille : celle dans laquelle on naît, et celle que l’on crée. Nous, les enfants des Premières Nations, avons été forcés de quitter notre famille de naissance, malgré tous les bons soins qu’elle nous prodiguait. Bien qu’apeurés et sans repères dans le pensionnat où on nous avait placés, nous avions déjà de fortes attaches familiales et nous avons réussi à survivre à toutes ces années d’oppression et d’assimilation. Nous n’avons laissé personne de côté, nous avons formé une famille et nous sommes devenus amis à la vie à la mort.

À ma famille du pensionnat, je dis « merci », car vous m’avez inspirée toute ma vie durant et vous m’avez protégée chaque fois que vous avez pu le faire. Notre amour mutuel nous a permis de forger des liens indestructibles. Vous êtes la lumière dans la noirceur de ma vie.

Il y a des leçons à tirer de tout, même de ce qui nous fend le cœur. Il arrive parfois que l’on soit dépassé et épuisé par les obstacles à surmonter, mais il faut assumer ses responsabilités quoi qu’il arrive et malgré la pression immense. C’est ce qui m’est arrivé la semaine dernière. J’ai accompagné l’équipe qui a sondé le terrain du pensionnat de Guy Hill au moyen de géoradars. Nous savons qu’il y a des corps à cet endroit. Beaucoup pensent qu’ils n’ont pas été enterrés sous le terrain découvert, mais dans la forêt. Des enfants ont vu des adultes y pénétrer les bras chargés de petits corps et en ressortir les mains vides. Imaginez comment ils devaient se sentir : qu’est-ce qui leur disait qu’ils ne seraient pas les prochains? Ce n’est pas étonnant que bon nombre de ces enfants soient incapables de retourner là-bas, même aujourd’hui.

La semaine dernière, j’étais assise parmi mes anciens camarades de classe et nos sympathisants, dont beaucoup ont également fréquenté des pensionnats et des externats ou ont été victimes de la rafle des années 1960. J’ai écouté leurs histoires et j’ai vu leur sagesse. Je leur ai dit : « Je vois en vous les esprits puissants, sages, compatissants, joyeux, humbles et courageux que vous êtes. Qui ici aurait cru que nous aurions une cérémonie de la tente tremblante, une cérémonie du calumet, une suerie, des tambours et des chants, un rite de purification à l’aide d’un éventail en plumes d’aigle, une prière, une cérémonie de purification par la fumée et des cercles de discussion sur le site même de l’école qui nous avait enlevé tout cela? »

Les Premières Nations du Canada savent qu’elles sont en voie de retrouver leurs cérémonies et leurs langues et de se réapproprier le pouvoir et l’esprit qui leur ont été enlevés. Nous savons que nous connaissons une période de résurgence en tant que peuples souverains.

[Note de la rédaction : La sénatrice McCallum s’exprime en cri.]

Nous appartenons à nous-mêmes. Nous déterminerons notre propre avenir.

Je tiens à ce que nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants sachent qu’ils comptent pour nous et que nous serons toujours là, ensemble. Comment pourrions-nous ne pas l’être? Nous sommes une famille.

Kinanâskomitinâwâw. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du chef Roy Whitney, de la nation Tsuut’ina, du chef Bobby Cameron, de la Fédération des nations autochtones souveraines, du chef Aaron Young, de la Première Nation Chiniki, et du chef Clifford Poucette, de la Première Nation de Goodstoney. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Tannas.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Mary Merchant

Félicitations à l’occasion de son cent sixième anniversaire

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour raconter l’histoire de Mary Merchant.

En 1917, Mabel et Samuel McAllister vivaient en Argentine, et, comme c’était la coutume à l’époque, Mabel est retournée en Écosse pour accoucher, malgré le danger que présentaient les sous‑marins allemands dans la Manche. Alors que Mabel était sur le point d’accoucher, une amie de la famille, Mary, lui a apporté une tourte aux biftecks et aux rognons. Mabel a alors déclaré que la tourte était si bonne que si le bébé était une fille, elle s’appellerait Mary en son honneur. Née le 18 juin, Mary a été ainsi nommée, et la tarte aux biftecks et aux rognons reste encore aujourd’hui l’un des plats préférés de la famille.

Mary était la deuxième de quatre enfants. Lorsque la famille est retournée en Argentine, elle s’est installée dans un grand ranch, Santa Elena, qui faisait partie des terres de la société Bovril.

En 1929, Mary et sa sœur aînée Barbara ont quitté l’Argentine pour aller en pension en Écosse. Elles sont retournées en Argentine deux ans plus tard, car le peso argentin avait été dévalué par rapport à la livre sterling, et l’école en Écosse était devenue inabordable.

La famille a habité aux quatre coins de l’Argentine, car le père de Mary a exercé divers emplois, y compris celui d’exploitant d’une brasserie. Mary se souvient d’avoir fait faire le tour de la brasserie à des visiteurs et de leur avoir expliqué les subtilités de la fabrication de la bière : « Tout dépend de l’eau. »

Pendant qu’elle était en formation pour devenir infirmière à l’hôpital britannique de Buenos Aires, Mary a commencé à correspondre avec un jeune homme du nom de Walter Merchant, qui avait servi dans l’armée britannique en Birmanie. Ils ont correspondu ainsi pendant six ans, jusqu’à leur mariage en 1947. En 1955, la famille, désormais composée du couple et de deux enfants, a quitté l’Argentine pour l’Angleterre, pour finalement élire domicile au Canada, où les perspectives d’emploi semblaient plus prometteuses.

Ces perspectives plus prometteuses ne se sont pas concrétisées pour Walter. Mary a refait sa formation pour se conformer aux normes canadiennes et est devenue infirmière autorisée à l’Hôpital Royal Victoria de Montréal. La famille s’est établie à Cowansville, dans les Cantons-de-l’Est, au Québec, où Mary a été infirmière pendant 20 ans à l’Hôpital Brome-Missisquoi-Perkins. Après sa retraite, Mary a vécu pendant plusieurs années à Fredericton, au Nouveau-Brunswick.

En 1995, Mary a entrepris une autre aventure et a déménagé au Yukon. Elle y a poursuivi sa vie au service des autres en enseignant aux membres de la collectivité à coudre, à tricoter, à épargner de l’argent et surtout à manger sainement en évitant le sucre, à l’exception, bien entendu, des petits sablés écossais et du pouding de Noël. À Whitehorse, Mary est devenue une légende grâce à ses tricots. En un an seulement, elle a tricoté 50 paires de chaussettes, ainsi que des ensembles pour bébé, pour les vendre afin d’appuyer la collectivité.

Les sénateurs qui ont fait un calcul mental pendant que je racontais cette histoire auront compris que le 18 juin, Mary, qui a récemment repoussé la COVID grâce à sa bonne humeur, a atteint le jeune âge de 106 ans.

Même si Philip, le fils Mary, m’a dit qu’elle ne comprend pas vraiment pourquoi on en fait tout un plat, c’est pour moi un honneur de lui souhaiter un joyeux anniversaire et de raconter l’histoire d’une vie bien remplie, notamment au service de collectivités du Québec, du Nouveau-Brunswick et du Yukon.

Joyeux 106e anniversaire de naissance, Mary.

Merci, gùnáłchîsh, mähsi’cho.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale des réfugiés

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, en ce 20 juin, je prends la parole pour souligner la Journée mondiale des réfugiés, comme je le fais chaque année.

J’aurais aimé pouvoir vous apporter de bonnes nouvelles aujourd’hui, mais il n’y en a pas. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, plus de 110 millions de personnes — un sommet de tous les temps — fuient la persécution, les conflits, la violence, les changements climatiques et la discrimination. La guerre en Ukraine, la situation en Afghanistan et les combats au Soudan ont contribué à un mouvement de masse de réfugiés, autant à l’intérieur des frontières que d’un pays à l’autre.

Chers collègues, le nombre de personnes déplacées dans le monde ne cesse d’augmenter et il le fait à un rythme de plus en plus rapide. Avant le conflit en Syrie, en 2011, le monde comptait approximativement 40 millions de réfugiés. Ce nombre avait été relativement constant pendant les 20 années précédentes. Toutefois, en seulement 12 ans, ce nombre n’a pas que doublé, il a triplé.

Au fur et à mesure que ce nombre a augmenté, les mesures d’interdiction prises par les États-nations ont été multipliées pour empêcher les personnes d’atteindre la sécurité et d’exercer leurs droits en vertu de la convention du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. L’Union européenne a conclu un accord avec la Libye. Le Royaume-Uni a confirmé son intention d’envoyer les réfugiés au Rwanda pour que leur demande soit traitée là-bas. La Turquie a conclu une entente financière pour garder les réfugiés sur son territoire et les empêcher de se déplacer vers l’ouest. Le plus consternant, chers collègues, c’est que la fin de semaine dernière, nous avons volontairement regardé et attendu, et encore regardé et attendu, alors que 700 personnes, dont 100 enfants, mouraient au large des côtes grecques. Nous n’avons rien fait. Nous avons regardé et attendu.

(1420)

Le Canada est fier, bien sûr, d’avoir établi un record en matière d’accueil et de réinstallation de réfugiés au cours des quatre dernières années; il en a accueilli plus que jamais auparavant et plus que tout autre pays. Toutefois, nous avons, nous aussi, plafonné les parrainages privés dans le cadre du projet de loi C-47, et le plan des niveaux d’immigration du gouvernement prévoit une réduction du nombre de réfugiés pris en charge par le gouvernement. On pourrait soutenir que ce sont les plus vulnérables.

Au milieu de tout ce désespoir, je reste fidèle à mon nom et je cherche une petite lueur d’espoir. Je la vois dans la résilience des réfugiés, qui poursuivent péniblement leur quête d’un foyer et leur quête de sécurité. Et lorsqu’ils trouvent la sécurité, ils contribuent à bâtir notre nation, comme le font Alphonso Davies, capitaine de l’équipe canadienne de soccer, et Tareq Hadad, roi du chocolat.

Je tiens surtout à rendre hommage aux mères et aux filles, aux sœurs et aux petites amies, qui sont les plus vulnérables et peuvent être confrontées à un avenir difficile dans l’univers de la traite des personnes et du trafic sexuel. Dans leur intérêt et dans l’intérêt de leurs enfants, il faut faire plus, faire mieux, et agir plus vite. Merci.

[Français]

Le Monument national sur les pensionnats autochtones

L’honorable Michèle Audette : [Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime en innu-aimun.]

Honorables sénateurs, avant de partager avec vous ce que j’ai vécu aujourd’hui, je veux remercier la sénatrice McCallum; tshinashkumitin.

[Traduction]

Il était important pour moi de vous voir, de vous sentir et de vous écouter ce matin, aux côtés des autres survivants et des familles qui participaient à l’événement.

Sénateur Patterson, comme vous m’avez cédé votre place, je ferai de mon mieux pour en faire bon usage.

[Français]

Tout d’abord, j’aimerais remercier le sénateur Patterson de me donner cette occasion de vous parler de la cérémonie à laquelle plusieurs d’entre nous ont participé ce matin, où des gens sont venus nous montrer l’endroit sacré où sera situé le monument qui nous rappellera un pan de l’histoire du Canada. C’est un chemin de guérison pour beaucoup d’entre nous; c’est aussi le mien.

C’est aussi l’appel à l’action no 81 de la Commission de vérité et réconciliation qui nous dit ce qui suit :

Nous demandons au gouvernement fédéral, en collaboration avec les survivants et leurs organisations de même qu’avec les autres parties à la Convention de règlement, de commander un monument national sur les pensionnats et de l’installer de manière à ce qu’il soit accessible au public et très visible dans la ville d’Ottawa, et ce, pour honorer les survivants et tous les enfants qu’ont perdus les familles et les communautés concernées.

C’est arrivé ce matin sous le chant inuit, sous le violon du peuple métis et sous la parole d’une femme d’une Première Nation. C’était émouvant et vibrant. C’est aussi un comité composé de gens de différentes nations, de différents territoires et du gouvernement qui vont réfléchir sur la façon d’honorer ces petits enfants, ces familles qui ont été touchées par les pensionnats.

Ce qui est beau dans les protocoles des premiers peuples, c’est qu’on doit demander la permission au peuple de nous accueillir. Le peuple anishinabe était présent et nous a accueillis avec beaucoup d’amour et de respect. Ce beau monument qu’on verra un jour se trouvera où les parlementaires entrent, du côté ouest, sur la Colline. Ce sera évident pour tout le monde, qu’on soit touriste ou parlementaire ou qu’on s’y rende juste pour aller se recueillir et échanger avec nos ancêtres.

Je terminerais en répétant certaines paroles que des femmes et des hommes ont dites aujourd’hui : c’est pour les enfants qui pensent qu’on ne les aimait pas, mais tous les jours, ils verront que nous les portons dans notre cœur.

Tshinashkumitin.

[Traduction]

La Journée mondiale des réfugiés

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je ne m’attendais pas à prendre la parole, mais puisque c’est la Journée mondiale des réfugiés, je me suis dit que je devrais le faire. Je veux me souvenir des millions de personnes déplacées, et je tiens à reconnaître leur résilience et leurs difficultés. J’ai pris des notes pendant les discours des sénateurs. La sénatrice Omidvar nous a fourni les statistiques, mais je tiens à attirer votre attention sur le fait que 52 % des réfugiés actuels viennent de trois pays : la Syrie, l’Ukraine et l’Afghanistan. Plus de 43 millions d’entre eux sont des enfants. On observe actuellement le taux le plus élevé de déplacement de personnes jamais vu.

Seulement 3 % des enfants réfugiés iront à l’école ou atteindront un niveau de scolarité supérieur. L’accès à l’éducation est encore plus restreint pour les filles réfugiées que les garçons, et elles sont deux fois moins susceptibles que ceux-ci de fréquenter l’école secondaire. L’UNESCO estime que si les filles terminent leur éducation primaire, les taux de mariages d’enfants diminueront de 14 %; si elles terminent leur éducation secondaire, ces taux chuteront de 64 %.

Le Canada est encore une fois le chef de file. Il demeure une figure de proue dans le monde pour ce qui est d’accepter des réfugiés. Aujourd’hui, je me remémore les gens que j’ai vus dans les camps de réfugiés. Je me rappelle un jeune garçon que j’ai vu cette année. Je lui ai demandé de me parler de son parcours scolaire et de celui des filles. Il venait d’un petit village reculé d’Afghanistan. Il vendait des trucs dans la ville où j’habite. Je me suis arrêtée pour lui parler. Il m’a répondu : « Les filles? Elles ne vont pas à l’école. Moi-même, j’ai fait ma sixième année, et c’est tout. »

J’ai aussi parlé avec une veuve quand j’ai rencontré des gens de la région de Swat qui avaient été déplacés par les talibans. Au camp, elle m’a dit :

Ils me disent tout le temps d’amener mon mari, mais je suis veuve depuis 20 ans. Ils refusent de me donner du secours si je ne suis pas accompagnée d’un homme.

Je pense aussi aux femmes qui vivent dans des tentes. Elles m’ont dit : « Nous avons besoin d’aide; nous avons besoin de produits d’hygiène féminine. Nous ne pouvons pas en demander aux hommes. » J’étais la messagère de ces personnes. Ce sont quelques exemples de ce que j’ai pu voir et de ce que je vois encore.

Je tiens à remercier chacun de vous, mes collègues. Vous avez été à nos côtés quand nous avons défendu les réfugiés dans le débat sur le projet de loi C-41. Je vous en remercie. N’oublions surtout pas les gens qui ont été déplacés et saluons leur courage. Je vous remercie.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la Dre Sharon Allar, d’Adam Allar et de leurs enfants. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La justice

Lois et règlements—Les propositions visant à corriger des anomalies et à abroger certaines dispositions—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Propositions visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevés dans les Lois et Règlements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet.

La Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate

Le traité concernant l’autonomie gouvernementale—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Traité d’autonomie gouvernementale reconnaissant la Nation Dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate.

Bibliothèque du Parlement

Présentation du premier rapport du comité mixte

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia, coprésident du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, présente le rapport suivant :

Le mardi 20 juin 2023

Le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement a l’honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Votre comité recommande au Sénat qu’il soit autorisé à conseiller les présidents du Sénat et de la Chambre des communes dans l’exercice de leur autorité sur la Bibliothèque du Parlement et qu’il soit habilité à faire des recommandations aux présidents des deux Chambres concernant la régie de la bibliothèque et la bonne utilisation des crédits affectés par le Parlement à l’achat de documents ou objets destinés à y être déposés.

Votre comité recommande :

a)que son quorum soit fixé à six membres, à condition que les deux Chambres soient représentées et qu’un membre d’un parti ou groupe parlementaire reconnu non gouvernemental et un membre du gouvernement soient présents chaque fois qu’il y a une mise aux voix ou qu’une résolution ou une autre décision est prise;

b)que les coprésidents soient autorisés à tenir des séances pour recevoir des témoignages et à les faire publier en l’absence de quorum, à condition qu’au moins trois membres soient présents, dont un membre d’un parti ou groupe parlementaire reconnu non gouvernemental et un membre du gouvernement pourvu que les deux Chambres soient représentées.

Votre comité recommande aussi au Sénat qu’il soit autorisé à siéger durant les séances et ajournements du Sénat.

Un exemplaire du Procès-verbal pertinent (réunion no 1) est déposé à la Chambre des communes.

Respectueusement soumis,

Le coprésident,

MOHAMED-IQBAL RAVALIA

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Ravalia, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

Dépôt du deuxième rapport du comité mixte

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement intitulé Renouvellement du mandat de Heather Powell Lank à titre de bibliothécaire parlementaire.

Audit et surveillance

Dépôt du neuvième rapport du comité

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le neuvième rapport (provisoire) du Comité permanent de l’audit et de la surveillance intitulé Rapport annuel du Comité permanent de l’audit et de la surveillance : Activités et observations pour l’exercice 2022-2023.

Le Code criminel
La Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels
La Loi sur le transfèrement international des délinquants

Projet de loi modificatif—Présentation du quinzième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui porte sur le projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1853.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Cotter, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Préavis de motion concernant la séance de mercredi

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, la séance du mercredi 21 juin 2023 continue au-delà de 16 heures, si les affaires du gouvernement ne sont pas encore terminées, et soit levée à la fin des affaires du gouvernement ou à minuit, selon la première éventualité.

Lois et règlements—Les propositions visant à corriger des anomalies et à abroger certaines dispositions—Préavis de motion portant renvoi d’un document au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le document intitulé Propositions visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevés dans les Lois et Réglements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet, déposé au Sénat le 20 juin 2023, soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Adoption de la motion concernant les délibérations du projet de loi C-51

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, en ce qui concerne le projet de loi C-51, Loi portant mise en œuvre du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap/Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence :

1.si le Sénat reçoit un message de la Chambre des communes avec le projet de loi après l’adoption du présent ordre, le projet de loi, une fois qu’il aura été lu la première fois, soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture plus tard ce jour-là, ou, si le Sénat a déjà passé la deuxième lecture des projets de loi du gouvernement, l’étape de la deuxième lecture ait lieu immédiatement;

2.si, avant l’adoption du présent ordre, le projet de loi avait été inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture à une séance ultérieure à celle durant laquelle le présent ordre est adopté, la deuxième lecture soit avancée, dès l’adoption du présent ordre, à plus tard au cours de la séance durant laquelle le présent ordre est adopté ou, si le Sénat a déjà passé la deuxième lecture des projets de loi du gouvernement, l’étape de la deuxième lecture ait lieu immédiatement;

3.le premier jour durant lequel le projet de loi est étudié à l’étape de la deuxième lecture après l’adoption du présent ordre, le débat sur le projet de loi ne soit pas ajourné, aucun vote sur le projet de loi ne soit reporté, et, si le Sénat n’a pas rendu une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture au moment où la séance doit prendre fin, la Présidente interrompe les délibérations alors en cours afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture;

4.si le projet de loi est adopté en deuxième lecture, il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones qui, aux fins de son étude du projet de loi, est autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;

5.lorsque le comité fait rapport du projet de loi :

a)si le rapport est sans amendement, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture plus tard ce jour-là;

b)si le rapport contient des amendements ou recommande de ne pas poursuivre l’étude du projet de loi, ce rapport soit inscrit à l’ordre du jour pour étude plus tard ce jour-là, et, une fois une décision finale rendue sur le rapport, le projet de loi, s’il est toujours devant le Sénat, soit étudié à l’étape de la troisième lecture immédiatement;

6.si le comité n’a pas fait rapport au plus tard lors des affaires courantes lors de la deuxième séance du Sénat après le renvoi du projet de loi en comité, celui-ci soit réputé en avoir fait rapport sans amendement, le projet de loi étant alors inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture plus tard ce jour-là;

7.lorsque le Sénat étudie un rapport du comité sur le projet de loi ou traite du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, le débat ne soit pas ajourné, aucun vote sur le projet de loi ne soit reporté, et, si le Sénat n’a pas rendu une décision finale sur le projet de loi au moment où la séance doit prendre fin, la Présidente interrompe les délibérations alors en cours afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi;

8.il soit entendu que si la Présidente doit, conformément au présent ordre, à tout moment interrompre les délibérations alors en cours afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à une étape précise, aucun autre débat ou amendement ne soit permis sauf, s’il y a lieu, pour proposer la troisième lecture du projet de loi et, si un vote par appel nominal est demandé après l’interruption des délibérations, le vote ne soit pas reporté et la sonnerie ne retentisse qu’une fois pendant 15 minutes et ne retentisse pas de nouveau pour les votes subséquents nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à cette étape, toute disposition du Règlement ou tout ordre concernant l’heure de levée de la séance étant suspendu ce jour-là jusqu’à ce que le Sénat ait terminé les délibérations conformément au présent ordre.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada

Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

Projet de loi sur le traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

(Conformément à l’ordre adopté plus tôt aujourd’hui, le projet de loi est inscrit à l’ordre du jour pour la deuxième lecture plus tard aujourd’hui.)

(1440)

[Traduction]

Le Code criminel
La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Scott Tannas dépose le projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Tannas, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs

Première lecture

L’honorable Marty Deacon dépose le projet de loi S-269, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Deacon (Ontario), la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

ParlAmericas

L’assemblée plénière et la rencontre du Réseau parlementaire pour l’égalité des genres de ParlAmericas, tenues du 30 novembre au 2 décembre 2022

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de ParlAmericas concernant la dix-neuvième assemblée plénière et la quatorzième rencontre du Réseau parlementaire pour l’égalité des genres de ParlAmericas, tenues à Bogota, en Colombie, du 30 novembre au 2 décembre 2022.

L’Association parlementaire Canada-Europe

La quatrième partie de la session ordinaire de 2022 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue du 10 au 20 octobre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la quatrième partie de la session ordinaire de 2022 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue à Strasbourg, en France, et à Varsovie, en Pologne, du 10 au 20 octobre 2022.

[Traduction]

Le Groupe interparlementaire Canada—États-Unis

La visite au Congrès, du 23 au 26 mai 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la visite au Congrès, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis, du 23 au 26 mai 2022.

La réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 9 au 13 juillet 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la soixante-seizième réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue à Oklahoma City, en Oklahoma, aux États-Unis, du 9 au 13 juillet 2022.

La réunion estivale annuelle de la National Governors Association, tenue du 13 au 15 juillet 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la réunion estivale annuelle de la National Governors Association, tenue à Portland, dans le Maine, aux États-Unis, du 13 au 15 juillet 2022.

La réunion annuelle de la Western Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 19 au 22 juillet 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la réunion annuelle de la Western Legislative Conference du Council of State Governments, tenue à Boise, en Idaho, aux États-Unis, du 19 au 22 juillet 2022.

Le sommet annuel de la Région économique du nord-ouest du Pacifique, tenu du 24 au 27 juillet 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant le trente et unième sommet annuel de la Région du nord‑ouest du Pacifique, tenu à Calgary, en Alberta, au Canada, du 24 au 27 juillet 2022.

Le sommet législatif annuel de la National Conference of State Legislatures, tenu du 1er au 3 août 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant le sommet législatif annuel de la National Conference of State Legislatures, tenu à Denver, au Colorado, du 1er au 3 août 2022.

La visite au Congrès, du 12 au 15 septembre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la visite au Congrès, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis, du 12 au 15 septembre 2022.

La conférence annuelle du Council of State Governments, tenue du 7 au 10 décembre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la conférence annuelle de 2022 du Council of State Governments, tenue à Honolulu, à Hawaï, aux États-Unis, du 7 au 10 décembre 2022.

La visite au Congrès, du 6 au 9 février 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la visite au Congrès, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis, du 6 au 9 février 2023.

[Français]

Affaires étrangères et commerce international

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique, et d’autres questions connexes;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2024;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, un simple rappel au sujet des téléphones cellulaires : je vous prie de les régler en mode sourdine ou de couper le son ainsi que d’éteindre le chronomètre. Merci de vous en souvenir. Je vous remercie.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Les coûts des procédures judiciaires

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, en 2021, le gouvernement Trudeau s’est battu devant les tribunaux contre les familles de Kristen French et de Leslie Mahaffy afin d’empêcher que la Commission des libérations conditionnelles et Service correctionnel Canada leur fournissent l’information dont elles avaient besoin pour se préparer aux audiences de libération conditionnelle de Paul Bernardo, qui a torturé et tué leurs filles. Le gouvernement Trudeau a plaidé en faveur de la protection de la vie privée de Paul Bernardo et il a eu gain de cause.

Puis, à sa très grande honte, sénateur Gold, le gouvernement Trudeau a demandé au tribunal d’exiger que ces familles paient les dépenses du gouvernement dans cette instance, qui s’élevaient à 19 142,17 $. Le juge a subséquemment réduit le montant à 4 000 $.

Monsieur le leader, la réponse différée qui a été déposée l’automne dernier ne répondait aucunement à la question qui vous avait été posée en 2021. Pourquoi le gouvernement a-t-il demandé à ces familles en deuil de payer les dépenses qu’il a engagées pour s’opposer à elles devant les tribunaux, sénateur Gold?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Je suis navré que la réponse fournie n’ait pas répondu à votre question. Je vais faire un suivi afin de savoir pourquoi et d’obtenir la réponse.

Le Service correctionnel du Canada—Le transfert d’un détenu

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) Je vous remercie, sénateur Gold. J’espère que cela ne prendra pas deux ans, mais je vous remercie d’aller vous renseigner.

Monsieur le leader, en janvier dernier, le gouvernement Trudeau s’est battu contre ces familles devant la Cour d’appel fédérale pour que le dossier correctionnel de Paul Bernardo et celui sur sa libération conditionnelle demeurent secrets. La semaine dernière, nous avons appris que le gouvernement n’a rien fait pour empêcher le transfèrement de Paul Bernardo hors d’un établissement à sécurité maximale. Pire encore, le premier ministre et le ministre Mendicino ont prétendu être horrifiés et choqués que ce transfert de prison soit rendu public. Pourtant, sénateur Gold, leur personnel savait depuis des mois que ce transfèrement allait avoir lieu.

Monsieur le leader, le ministre a dit à maintes reprises avoir corrigé les façons de faire de son cabinet parce que les membres de son personnel ne l’auraient pas informé de ce transfèrement.

Voici ma première question, sénateur Gold : en quoi consistent ces mesures correctives? Voici ma deuxième : quand la cheffe de cabinet du premier ministre, Katie Telford, a-t-elle appris que Paul Bernardo serait transféré hors d’un établissement à sécurité maximale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) Je vous remercie de votre question. Je crois que les réponses à ces questions ont déjà été rendues publiques. Cependant, je souligne un point important en réponse à votre question et à cet incident troublant — surtout pour les familles qui ont été si tragiquement touchées. La loi ne permet pas aux ministres de donner des instructions à Service correctionnel Canada concernant le transfèrement ou non des délinquants d’un établissement à un autre. D’ailleurs, les ministres n’ont pas — et ne devraient pas avoir — l’habitude de le faire. Comme l’a dit le ministre, il a demandé que la décision soit examinée, ce qui correspond à la limite acceptable d’une intervention politique dans ce genre d’affaires.

(1450)

En ce qui a trait aux problèmes reconnus concernant la transmission des informations, le ministre s’en est occupé à l’interne.

L’innovation, les sciences et le développement économique

L’usine de fabrication de batteries pour véhicules électriques

L’honorable Elizabeth Marshall : Ma question s’adresse aussi au sénateur Gold. Elle porte sur la transparence, sénateur Gold. Après tout, le gouvernement, notamment par votre entremise, nous rappelle sans cesse à quel point il est transparent.

La semaine dernière, le directeur parlementaire du budget a publié un rapport sur le soutien du gouvernement à la construction de l’usine de fabrication de batteries pour véhicules électriques de Volkswagen. Il a dit que le gouvernement devra verser environ 16 milliards de dollars pendant la période visée par l’accord, mais le gouvernement affirme que le coût s’élèvera à environ 13 milliards de dollars. Je vais donc utiliser le chiffre de 13 milliards de dollars.

Le gouvernement a déjà dit que le coût de l’entente a entièrement été comptabilisé, mais je n’arrive pas à le trouver dans ses projections financières. J’ai demandé au directeur parlementaire du budget s’il pouvait me dire exactement où se trouve cet argent parce que 13 milliards de dollars c’est une somme considérable. Il ne pouvait pas me le dire.

Je sais qu’il y a beaucoup de gros chiffres dans les projections financières du gouvernement sans qu’aucun détail soit fourni. Cependant, le directeur parlementaire du budget a dit que l’information était insuffisante, qu’il était impossible de trouver la réponse.

Ma question est la suivante : où se trouvent les 13 milliards de dollars dans les projections financières?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Sénatrice Marshall, si vous n’arrivez pas à trouver la réponse, je pourrais bien avoir de la difficulté à le faire.

Le point important qu’il faut retenir au sujet des chiffres dont vous avez parlé, c’est que l’entente avec Volkswagen et l’argent que le gouvernement a accepté de verser sont liés au rendement de cette usine — au calendrier et à l’ampleur de la mise en production.

Ainsi, cet aspect pourrait bien expliquer pourquoi, initialement, le montant des fonds n’est pas nécessairement établi avec précision.

Je porterai assurément votre question à l’attention du ministre.

La sénatrice Marshall : Même si votre explication a été utile, je dois vous dire qu’une telle situation n’est pas rare. En effet, très souvent, quand des sommes importantes sont en jeu, il est impossible de les trouver et de savoir à quoi elles se rattachent dans le budget. C’est également le cas du financement de 15 milliards de dollars pour le Fonds de croissance du Canada.

Pourquoi le gouvernement est-il si cachottier lorsqu’il s’agit de fournir des renseignements financiers qui permettraient aux parlementaires de suivre l’argent? Il est tout simplement impossible de suivre l’argent avec l’information qu’il nous donne actuellement.

La sénatrice Batters : Bravo!

Le sénateur Gold : Merci. Je ne suis pas prêt à accepter l’argument selon lequel le gouvernement est « cachottier ». Cependant, je vous crois quand vous dites avoir du mal à suivre l’argent. C’est là un problème important que je vais certes porter à l’attention de la ministre. C’est un point valable, et j’en prends note.

Le financement de la recherche

L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, selon la dernière analyse financière du directeur parlementaire du budget au sujet de l’aide financière accordée à l’usine de batteries électriques de Volkswagen, le gouvernement se serait engagé à verser 16,3 milliards de dollars pendant la durée de l’entente. On parle ici d’une seule usine dont les produits seront fabriqués à partir des technologies d’aujourd’hui et des principes scientifiques d’hier. Qui peut prétendre connaître les avancées scientifiques et technologiques qu’il y aura en 2027, lorsque cette usine entrera en service?

Ce même gouvernement semble incapable de trouver les fonds nécessaires pour donner un salaire suffisant aux étudiants, c’est‑à‑dire les scientifiques qui créeront l’économie de demain. Ce sont ces jeunes esprits novateurs qui stimulent la recherche‑développement et qui favorisent ainsi la croissance économique du Canada de demain. Sans travaux de recherche constants, ces usines de fabrication deviendront obsolètes aussi rapidement que nos plus brillants cerveaux seront recrutés à l’étranger.

Sénateur Gold, le gouvernement s’engagera-t-il, dans l’énoncé économique de l’automne, à augmenter le nombre de programmes de subventions et de bourses des trois conseils subventionnaires et la valeur des sommes accordées aux étudiants?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Merci aussi d’avoir attiré notre attention sur le rôle important que jouent les trois organismes subventionnaires que sont les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Le gouvernement a encore et toujours à cœur de soutenir les chercheurs et les scientifiques d’ici et, comme je l’ai déjà dit auparavant, il est conscient de la place essentielle qu’occupent les étudiants à la maîtrise, au doctorat et au postdoctorat dans l’écosystème canadien de la recherche. Voilà pourquoi, en octobre 2022, il a créé le Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, qui a pour mandat de conseiller les autorités sur la structure et la gouvernance du système de recherche et de mise en valeur des talents.

En mars, le ministre Champagne et le ministre Duclos ont publié le rapport, les constatations et les recommandations du comité. Selon ce qu’on m’a dit, le gouvernement a soigneusement étudié les conseils qui lui ont été prodigués afin de mieux soutenir les chercheurs et tirer parti des talents d’ici. Cela dit, avant de passer à l’énoncé économique de l’automne comme vous l’avez proposé, chers collègues, j’aimerais que le Sénat procède à la troisième lecture et — espérons-le — à l’adoption rapide du projet de loi C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023.

Le sénateur Kutcher : Sénateur Gold, les bourses d’études ou de recherche financées par les trois organismes permettent aux étudiants de troisième cycle marginalisés et aux étudiants sans soutien familial de poursuivre leurs études.

Comment le gouvernement envisage-t-il d’égaliser les chances en matière d’accès à l’enseignement supérieur pour tous ceux qui ont du mérite, afin que le Canada puisse continuer à prospérer et à se développer en permettant à nos meilleurs éléments d’accéder aux postes qu’ils doivent occuper, et pas seulement à ceux qui sont dans une situation privilégiée à cet égard?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour cette question qui, une fois de plus, illustre les questions auxquelles de nombreux chercheurs sont confrontés pour effectuer le travail dont nous dépendons pour notre prospérité actuelle et future.

Chers collègues, comme vous vous en souvenez peut-être, les budgets précédents du gouvernement prévoyaient 40,9 millions de dollars pour financer des bourses d’études ciblées destinées, dans ce cas, à des chercheurs étudiants noirs prometteurs; et 38,3 millions de dollars pour permettre aux organismes subventionnaires fédéraux d’ajouter de nouvelles chaires d’excellence en recherche du Canada dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques.

Je le répète : le gouvernement reste déterminé à maintenir le Canada au rang de leader mondial de la recherche et de l’innovation, car nos chercheurs de renommée mondiale effectuent un travail de pointe ambitieux.

Les finances

Le recouvrement des créances

L’honorable Kim Pate : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le Globe and Mail a récemment exposé au grand jour l’existence d’une note de service interne du gouvernement révélant que l’hiver dernier, l’Agence du revenu du Canada a recommencé à récupérer des prestations vitales telles que l’Allocation canadienne pour enfants auprès de Canadiens à faible revenu.

Le gouvernement a fait cela avec peu de préavis et alors que le prix des logements et de la nourriture montent en flèche, sachant que cela entraînerait des difficultés financières.

De telles révélations attisent le scepticisme de nombreux Canadiens, en particulier dans le contexte actuel, où le gouvernement dit qu’il tentera de négocier la non-récupération de la prestation canadienne pour les personnes handicapées.

Pouvez-vous promettre aux personnes qui vivent dans la pauvreté et qui touchent des prestations du gouvernement à l’heure actuelle, qu’il s’agisse de la Prestation canadienne d’urgence, de l’Allocation canadienne pour enfants, du Supplément de revenu garanti ou, éventuellement, de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, que d’autres formes de revenu de subsistance garanti seront offertes aux personnes admissibles qui les méritent et que ces dernières recevront l’intégralité de ces prestations, sans égard à la menace des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux, des compagnies d’assurance ou d’autres entités de les récupérer?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie et je remercie tous nos autres collègues qui défendent sans relâche les plus démunis de nos concitoyens.

Le gouvernement est certainement au fait de la possibilité que des sommes soient récupérées dans divers secteurs et il prend les inquiétudes quant à cette possibilité très au sérieux.

Je peux assurer à mes collègues du Sénat que le gouvernement a la ferme intention de collaborer avec les provinces et territoires afin d’harmoniser cette prestation, la prestation pour personnes handicapées, et de s’assurer que tous les Canadiens reçoivent l’aide dont ils ont besoin. À cet égard, comme plusieurs, je suis impatient de débattre du message au sujet du projet de loi C-22, que nous pourrons adopter aujourd’hui, je l’espère, afin que la prestation canadienne pour les personnes handicapées puisse enfin être instaurée.

(1500)

La sénatrice Pate : Je vous remercie beaucoup, sénateur Gold. Pourriez-vous demander au gouvernement dans quelle proportion il a pris des mesures contre les prestataires de la PCU par l’intermédiaire de l’Agence du revenu du Canada, dans quelle proportion il a pris des mesures contre les entreprises qui ont reçu la subvention salariale d’urgence et dans quelle mesure il récupère cette subvention auprès des entreprises et des employeurs?

Le sénateur Gold : Je vais certainement me renseigner. Merci.

Les transports

Les services aériens dans le Nord

L’honorable Dennis Glen Patterson : Sénateur Gold, les compagnies aériennes Canadian North et First Air ont proposé de fusionner en 2018 afin d’offrir des services efficaces et rentables à leurs clients, selon ce qu’elles affirment, mais cette fusion créerait un monopole dans la majeure partie du Nunavut. En juin 2019, le ministère des Transports et le Bureau de la concurrence ont autorisé la fusion, mais en imposant certaines conditions afin que le monopole ainsi créé n’entraîne pas d’abus relativement au transport des marchandises et des passagers.

Malgré les conditions strictes ayant été imposées, le cabinet du ministre des Transports a annoncé, dans un communiqué de presse publié en fin d’après-midi, le vendredi 21 avril, que ces conditions ont été levées et que Canadian North allait pouvoir augmenter le tarif passagers et le tarif de fret de 25 % par année, à condition de ne pas réaliser des profits de plus de 10 % par année.

Le ministre a aussi permis à Canadian North de réduire la fréquence des vols à aussi peu qu’un vol par semaine dans les localités où le coefficient d’occupation des passagers n’atteint pas 85 % sur six mois. Cette mesure a suscité beaucoup d’inquiétude dans les petites localités isolées ainsi que chez les voyageurs et les entreprises qui comptent sur le transport du fret pour fournir et exporter leurs produits.

Sénateur Gold, dans la mesure où le Bureau de la concurrence a contribué à établir les conditions permettant de protéger les consommateurs, y est-il pour quelque chose dans la levée des conditions relatives à la fusion? Dans la négative, pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Merci aussi d’avoir rappelé à notre assemblée tous les obstacles que les habitants du Nord doivent surmonter — notamment au chapitre du transport, comme vous venez de l’expliquer — et les coûts qui y sont associés.

Je vais me renseigner et j’espère pouvoir vous revenir rapidement avec une réponse.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie. Sénateur Gold, le seul moyen de circonscrire la hausse faramineuse des tarifs des lignes aériennes, qui pourrait atteindre 25 %, que ce soit pour les passagers ou les marchandises, serait que le ministre des Transports passe en revue leurs états financiers tous les trimestres et qu’il lance un audit indépendant afin que les profits de ce monopole ne dépassent pas 10 % par année.

Le ministre des Transports produira-t-il un rapport de conformité à l’issue des audits indépendants afin que le public sache si le Nord canadien respecte les critères liés aux profits, aux tarifs pour passagers et aux tarifs pour marchandises?

Le sénateur Gold : Je vous remercie. Je vais me renseigner à ce sujet-là aussi.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Le traitement des demandes de visas

L’honorable Amina Gerba : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, dans mon ancienne vie d’entrepreneure, j’ai pu constater les délais dans le traitement de demandes de visas et le volume considérable de refus pour ces visas, ce qui nous prive de la présence de nombreux participants africains à nos événements économiques et culturels.

Cette situation, qui persiste depuis des décennies, ne fait qu’empirer aujourd’hui. En effet, des chiffres publiés récemment indiquent qu’un Sénégalais ou un Gabonais qui souhaite venir au Canada doit attendre 320 jours pour une réponse sans appel, alors qu’un demandeur de visa canadien en Indonésie n’attend que 11 jours avant d’obtenir une réponse.

Sénateur Gold, qu’est-ce qui explique une telle disparité dans les délais de réponse, et que fait le gouvernement pour changer cette politique discriminatoire qui porte préjudice à nos événements internationaux, particulièrement à Montréal?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, chère collègue, d’avoir soulevé cette question. De manière générale, le gouvernement prend toutes les mesures nécessaires afin de résorber les arriérés à court terme, tout en rendant notre système plus viable à long terme.

Chère collègue, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a reconnu — et je cite — « la présence de racisme au Canada et au sein de sa propre organisation ».

Le ministère prend des mesures pour tenter d’assurer l’équité raciale. On m’a assuré que chaque cas est évalué en fonction de ses mérites de manière équitable et conformément aux lois canadiennes. Le gouvernement a clairement indiqué que toutes les demandes doivent être traitées de manière impartiale et professionnelle.

La sénatrice Gerba : Merci, sénateur Gold. Cependant, est-ce que le gouvernement a un calendrier crédible pour apporter des changements aux politiques en matière d’immigration, notamment pour les Africains qui sont en voyage d’affaires au Canada?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Le gouvernement est fortement engagé dans ses relations avec les nations africaines. En ce qui concerne les demandes de visas, je note, par exemple, que le Maroc et les Seychelles font partie des 13 nouveaux pays qui sont maintenant admissibles au programme d’autorisation de voyage électronique (AVE) au Canada. Les voyageurs admissibles de ces États africains peuvent demander une AVE au lieu d’un visa.

Les ressources naturelles

La boucle de l’Atlantique

L’honorable Percy Mockler : Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral parle de la boucle de l’Atlantique. Ce matin, un des grands journalistes canadiens, Adam Youris, rapportait que le premier ministre Trudeau se trouvait en Nouvelle-Écosse en fin de semaine pour participer au Forum économique de l’Atlantique. Le premier ministre a profité de l’occasion pour parler du projet de la boucle de l’Atlantique, qui aura un impact important, surtout dans les provinces de l’Atlantique. On parle d’un projet de plusieurs milliards de dollars et qui ferait de l’Atlantique une puissance en matière d’énergie verte.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous faire une mise à jour sur le projet proposé? Quelles sont les options qui ont été mises sur la table afin de réaliser ce projet indispensable pour toutes les provinces de l’Atlantique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, et merci aussi de souligner l’importance de ce projet de boucle de l’Atlantique, qui pourrait avoir un effet révolutionnaire pour la vie et l’économie de tous les citoyens et citoyennes de la région de l’Atlantique, en faisant en sorte que leur dépendance au charbon soit remplacée par une énergie plus propre.

Je n’ai pas les détails en ce qui concerne les négociations et les discussions en cours, mais je vais faire un effort pour obtenir plus d’information à cet égard.

Le sénateur Mockler : On dit que le projet pourrait passer par le nord-ouest du Nouveau-Brunswick. En tant que résidant et sénateur du Nouveau-Brunswick, je m’engage à travailler avec tous les intervenants de la région, ainsi qu’avec le gouvernement du Québec, à la réalisation de ce projet, afin que le nord-ouest soit sérieusement considéré comme trajet principal. En effet, ce projet qui équivaut à plusieurs milliards de dollars créera de bons emplois dans la région.

[Traduction]

Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, on dirait que le gouvernement fédéral a finalement compris que la boucle de l’Atlantique pourrait contribuer à la lutte contre les changements climatiques et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, que ce soit ici ou ailleurs en Amérique du Nord. N’en doutez pas un seul instant : la boucle de l’Atlantique va se traduire par l’élimination graduelle, mais complète, des centrales au charbon du Canada atlantique.

Quand le gouvernement fédéral annoncera-t-il officiellement le projet de la boucle de l’Atlantique? Les actes valent mieux que les paroles, monsieur le leader.

(1510)

Le sénateur Gold : Bien sûr, je vous remercie de votre question. Comme je l’ai dit dans ma réponse à votre première question, il s’agit d’un projet transformateur qui, comme vous l’avez souligné à juste titre, pourrait donner accès à une énergie plus propre et réduire la dépendance aux combustibles fossiles de l’ensemble de la région de l’Atlantique.

Comme vous l’avez également souligné, il concerne non seulement les quatre provinces de l’Atlantique, mais aussi le Québec, sans oublier le gouvernement fédéral.

Il s’agit d’un projet de grande envergure. Des discussions sont clairement en cours. Le premier ministre a été très clair lorsqu’il a profité de l’occasion pour annoncer qu’il appuie et encourage le projet. Je suis convaincu que tous les gouvernements fourniront de plus amples renseignements à mesure que leurs discussions progresseront.

[Français]

La sécurité publique

La lettre de mandat

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement. On a beaucoup parlé du ministre de la Sécurité publique de votre gouvernement, M. Mendicino, ces dernières années et vous conviendrez avec moi que le nombre de faux pas qu’on peut lui attribuer est impressionnant.

J’ai lu sa lettre de mandat et un des premiers objectifs qui y est inscrit est de « poursuivre les efforts pour mettre fin à la violence par arme à feu ». Le Journal de Montréal rapporte que les résultats, pour la seule ville de Montréal, en mars 2023, sont les suivants :

[...] en un peu plus de quatre semaines, plus de 20 crimes par arme à feu avaient été répertoriés, soit la moitié du bilan à ce jour.

Voici un autre objectif inscrit dans sa lettre de mandat :

collaborer avec les provinces, les territoires et les municipalités qui recourent aux services de la GRC pour mieux coordonner ces services [...].

Les résultats : la crise survenue à Ottawa et l’invocation de la Loi des mesures d’urgence. Le ministre se fait contredire par la Gendarmerie royale du Canada et la coordination des corps policiers a été un véritable désastre.

Un autre objectif inscrit dans sa lettre de mandat : « contribuer aux efforts globaux en vue de promouvoir la sécurité économique et de lutter contre l’ingérence étrangère. » Le résultat : la crise de l’ingérence chinoise est l’une des plus importantes crises qu’a connues ce gouvernement et celui-ci est complètement en déroute.

Monsieur le leader, pouvez-vous vérifier si le ministre Mendicino a bien reçu sa lettre de mandat?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Oui, le ministre a reçu et lu sa lettre de mandat. Il a introduit un projet de loi important, le projet de loi C-21, qui a l’appui de plusieurs partis de l’opposition — malheureusement pas de l’opposition officielle — et l’appui des communautés ciblées par la violence. J’attends avec intérêt les discours qui seront prononcés dans cette enceinte à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi.

Pour ce qui est des autres éléments de votre question, en fait, j’ai répondu à plusieurs reprises. Oui, il a reçu et lu sa lettre de mandat, et le gouvernement a confiance en M. Mendicino pour son travail.

Le sénateur Carignan : Alors, s’il a lu sa lettre de mandat, pouvez-vous nous confirmer si le premier ministre a prévu, entre deux journées de surf, de rencontrer le ministre Mendicino pour le congédier?

Le sénateur Gold : Comme je l’ai dit, je suis avisé que le gouvernement fait confiance au ministre Mendicino et au travail qu’il fait pour nous.

[Traduction]

L’emploi et le développement social

Le harcèlement et la violence au travail

L’honorable Marilou McPhedran : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Elle porte sur le suivi du projet de loi C-65.

En 2008, le Canada s’est engagé à régler le problème omniprésent de la violence et du harcèlement au travail en adoptant le projet de loi C-65, qui a instauré de nouvelles obligations dans le Code canadien du travail, comme la nécessité de faire le suivi des cas de violence, de discrimination et de harcèlement sexuels dans les lieux de travail sous réglementation fédérale, dont le Sénat. C’est d’ailleurs la première fois que notre institution est soumise à une obligation de ce genre.

Compte tenu du manque de données sur la violence et le harcèlement dans les lieux de travail du Canada et des graves effets sur les employés touchés, qui sont principalement des femmes, des membres des minorités visibles, des personnes handicapées et des personnes de diverses identités de genre, cette nouvelle loi devait faire la lumière sur la nature et la prévalence des cas en obligeant les employeurs fédéraux à remettre des rapports annuels au ministre et en engageant le ministre du Travail à présenter, aux deux Chambres du Parlement, des rapports annuels résumant l’information présentée par ces employeurs. Toutefois, le suivi des employeurs et la présentation des rapports ont été reportés près de trois ans après l’entrée en vigueur du projet de loi C-65.

À la veille du cinquième anniversaire de l’entrée en vigueur du projet de loi, et après deux cycles de présentation de rapports, le ministre du Travail n’a toujours pas publié de rapport sur les mesures de surveillance, qui sont pourtant essentielles pour soutenir la prévention du harcèlement et de la violence et tenir les agresseurs responsables de leurs actes.

Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement tarde-t-il à se pencher sur le nombre de cas de violence, de harcèlement et, surtout, d’inconduite sexuelle dans les lieux de travail fédéraux? Quand les Canadiens pourront-ils consulter les rapports tant attendus du ministre du Travail? Sera-t-il indiqué dans ces rapports si des ententes de non-divulgation ont été secrètement conclues pour régler les plaintes pour inconduite sexuelle?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et d’avoir souligné l’importance de veiller à ce que les lieux de travail relevant de la compétence fédérale soient sûrs, sécuritaires et sains pour tous ceux qui y travaillent.

Je vais me renseigner au sujet de vos questions et j’espère obtenir une réponse le plus rapidement possible.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Les affaires étrangères— Les affaires mondiales—Le syndrome de La Havane

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 191, en date du 31 janvier 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Affaires mondiales Canada — syndrome de La Havane.

Les pêches, les océans et la Garde côtière canadienne—Les brise-glaces de classe polaire

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 225, en date du 30 mars 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant les brise-glaces de classe polaire.

Les pêches, les océans et la Garde côtière canadienne—Les permis de salmoniculture

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 228, en date du 19 avril 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Wells, concernant les permis de salmoniculture.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude de la motion no 1, suivie de l’étude du message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-22, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-51, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-47, suivie de l’étude de la motion no 110, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Français]

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Ian Shugart : Honorables sénateurs, je me sens privilégié de prendre la parole aujourd’hui pour la première fois dans cette enceinte.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le sénateur Shugart : J’ai mis tant d’efforts à composer ce discours, mais j’ai bien l’impression qu’il est terminé.

[Français]

Techniquement, mes commentaires sont une réponse au discours du Trône, à un moment de l’histoire de notre pays qui est plein de potentiel, mais qui fait aussi l’objet d’une certaine menace.

J’avoue que c’est une expérience intéressante et quelque peu difficile que de passer du pouvoir exécutif au pouvoir législatif!

Le Canada fait face à de grands défis, notamment en ce qui concerne la justice sociale, les crises environnementales, les risques économiques majeurs et un contexte mondial de sécurité très dangereux. Pour survivre — sans parler d’exceller — à ces réalités, nous devrons être au sommet de notre forme. L’autre solution est la médiocrité. Il y a un domaine où nous devons être meilleurs, c’est celui de la gouvernance et de la politique.

(1520)

[Traduction]

La semaine dernière, dans cette enceinte, de nombreux sénateurs se sont exprimés sur les risques qui pèsent sur la démocratie canadienne. Aujourd’hui, j’espère apporter une contribution utile à ces propos. J’aborderai la notion de modération, un concept, une discipline, qui s’est avérée indispensable à notre développement constitutionnel et institutionnel.

Je vous invite à vous plonger dans notre passé.

En 1981, la Cour suprême du Canada a statué sur un renvoi du gouvernement du Canada concernant un ensemble de réformes constitutionnelles. Bien que le premier ministre Pierre Trudeau eût négocié cet ensemble de réformes avec les provinces, les négociations se trouvaient dans une impasse malgré tous les efforts entrepris. La question qu’il a posée à la Cour suprême était la suivante : est-il permis de modifier la Constitution sans l’accord d’une grande majorité des provinces? La cour a répondu qu’il serait légal de le faire, mais pas constitutionnel. Le premier ministre Trudeau a donc décidé d’aller de l’avant et de convoquer à nouveau les provinces, entamant ainsi la plus grande réforme constitutionnelle de notre histoire.

Je me dois de faire remarquer qu’à mon grand regret, le Québec n’a pas participé à ce consensus. Il convient également de souligner qu’au grand dam de M. Trudeau, l’inclusion de la disposition de dérogation dans la Charte était essentielle pour parvenir à un accord sur la Charte dans son ensemble, car elle permettait de trouver un équilibre entre la souveraineté du pouvoir législatif et celle du pouvoir judiciaire.

Honorables sénateurs, M. Trudeau a fait preuve de modération.

En retournant à la table de négociation et en acquiesçant aux demandes des provinces récalcitrantes, il a permis à la Charte de voir le jour. Chers collègues, je me demande si, de nos jours, l’un ou l’autre des chefs des principaux partis feraient preuve d’une telle retenue. Après tout, M. Trudeau avait un jugement de la Cour suprême lui disant que sa proposition était légale.

Revenons au présent.

Pas plus tard que l’automne dernier, un conflit a éclaté entre le gouvernement de l’Ontario et les fonctionnaires du secteur de l’éducation représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique. L’Assemblée législative de l’Ontario a adopté une loi imposant un contrat de travail aux syndiqués, en plus d’invoquer la disposition de dérogation de manière préventive afin d’éviter que la constitutionnalité de la loi soit contestée. La grève a éclaté, et la levée de boucliers a été instantanée. Je suis certain que le gouvernement estimait être dans son droit, mais d’aucuns, à commencer par les syndicats, y ont vu une atteinte aux droits des travailleurs et une attaque contre le syndicalisme. La situation s’est calmée quand le premier ministre Ford a abrogé sa loi.

Il était majoritaire à l’assemblée législative, et même si, à mon avis, l’usage qu’il a fait de la disposition de dérogation était à proscrire, cette possibilité est là, dans la Constitution. Force est donc de constater que le premier ministre Ford a fait preuve de retenue, ce qui est tout à son honneur.

Je précise au passage que, pour résoudre le « problème » de la disposition de dérogation, il faut soumettre la question à la Cour suprême du Canada pour qu’elle établisse quand et comment elle devrait être appliquée. Cependant, la Cour suprême est certainement directement intéressée par la question et ne pourrait pas jouer le rôle d’arbitre impartial qu’elle devrait assumer normalement. Je crois fermement qu’au bout du compte, la seule solution est que le public se montre vigilant et que les gouvernements fassent preuve de retenue par rapport à l’application de la disposition de dérogation.

Honorables collègues, je vous invite à vous projeter dans l’avenir.

Au cours de la présente législature, nous avons vu un changement considérable dans la composition de la Chambre haute. Si le gouvernement actuel est réélu, nous pouvons nous attendre à ce que le Sénat évolue davantage. Plus le Sénat s’éloignera de l’organisation axée sur les partis, plus les principes d’indépendance et de liberté d’action seront renforcés. Si nous allons trop loin, bon nombre de sénateurs pourraient se trouver essentiellement à se donner eux-mêmes le rôle de l’opposition officielle. Les deux Chambres pourraient donc se retrouver fréquemment ou constamment dans une impasse en raison du nombre croissant de sénateurs qui revendiqueraient le droit de bloquer l’étude d’un projet de loi provenant de la Chambre élue.

Par ailleurs, malgré l’attention accordée actuellement à l’ingérence étrangère, je suis convaincu que nos institutions et notre processus démocratiques sont suffisamment sains pour nous donner un autre gouvernement. Si c’était le cas, certains sénateurs pourraient estimer qu’ils ont le droit et l’obligation de s’opposer à toute mesure législative émanant de l’autre endroit si elle reflète un point de vue philosophique auquel ils n’adhèrent pas. Si une telle prévision devait se réaliser, cela pourrait entraîner une paralysie des travaux législatifs. Pour être franc, dans l’un ou l’autre scénario, notre institution serait susceptible d’agir de manière antidémocratique — paradoxalement, en permettant à un principe solidement ancré de l’emporter sur la convention constitutionnelle et le respect de la volonté de la Chambre élue.

Dans les deux cas, nous avons les germes d’une crise constitutionnelle. Un ingrédient essentiel pour éviter ou résoudre une telle crise sera la pratique de la modération. Notre Constitution se fonde sur l’application littérale des lois et des conventions — des pratiques développées au fil des décennies et des siècles, dans lesquelles on réprime l’instinct d’exercer un pouvoir brut pour le bien commun. Sans modération, la convention selon laquelle le devoir du Sénat est d’examiner, d’amender et d’adopter des mesures législatives, tout en faisant preuve de déférence envers la Chambre reflétant le plus directement la volonté du peuple, est incomplète.

Honorables sénateurs, qu’il s’agisse de ce que nous disons les uns aux autres ou les uns sur les autres, de la manière dont nous réapprenons à écouter ceux qui ne partagent pas notre point de vue ou à dialoguer avec eux, ou de la façon dont nous veillons à la santé de nos institutions, nous devons réapprendre la vertu de la modération.

Le Canada est un grand pays diversifié, tant sur le plan géographique que sur les plans social, culturel, économique et philosophique. Pour chacun d’entre nous, pour les partis politiques et pour les institutions, la retenue peut commencer pas la reconnaissance que notre point de vue, si légitime soit-il, n’est pas le seul point de vue possible.

La retenue a toujours bien servi l’intérêt de notre pays, et à l’heure actuelle, nous en avons besoin. Puissions-nous trouver le courage de faire preuve de retenue.

Merci, Votre Honneur.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)

(1530)

Projet de loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption de l’amendement des Communes et de renonciation à l’amendement du Sénat

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu :

Le mercredi 14 juin 2023

EXTRAIT,—

Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu, la Chambre :

accepte les amendements 1, 4 et 5 apportés par le Sénat;

accepte la proposition du Sénat de faire tous les changements nécessaires à la désignation numérique des dispositions et aux renvois qui découlent des amendements au projet de loi;

rejette respectueusement l’amendement 2 parce qu’il soulève d’importantes préoccupations constitutionnelles en cherchant à réglementer l’industrie de l’assurance en particulier et les contrats en général, qui relèvent tous deux de la compétence provinciale;

propose que l’amendement 3 soit remplacé par ce qui suit :

« Nouvel article 10.1, page 4 : Ajouter, après la ligne 8, ce qui suit :

« Appels

10.1 Toute personne, ou quiconque en son nom, peut, sous réserve de tout règlement, porter en appel auprès d’un organisme désigné par règlement pris en vertu de l’alinéa 11(1)i) toute décision qui, selon le cas;

a) prévoit qu’elle est inadmissible à la prestation canadienne pour les personnes handicapées;

b) porte sur le montant de la prestation canadienne pour les personnes handicapées qui lui a été versée ou qui lui sera versée;

c) est prévue par règlement. » ».

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à son amendement 3;

b)n’insiste pas sur son amendement 2, auquel la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’appui de la version amendée du projet de loi C-22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, et afin de demander respectueusement aux sénateurs d’accepter le message de l’autre endroit. Permettez-moi d’abord de remercier le parrain du projet de loi, le sénateur Cotter, de ses efforts inlassables en vue de piloter ce projet de loi jusqu’au fil d’arrivée.

Chers collègues, le projet de loi C-22 nous a été renvoyé plus tôt cette année après que la Chambre des communes l’ait adopté à l’unanimité. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a tenu plus d’une dizaine de réunions à son sujet, dont sept pour entendre 44 témoins, et a reçu 48 mémoires de voix importantes au sein de la communauté des personnes handicapées. Ces témoignages et ces mémoires ont suggéré des moyens d’améliorer le projet de loi. Après avoir soigneusement examiné le projet de loi, le comité a adopté six amendements, que le Sénat a renvoyés à l’autre endroit.

[Français]

Au nom du gouvernement, je tiens à remercier les membres du comité de leur travail important et d’avoir offert aux membres de la communauté des personnes handicapées un forum qui leur a permis de partager leurs histoires et leurs points de vue et de faire part de leur expertise sur la fonction et la conception de la prestation d’invalidité.

[Traduction]

En réponse au travail accompli par le Sénat, le gouvernement a accepté les amendements nos 1, 4, 5 et 6 tels quels et il s’est respectueusement opposé à l’amendement no 2 .

[Français]

Le gouvernement est d’accord avec l’amendement 1, présenté par la sénatrice Dasko, car il renforce le libellé du préambule du projet de loi. Les membres du comité ont entendu un certain nombre de témoins parler des obstacles supplémentaires auxquels sont confrontés les femmes, les Canadiens racialisés et les Autochtones handicapés. Le fait de reconnaître ces obstacles dans le préambule renforce l’intention du projet de loi.

[Traduction]

Le gouvernement souscrit aussi à l’amendement no 4, qui a été présenté par la sénatrice Lankin. Cet amendement modifie l’article 11 du projet de loi, qui définit les facteurs qui devront être pris en considération lorsque le règlement d’application fixera le montant de la future prestation. À l’origine, l’article 11 disait que le seuil officiel de la pauvreté au sens de l’article 2 de la Loi sur la réduction de la pauvreté devait être pris en compte au moment d’établir le montant de la prestation. Cet amendement renforce le texte en ajoutant un certain nombre de facteurs.

Les voici :

b) [les] coûts supplémentaires associés au fait de vivre avec un handicap;

c) [la] difficulté qu’ont les personnes handicapées à gagner un revenu d’emploi;

d) [les] besoins intersectionnels des personnes et des groupes défavorisés;

e) [les] obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.

Cet amendement permettra d’améliorer le processus de rédaction du règlement d’application, qui se fera conjointement avec les représentants des personnes handicapées, et tient compte des témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

En outre, le gouvernement accepte également l’amendement no 5 proposé par la sénatrice Petitclerc qui vise à clarifier l’intention première des amendements proposés par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes au moment de l’étude qu’il a menée sur le projet de loi. Cet amendement a pour objectif de permettre au gouverneur en conseil de fixer la date de l’entrée en vigueur au plus tard une année après l’obtention de la sanction royale. Ainsi, l’entrée en vigueur pourrait survenir plus tôt, mais pas plus tard que dans un an. Le gouvernement entend toujours développer la réglementation en collaboration avec les groupes de personnes handicapées et rendre cette prestation disponible le plus rapidement possible.

[Français]

Enfin, le gouvernement accepte l’amendement 6, car il est d’accord :

[...] avec la proposition du Sénat d’apporter toutes les modifications nécessaires au numérotage, aux dispositions et aux renvois résultant des amendements au projet de loi.

[Traduction]

Chers collègues, le gouvernement comprend le but de l’amendement no 2, qui vise à éviter que les compagnies d’assurance privées puissent récupérer des sommes. Toutefois, comme on l’a déjà relevé et comme je l’ai dit au comité, le gouvernement doute toujours de la constitutionnalité de ces dispositions, qui feraient en sorte que le gouvernement fédéral réglemente les activités des compagnies d’assurance, alors que cette compétence relève des provinces et des territoires. Le sénateur Cotter, qui a des connaissances juridiques très étendues, abordera cette question plus en profondeur dans ses observations.

Cela dit, le gouvernement et les divers intervenants ont des réserves et se demandent comment les compagnies d’assurance privées réagiront à la création de la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Ces réserves ne sont d’ailleurs pas sans fondement. La ministre de l’Emploi, du Développement de la main‑d’œuvre et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap est tout à fait consciente du risque que des sommes puissent être récupérées indûment. Elle s’est d’ailleurs engagée à vérifier auprès des compagnies d’assurance privées, après l’adoption du projet de loi C-22, que la prestation canadienne pour les personnes handicapées est considérée comme un moyen de réduire la pauvreté et qu’elle s’ajoute aux prestations et mécanismes de soutien déjà existants, y compris l’assurance-invalidité privée.

[Français]

L’objectif du gouvernement est de collaborer avec le secteur de l’assurance privée et d’autres fournisseurs de prestations et de soutiens existants afin d’atteindre l’objectif principal de la prestation d’invalidité du Canada, qui est de réduire la pauvreté et de soutenir la sécurité financière des Canadiens handicapés en âge de travailler.

[Traduction]

Je passe maintenant à l’amendement no 3, proposé par la sénatrice McPhedran, et qui concerne le processus d’appel.

Le gouvernement reconnaît que cet amendement contient d’excellents points et qu’il améliore certainement le projet de loi. Par conséquent, le gouvernement propose maintenant de faire fond sur cet amendement et de l’améliorer. Le projet de loi C-22 confère au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre un règlement concernant les appels. Si on ajoute maintenant l’amendement no 3, le projet de loi prévoirait explicitement un droit d’appel. Pendant le processus parlementaire, de nombreux intervenants ont clairement souligné la nécessité d’inclure un tel droit.

Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de l’intention du gouvernement d’offrir un mécanisme d’appel, mais le libellé de l’amendement du Sénat peut être interprété comme suggérant que le droit d’en appeler des décisions serait immédiat.

Évidemment, cela pourrait être interprété comme suggérant que le règlement n’exigerait pas qu’une personne demande d’abord une révision ou un réexamen avant d’interjeter appel. Par conséquent, le gouvernement propose de clarifier le libellé de l’amendement pour qu’il précise les dispositions d’appel.

Par exemple, l’amendement no 3 prévoit deux motifs d’appel précis, ce qui pourrait soulever des doutes quant à la possibilité que d’autres motifs puissent être admis par la réglementation. Le sous‑amendement du gouvernement à l’amendement no 3 clarifie et renforce le libellé en élargissant les motifs possibles pour faire appel au sens de la réglementation. Essentiellement, l’amendement mis à jour rendrait le mécanisme d’appel de la prestation canadienne pour les personnes handicapées plus conforme à celui de la pension de la Sécurité de la vieillesse et de l’assurance‑emploi.

En résumé, chers collègues, la prestation canadienne pour les personnes handicapées a le potentiel d’apporter une aide précieuse aux personnes handicapées en âge de travailler et à leur famille et de réduire la pauvreté au Canada. Nous pouvons tous convenir qu’aucune personne handicapée ne devrait vivre dans la pauvreté au Canada.

[Français]

Chers collègues, la communauté des personnes handicapées et ses parties prenantes ont consacré énormément de temps, d’énergie et d’émotion au projet de loi C-22.

(1540)

[Traduction]

Ils ont apporté leur expertise en témoignant devant les comités et ont récemment organisé un rassemblement sur la Colline du Parlement pour que ce projet de loi soit adopté rapidement. Ils comptent sur nous à l’approche de la ligne d’arrivée.

Cependant, il n’y a pas que les Canadiens handicapés qui attendent que nous allions de l’avant avec la prestation aujourd’hui. Ce sont leurs familles, leurs amis et leurs défenseurs — des gens qui comprennent leurs difficultés.

[Français]

La grande majorité des Canadiens s’accordent pour dire que les personnes handicapées en âge de travailler ont besoin de cette prestation. Nous le savons, car, selon un sondage Angus Reid réalisé en 2021, près de 9 Canadiens sur 10 sont favorables à cette prestation. Notre objectif — et le leur — est d’améliorer la vie des personnes handicapées.

[Traduction]

C’est pourquoi, chers collègues, je vous exhorte à appuyer le message de l’autre endroit afin que nous puissions rapprocher ce projet de loi de son adoption et, en fin de compte, de la sanction royale. Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Kim Pate : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr.

La sénatrice Pate : Merci, sénateur Gold, et merci pour vos commentaires.

La semaine dernière, la ministre a parlé d’un plan de travail fédéral-provincial-territorial détaillé au sujet duquel toutes les administrations sont tombées d’accord et qui servira de base aux négociations officielles relatives à la prestation canadienne pour les personnes handicapées.

Comme vous le savez, en l’absence de l’amendement du Sénat interdisant les récupérations de la part des compagnies d’assurance privées, si le gouvernement tient à respecter son engagement visant à éliminer les récupérations, il devra négocier avec 13 administrations différentes non seulement au sujet des interactions entre la prestation canadienne pour les personnes handicapées et les nombreux programmes gouvernementaux, mais aussi de l’ajout d’interdictions visant les récupérations dans les lois provinciales et territoriales sur les assurances.

Allez-vous nous fournir un plan de travail et un échéancier concernant ces négociations fédérales-provinciales-territoriales sur les récupérations, et nous dire quel rôle les personnes handicapées vont jouer dans ce plan de travail et cet échéancier?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Comme vous l’avez souligné, les négociations avec les provinces et les territoires se font avec la participation de la communauté des personnes handicapées. Comme vous l’avez également mentionné, il faut tenir compte d’un grand nombre d’instances gouvernementales et, bien sûr, d’une communauté importante et diversifiée de personnes handicapées.

Le travail est en cours. La ministre a fait part de la bonne foi dont font preuve les provinces et les territoires. Au fur et à mesure que les discussions progresseront, je suis convaincu que les Canadiens seront mis au courant des avancées.

La sénatrice Pate : Beaucoup de personnes handicapées et d’organisations ont communiqué avec nous parce qu’elles craignent que ces négociations ne se terminent pas dans les délais prescrits dans le projet de loi. J’aimerais savoir si vous pouvez nous fournir quelque renseignement que ce soit au sujet de l’échéancier, y compris à propos des négociations avec les compagnies d’assurance.

Le sénateur Gold : Je n’ai pas cette information, mais la ministre m’assure que les négociations vont bon train et que les parties négocient sérieusement. Le Sénat peut avoir la certitude que le gouvernement, tout comme ses partenaires des provinces et des territoires, a la ferme intention de conclure ces négociations rapidement afin que cette prestation puisse être enfin versée aux millions de Canadiens qui en ont besoin.

L’honorable Donna Dasko : Je parlerai aujourd’hui du message que nous a renvoyé la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-22, qui établit la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Ce projet de loi important vise à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées en âge de travailler en leur versant une prestation de soutien.

J’insiste sur le fait que le projet de loi C-22 est une loi-cadre, ce qui signifie que les détails et les différents éléments de la prestation seront définis dans le règlement d’application, après consultation des personnes handicapées, des provinces et des territoires, une fois que le projet de loi sera adopté.

Les témoins entendus par le Comité des affaires sociales, dont Krista Carr, d’Inclusion Canada, nous ont appris que 40 % des personnes handicapées du Canada vivent dans la pauvreté. Le parrain du projet de loi, le sénateur Cotter, nous a aussi appris que 23 % des personnes handicapées en âge de travailler vivent dans la pauvreté. Si on se rappelle qu’en 2021, 7,4 % de la population canadienne en général vivaient dans la pauvreté, on a tôt fait de saisir l’urgence de la situation.

Ce projet de loi a été lu pour la première fois à l’autre endroit il y a un an, le 2 juin 2022, et il a été renvoyé à un comité le 18 octobre de la même année. Au total, neuf amendements ont été adoptés avant que le texte soit renvoyé ici, en février, et que nous le renvoyions nous-mêmes à un comité, le 22 mars.

Quand le Comité des affaires sociales a reçu le projet de loi, plusieurs grandes organisations représentant les personnes handicapées, ainsi que le gouvernement, l’ont exhorté à n’y apporter aucun changement. Une importante campagne de courriels véhiculant le même message fort accompagnait ces demandes.

Pendant les travaux du comité, il est apparu clairement que le projet de loi comportait, en fait, des lacunes et des omissions. Plusieurs fervents militants se sont manifestés pour demander qu’on corrige ces lacunes et ces omissions au moyen d’amendements. Les membres du comité étaient déchirés : devraient-ils apporter des amendements ou non? Les amendements risquaient-ils de retarder le versement des prestations ou même de mettre en péril l’ensemble du projet de loi?

Chers collègues, on nous exhorte souvent à étudier les projets de loi rapidement, ce n’est un secret pour personne. Mais je dois dire que, dans ce cas précis, la pression exercée pour que nous examinions le projet de loi sans le modifier était particulièrement forte.

Les membres du comité ont finalement présenté des amendements, dont six ont été adoptés par le comité. Ces amendements portent sur des questions essentielles. On y précise que la prestation ne peut pas être récupérée par les compagnies d’assurance. On y garantit un mécanisme d’appel. On y établit que, pour évaluer la prestation, il faut tenir compte de quatre facteurs supplémentaires : les coûts supplémentaires associés au fait de vivre avec un handicap; la difficulté, pour les personnes handicapées, d’avoir un revenu de travail; les besoins intersectionnels; et les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Un amendement ajoute au préambule que les personnes vivant avec un handicap peuvent se heurter à des obstacles supplémentaires en raison de leur genre, de leur statut de personne racisée ou autochtone ou d’autres facteurs intersectionnels. Deux amendements portent sur le calendrier et l’entrée en vigueur.

Comme on le sait, le gouvernement et la Chambre ont adopté cinq de ces six amendements.

Je suis très déçue que l’amendement visant à empêcher les compagnies d’assurance de récupérer des sommes n’ait pas été adopté. Je trouvais que c’était un ajout important, mais cet amendement a été rejeté pour une question de compétences que le sénateur Gold vient d’expliquer. Je ne m’y attarderai donc pas trop.

Je suis très contente que les cinq autres amendements aient été acceptés, y compris le sous-amendement relatif au mécanisme d’appel. Selon moi, c’est une très bonne chose.

Avant de terminer, j’aimerais mentionner deux points qui ont particulièrement retenu mon attention dans le débat sur le projet de loi C-22. Dans son discours à l’étape de la troisième lecture, la sénatrice Seidman a attiré notre attention sur l’article 12 du projet de loi C-22, qui prévoit un examen de la loi — après son premier anniversaire, son troisième anniversaire et chaque cinquième anniversaire subséquent — par un comité du Sénat, de la Chambre ou des deux. La sénatrice Seidman a également attiré notre attention sur un article récent de Charlie Feldman, ancien conseiller parlementaire du Sénat, qui a relevé des dispositions de nombreuses lois fédérales qui exigent un examen par le Parlement. Dans son examen de la période allant de janvier 2001 à juin 2021, M. Feldman a trouvé 51 de ces dispositions de ce type, mais il a aussi découvert que de nombreux examens législatifs n’ont jamais eu lieu et que d’autres sont en retard de plusieurs années. Seulement 17 des 51 examens ont donné lieu à un rapport.

Chers collègues, je sais que nous ne sommes pas à la recherche de travail supplémentaire, mais il me semble que le travail essentiel et nécessaire qu’est l’examen législatif des lois n’est pas accompli, et le Parlement doit faire quelque chose à cet égard.

Un deuxième point a retenu mon attention. Il s’agit du commentaire du sénateur Cotter — également à l’étape de la troisième lecture — selon lequel un processus d’appel pourrait être considéré comme une question de justice naturelle dans une mesure législative comme le projet de loi C-22, que l’appel soit énoncé dans la loi ou non. Il s’agit d’une observation extrêmement intéressante et importante, qui m’amène à m’interroger sur les circonstances et les conditions, au gouvernement ou ailleurs, dans lesquelles des procédures d’appel pourraient être mises à la disposition des plaignants au titre de la justice naturelle. Je suis impatiente d’en savoir plus à ce sujet. Ce sont là des considérations pour un autre jour, mais je remercie mes deux collègues pour leurs interventions.

(1550)

Par-dessus tout, le débat sur le projet de loi C-22 nous a permis de mieux connaître et comprendre certains enjeux bien réels : les besoins et les préoccupations des personnes qui vivent avec un handicap. Je remercie tous les témoins, tous mes collègues du Sénat et les nombreuses personnes qui m’ont contactée pour me faire part de leur point de vue sur le projet de loi dont nous sommes saisis.

Je pense que nous avons fait un très bon travail sur le projet de loi C-22 et que le Sénat peut être fier de sa contribution. Je vous invite à approuver le message. Merci.

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, j’interviens dans le débat sur le projet de loi C-22. Je remercie d’ailleurs mes collègues de leurs interventions jusqu’à présent.

Je me permets d’abord de dire que je vais voter en faveur du message parce que je respecte la prérogative du gouvernement et, surtout, parce que les personnes handicapées se disent satisfaites de la forme actuelle du projet de loi.

Je veux prendre quelques secondes pour rappeler l’excellent travail effectué par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dont je suis membre. Notre présidente, l’honorable sénatrice Omidvar, a mentionné dans son intervention à l’étape du rapport que le comité a entendu 44 témoins et reçu 48 mémoires, 7 suivis et 2 lettres. J’ajouterai qu’une bonne partie de ces témoins sont eux-mêmes des personnes handicapées et qu’ils ont bénéficié des mesures d’adaptation nécessaires pour participer pleinement aux audiences. Bon nombre de ces témoins sont une véritable source d’inspiration; ils ont déployé des trésors d’imagination pour venir ici et se faire entendre. Je tiens à les remercier de leur contribution à notre étude.

Non seulement nous avons étudié ce projet de loi en profondeur, mais bon nombre de membres du comité ont pris sur eux d’en discuter avec des personnes handicapées plusieurs mois avant que le texte nous soit renvoyé, car ils étaient conscients de sa nature historique et de son importance. Nos collègues du comité ont fait une étude attentive et soignée, car ils savent que notre rôle consiste à faire entendre la voix et les priorités des régions tout en exerçant notre bon jugement. C’est ce que nous avons fait.

Nos collègues ont proposé un certain nombre d’amendements, dont certains ont été rejetés, mais dont une bonne part a été acceptée. Ce ne fut pas chose facile. Il fallait du courage pour résister aux fortes pressions internes nous demandant d’adopter le projet de loi tel quel et de renoncer aux amendements que nous estimions justifiés à la lumière des témoignages que nous avions entendus, amendements que le gouvernement a presque tous avalisés. Comme la ministre Qualtrough l’a dit dans le discours qu’elle a prononcé à l’autre endroit le 14 juin, « ces amendements améliorent le projet de loi C-22 dans la mesure où ils le rendent plus clair et plus précis ».

Le projet de loi C-22 va changer la vie de millions de personnes. Sans vouloir faire d’hyperbole, c’est une question de vie ou de mort pour de nombreux Canadiens handicapés. Ce projet de loi constituera un événement historique, non seulement au Canada, mais aussi sur la scène internationale. Notre contribution à sa clarté et à sa précision est absolument essentielle. D’ailleurs, je dirais que c’est exactement la raison d’être de notre institution : veiller à ce que les projets de loi soient clairs et précis pour le bien de tous les Canadiens, y compris et surtout pour ceux qui sont vulnérables et qui ont besoin que nous travaillions en leur nom pour faire entendre leur voix.

Je tiens à féliciter nos collègues du Comité des affaires sociales d’avoir résisté à la pression de ne rien faire et d’avoir fait ce qu’ils savaient être juste malgré la mise en garde maintes fois répétée que cela torpillerait le projet de loi. Chers collègues, dans quelques instants, nous adopterons ce projet de loi pour en faire une loi. Or, ce sera une meilleure loi parce que nous n’avons pas voulu rester les bras croisés et que nous avons choisi de faire notre travail.

Chers collègues, nous avons un rôle privilégié et sacré à jouer dans cette enceinte. Le Sénat a l’obligation et le devoir d’examiner les mesures législatives. L’accomplissement de notre rôle constitutionnel doit toujours être au premier plan. Parfois, cela peut impliquer de diligenter l’examen des projets de loi, mais je pense que, pour l’essentiel, cela signifie que nous devons examiner chaque projet de loi qui nous est soumis avec rigueur et de manière réfléchie, délibérée et minutieuse. Sénateurs, c’est ainsi que nous devons agir, quelles que soient les pressions exercées sur nous pour qu’il en soit autrement.

Le projet de loi C-22 prouve une fois de plus que tous les Canadiens bénéficieront de notre volonté de faire ce qu’on nous demande de faire, soit d’être des législateurs et de jouer notre rôle. Je crois qu’ils l’apprécient à juste titre.

J’aimerais m’adresser aux milliers de Canadiens qui continuent à nous faire part de leurs préoccupations et à nous envoyer des courriels pour nous exhorter à adopter cette mesure législative. Je vous en remercie. J’espère que nous vous avons bien servis. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été déçue par le rejet de l’amendement 2 et je pense qu’il ne devrait pas vous incomber de lutter pour que les récupérations ne se produisent pas. Malheureusement, vous pourriez encore avoir la responsabilité de veiller à ce que vous ayez pleinement accès à une telle prestation aujourd’hui.

Malgré tout, ce que nous avons bien compris, c’est que vous êtes prêts à faire les prochains pas pour que cette prestation ait l’effet escompté. Je joins donc ma voix à la vôtre pour demander au gouvernement de mettre en œuvre ce projet de loi dès qu’il aura reçu la sanction royale et d’entreprendre immédiatement l’élaboration commune de la réglementation. Si des problèmes devaient survenir, ce qui n’est pas impossible, vous constaterez que de nombreux sénateurs vous soutiennent et sont prêts à tout mettre en œuvre pour que la prestation canadienne pour les personnes handicapées porte tous ses fruits.

Merci. Meegwetch.

[Français]

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, l’essentiel de ce qu’il y avait à dire sur le projet de loi C-22 a déjà été dit, donc je serai brève. Cependant, je souhaitais vraiment prendre la parole aujourd’hui.

[Traduction]

Permettez-moi tout d’abord de remercier le sénateur Cotter pour son travail à titre de parrain de ce projet de loi au Sénat, et pour son dévouement envers les personnes handicapées tant au Sénat qu’à l’extérieur du Parlement.

Chers collègues, je me souviens encore aujourd’hui de l’enthousiasme de la communauté des personnes handicapées lorsque, en septembre 2020, la prestation canadienne pour les personnes handicapées a été annoncée dans le discours du Trône. Nous savions alors que celle-ci viserait à réduire la pauvreté, et qu’elle s’inspirerait du Supplément de revenu garanti pour les aînés. Cependant, nous en ignorions le montant et les critères d’admissibilité.

(1600)

Près de trois ans plus tard, nous ne savons toujours pas qui sera admissible ni combien les personnes admissibles recevront. Cependant, il faut reconnaître que l’enthousiasme et l’espoir constatés en 2020 sont toujours aussi forts et palpables. Ce que j’entends, c’est que la communauté est rassurée par les garanties offertes par les amendements apportés à la Chambre et ici au Sénat.

[Français]

Permettez-moi de souligner encore une fois le travail exceptionnel de mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui ont jugé que ces amendements, qui ont été acceptés aujourd’hui par la Chambre par l’entremise de cette réponse à notre message, étaient nécessaires.

Je remercie surtout toutes les organisations qui nous ont inspirés et motivés, au moyen de leurs mémoires, témoignages et correspondances, à rendre ce projet de loi meilleur.

Tout compte fait, grâce au travail que nous avons choisi de faire, ce projet de loi a été amélioré et pourra mieux servir.

Grâce au Sénat, le processus d’appel prévoit spécifiquement une procédure portant sur les décisions prises quant à l’admissibilité à la prestation et au montant à recevoir.

Grâce au Sénat, en plus de tenir compte du seuil de pauvreté officiel, la prestation devra considérer plusieurs autres paramètres parmi lesquels se trouvent notamment les coûts supplémentaires associés au fait de vivre avec un handicap et les besoins intersectionnels des personnes et des groupes défavorisés.

Grâce au Sénat, le gouvernement détient désormais les pouvoirs pour prendre les règlements nécessaires pour que les versements puissent commencer dans les 12 mois suivant l’entrée en vigueur du projet de loi.

[Traduction]

Il est vrai, cependant, que les craintes de récupération lors de la mise en œuvre de la prestation proposée, en particulier par les assureurs privés, n’ont pas disparu. Le gouvernement a reconnu que ces craintes étaient fondées et a déclaré qu’il était conscient de ce risque. J’essaie d’être rassurée par l’engagement de la ministre de veiller à ce que les préoccupations exprimées lors de l’étude ne se transforment pas en une triste réalité.

[Français]

Dans un courriel envoyé aux sénateurs du Québec, des organisations québécoises représentant des centaines de milliers de personnes en situation de handicap et leurs familles, parmi lesquelles la Société québécoise de la déficience intellectuelle, la Fédération québécoise de l’autisme et la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, nous ont transmis le message suivant :

Tous les amendements, sauf un, ont été adoptés, et un amendement a fait l’objet d’un sous-amendement. D’emblée, nous sommes confortables avec la motion de la Chambre. Bien entendu, nous aurions préféré avoir des garanties dans la loi concernant les assurances et le « clawback », mais la motion reste satisfaisante dans l’ensemble.

Des messages venant d’autres organisations nationales, comme la Fondation Rick Hansen, l’Institut national canadien pour les aveugles, Inclusion Canada ou encore le mouvement Le handicap sans pauvreté, vont dans le même sens : il est maintenant temps, après cette étape législative, de passer à la prochaine étape, afin d’améliorer l’insécurité financière dans laquelle vivent des centaines de milliers de Canadiens. Je suis d’accord avec ces organisations.

[Traduction]

En guise de conclusion, j’ai été tentée de reprendre l’analogie que ce projet de loi est sur le point de franchir la ligne d’arrivée, mais je me rends compte que ce n’est pas une bonne idée. En réalité, nous ne sommes pas près de la ligne d’arrivée. Le projet de loi C-22 étant une loi-cadre, il serait plus juste de dire que le travail ne fait que commencer.

Parler d’une course à relais serait une meilleure analogie. Nous avons fait de notre mieux, et nous devons passer le flambeau avec confiance non seulement au gouvernement, mais surtout aux personnes qui ont le vécu et l’expertise, c’est-à-dire les organismes à qui l’on a promis une participation active dans l’élaboration des règlements. Ces organismes veulent que leur voix soit entendue, en respectant le principe « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ». Nous pouvons compter sur eux, et je suis convaincu qu’ils vont s’acquitter de ce devoir avec passion, compétence et rigueur.

[Français]

La vraie ligne d’arrivée sera franchie au moment où les premiers chèques seront expédiés aux bénéficiaires — d’ici 2024, nous l’espérons.

Je vous invite donc, chers collègues, à passer le bâton en acceptant cette réponse, comme nous l’avons reçue de la Chambre des communes. Meegwetch. Merci.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, bonjour, tansi.

En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur les territoires du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishinabes, des Cris, des Ojis-Cris, des Dakotas et des Dénés et de la patrie de la nation métisse.

Je tiens à souligner que le Parlement du Canada est situé sur un territoire algonquin anishinabe, non cédé et non restitué.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, et je remercie la ministre Qualtrough et le Sénateur Cotter, qui parraine le projet de loi au Sénat, d’avoir fait de leur mieux pour que l’étude du projet de loi se rende jusqu’à l’étape actuelle.

Bon nombre de parlementaires savent à quel point ce projet de loi est essentiel. Il est attendu depuis longtemps et il mérite d’être appuyé afin que nous puissions aider les millions de personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté au Canada.

Nous pouvons être fiers de l’étude rigoureuse et approfondie qui a été menée par les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, ainsi que de la confiance que nous ont accordée nos collègues de cette Chambre en appuyant ces amendements grâce auxquels nous sommes maintenant saisis d’une version améliorée du projet de loi C-22 qui inclut cinq des six amendements que nous avons proposés.

Les amendements retenus comprennent le mécanisme d’appel permettant à un demandeur de contester une décision concernant leur admissibilité à la prestation et le montant auquel il a droit. On a aussi retenu la proposition d’élargir la liste de facteurs à considérer aux fins du calcul de la prestation pour y inclure le seuil de la pauvreté au Canada, les coûts associés aux obstacles systémiques à l’emploi, les besoins intersectionnels des demandeurs et les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne qui concerne les personnes handicapées.

Les derniers amendements acceptés prévoient un calendrier de mise en œuvre accéléré pour les prestations en exigeant que tous les règlements commencent à être appliqués en vertu de la loi et qu’ils soient mis en place dans les 12 mois suivant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Ces changements renforcent cette loi‑cadre en garantissant des mécanismes cruciaux de mise en œuvre plutôt que de les soumettre à l’incertitude de règlements encore à rédiger.

Un amendement a été rejeté. Je doute que le sénateur Gold ait eu l’intention de faire comme si je n’existais pas, mais c’est moi qui l’ai proposé au nom d’experts et d’organisations de défense des droits des personnes handicapées. Proposé pour l’alinéa 9c) du projet de loi, cet amendement aurait protégé les bénéficiaires de la prestation canadienne pour les personnes handicapées en empêchant les compagnies d’assurance privées de déduire le montant de la prestation versée aux termes de la loi des paiements effectués dans le cadre de polices d’assurance-invalidité de longue durée.

Les mesures de récupération des compagnies d’assurance privées n’ont pas été abordées par le comité de l’autre endroit, mais elles ont été étudiées de manière approfondie lorsque le projet de loi C-22 a été examiné par le comité des Affaires sociales du Sénat. L’amendement visant à empêcher les riches compagnies d’assurance de récupérer les prestations des personnes handicapées qui sont pauvres a été appuyé par plus de 40 centres d’aide juridique, leaders communautaires, universitaires et groupes de défense des droits des personnes handicapées. Sur la question de sa constitutionnalité, toutes les associations provinciales de juristes aux tribunaux du Canada ont jugé l’amendement comme étant viable en droit.

Par conséquent, nous sommes saisis d’un projet de loi qui permettrait aux compagnies d’assurance privées de récupérer la nouvelle prestation pour les personnes handicapées qui est financée à même les deniers publics, que la ministre Qualtrough la qualifie de prestation sociale ou non.

De nombreux contrats d’assurance privée disposent clairement que l’assureur peut récupérer n’importe quelle prestation gouvernementale, ce qui revient à subventionner les assureurs privés plutôt que de fournir un soutien financier additionnel aux personnes handicapées, comme c’est l’objet du projet de loi.

(1610)

Chers collègues, les préoccupations concernant la récupération par les acteurs de l’industrie ne sont ni exagérées ni hypothétiques. Il y a déjà récupération des prestations gouvernementales. Par exemple, les prestations au titre de la Sécurité de la vieillesse sont déjà explicitement déduites des prestations d’invalidité de longue durée que versent de nombreuses compagnies d’assurance, et des déductions similaires sont faites sur les indemnités d’assurance versées aux bénéficiaires de l’allocation de personne à charge au titre du Régime de pensions du Canada, ou RPC.

Par surcroît, les tribunaux se sont rangés du côté des assureurs privés. Par exemple, dans un recours collectif présenté en 2008, le tribunal a confirmé la légalité des déductions prélevées sur les prestations d’invalidité de longue durée étant donné l’absence, dans la police d’assurance et dans la loi, de dispositions interdisant une telle pratique. Par conséquent, les assureurs privés se sont empressés de poursuivre certains prestataires handicapés pour pouvoir effectuer ces déductions.

Je signale que dans une affaire mettant en cause la State Farm Mutual Automobile Insurance Company, la compagnie d’assurance de l’appelant a demandé l’autorisation de déduire l’allocation de personne à charge au titre du RPC, en invoquant la décision rendue dans le recours collectif de 2008. De plus, dans l’affaire Brine c. Industrielle Alliance, Assurance et services financiers inc., l’assureur privé a essayé d’obtenir l’autorisation de déduire les prestations du Régime de pensions du Canada et du régime de pensions de la fonction publique touchées par le titulaire de la police de l’indemnité au titre d’une police d’assurance à long terme.

Je n’ai pas le temps d’énumérer les nombreuses autres affaires où les assureurs privés se sont adressés aux tribunaux pour récupérer des paiements versés dans le cadre des politiques relatives à l’invalidité de longue durée, en se fondant sur la prémisse que le souscripteur bénéficiait de prestations publiques. L’amendement rejeté interdisant la récupération de la nouvelle prestation par les assureurs privés aurait fait ce que les tribunaux ont dit qu’il fallait faire pour protéger les prestataires et garantir que les prestations sont versées aux gens à qui elles sont destinées, plutôt que de servir à subventionner les assureurs privés.

Il faut répondre le plus tôt possible à cette préoccupation. Lorsque la compensation des prestations pour personnes à charge du Régime de pensions du Canada a été contestée en 2008, l’industrie s’est appuyée sur le fait que ses primes avaient été ajustées en supposant que cela pouvait compenser les prestations versées dans le cadre de ce régime. Cependant, elle a soutenu que, sans cette compensation, les primes d’assurance augmenteraient indubitablement. Or, l’industrie ne peut pas compter sur un tel ajustement en ce qui concerne la prestation canadienne pour les personnes handicapées, car on n’a pas encore calculé à combien s’élèveront les primes une fois qu’on aura pris en compte la nouvelle prestation.

Des préoccupations ont été soulevées au Comité des affaires sociales et au Sénat à propos de la constitutionnalité d’une disposition qui cible l’industrie de l’assurance. On a fait valoir que réglementer les contrats d’assurance dépasse la compétence du Parlement fédéral. La réalité, c’est qu’une disposition de la sorte n’est pas sans précédent pour les régimes canadiens de prestations. Depuis 40 ans, la Loi sur l’indemnisation des marins marchands, par exemple, protège les bénéficiaires avec une disposition dont le libellé est à peu près identique à celui de l’amendement rejeté. Cette disposition existe depuis 40 ans, honorables sénateurs, et il n’y a eu aucune contestation judiciaire, que ce soit pour des motifs constitutionnels ou autre.

Un autre précédent pertinent se trouve dans le renvoi de 2020 relatif à la Loi sur la non-discrimination génétique, qui se penchait sur la constitutionnalité d’un régime législatif fédéral visant à réglementer des aspects des contrats d’assurance en empêchant les assureurs privés d’exiger la soumission des résultats d’un test génétique comme condition préalable à l’admissibilité à une assurance-maladie. Dans le cadre de son examen du régime législatif, la cour a déterminé que son objectif général n’était pas expressément de réglementer l’industrie de l’assurance, mais plutôt de prévenir la discrimination génétique dans la fourniture de biens et services. Ainsi, les dispositions sur l’industrie de l’assurance qui étaient en cause ne représentaient qu’une partie d’un régime réglementaire plus vaste et étaient nécessaires pour préserver l’objectif de la loi fédérale. Cela vous rappelle-t-il quelque chose?

Sans les mesures protectrices liées aux assurances, l’objectif du régime sera considérablement compromis, ce qui justifie une incursion mineure dans un dossier qui relève traditionnellement de la compétence des provinces.

Ces exemples concrets montrent la viabilité d’une disposition comme celle que proposait l’amendement rejeté concernant l’interdiction de l’application de déductions par les assureurs privés dans le cadre de la loi sur la prestation pour les personnes handicapées. Il est bien précisé dans le projet de loi que cette prestation est conçue de façon à être une prestation supplémentaire pour les personnes admissibles.

L’objectif d’une mesure législative qui instaure une prestation supplémentaire pour les personnes admissibles est compromis si les assureurs privés peuvent récupérer une somme équivalente au titre de leurs polices, parce que, en pratique, le prestataire se retrouve avec le même montant qu’il recevait avant l’instauration de la prestation. Sans cette protection de nature technique, le projet de loi à l’étude équivaudrait à indemniser les assureurs privés sans que les prestataires ciblés profitent réellement du montant de la prestation.

L’objectif fondamental du projet de loi est de sortir les personnes handicapées de la pauvreté. La promesse de la ministre Qualtrough à cet égard sera rendue risible, alors que les personnes handicapées ont désespérément besoin de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et qu’elles sont en droit de la recevoir. En rejetant l’amendement qui empêcherait les assureurs privés de récupérer le montant de la prestation, le gouvernement Trudeau a pris la décision de priver certaines personnes admissibles du plein montant qui leur avait été promis.

Le temps nous dira combien d’assureurs privés exploiteront cette échappatoire et peut-être que, un jour, le Parlement aura de nouveau l’occasion de rendre justice aux prestataires qui sont pour l’instant laissés à la merci du service juridique d’assureurs privés riches et puissants.

Il ne faut cependant pas se leurrer : le coût réel devra être assumé par les bénéficiaires pauvres et handicapés, qui se retrouveront en difficulté parce que ce gouvernement a choisi de ne pas les protéger. Ils en pâtiront, et ce sont eux qui en assumeront le coût.

La semaine dernière, la sénatrice Pate et moi-même avons reçu une lettre de M. Duncan Young, dont le niveau de vie est déterminé en grande partie par un assureur privé. C’est avec sa permission que je vous fais part de ce qu’il a écrit :

Je ne fais pas partie des nombreux bénévoles altruistes qui défendent les intérêts des personnes handicapées. Je ne suis pas non plus un militant ou un lobbyiste au service d’une personne ou d’un groupe de personnes handicapées. Je ne suis qu’un travailleur canadien ordinaire de 55 ans qui aime son emploi, et qui compte bien pouvoir continuer à l’exercer aussi longtemps qu’il le pourra. Du moins, c’était le cas avant...

Il y a 3 ans, j’ai reçu un diagnostic d’ataxie spinocérébelleuse 3 (SCA3), une maladie neurologique héréditaire extrêmement rare qui provoque l’atrophie du cervelet, et qui annéantit les capacités motrices d’une personne, l’empêchant de marcher, de parler, d’avaler, de contrôler sa vessie, etc.

Il s’agit d’une maladie progressive, il n’existe aucun traitement connu qui en freine la progression, et cette maladie est incurable. Il est à noter que, chez les personnes atteintes, les symptômes apparaissent généralement entre l’âge de 40 et de 55 ans : cela signifie que la plupart des gens, comme moi, profitent d’une vie bien remplie et sont encore dans la fleur de l’âge, lorsque, tout à coup, leur cerveau ne permet plus à leurs jambes de faire les mouvements nécessaires pour courir et attraper l’autobus ou à leurs doigts de rester immobiles assez longtemps pour attacher les petits boutons d’une chemise.

Soyons clairs. Si cet amendement n’est pas inscrit dans la loi telle qu’elle est rédigée actuellement, la création de la prestation ne me donnera pas un sou. Selon le contrat avec mon fournisseur d’assurance-invalidité de longue durée, la totalité de la prestation sera assujettie à la récupération. Bref, les seuls bénéficiaires de la prestation seront les actionnaires d’une compagnie d’assurance cotée en bourse. Pendant ce temps, je continuerai à glisser sous le seuil de pauvreté. Ces deux points ne sont pas des conjectures : ce sont des faits quantitatifs.

Vous savez donc maintenant exactement et de manière incontestable et détaillée ce que l’adoption du projet de loi C-22 sans cet amendement signifiera pour moi et toutes les personnes handicapées qui se trouvent dans une situation semblable à la mienne : rien du tout.

Je suis vraiment désolée pour M. Young, mais à ce stade-ci, nous devons espérer que la ministre Qualtrough et le gouvernement pourront changer cela d’une manière ou d’une autre en s’employant à convaincre les provinces et les territoires d’interdire, dans leur champ de compétence, la récupération de la prestation canadienne pour les personnes handicapées par les assurances privées. La communauté des personnes handicapées ne devrait pas être laissée, encore une fois, à militer toute seule pour obtenir cette interdiction.

Honorables sénateurs, nos savons tous que la prestation pour personnes handicapées se fait attendre depuis trop longtemps, et que des gens en ont désespérément besoin. La communauté des personnes handicapées du Canada milite pour obtenir un soutien du revenu plus robuste et plus fiable depuis bien plus longtemps que le temps qui a été consacré à l’étude du projet de loi par le Parlement.

(1620)

Je remercie les dirigeants communautaires et les défenseurs des droits des personnes handicapées pour leurs nombreux et précieux commentaires et contributions, tant au comité qu’à d’autres occasions, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi. Compte tenu du temps dont je dispose, je ne peux en nommer que quelques‑uns. Je remercie David Lepofsky, Robert Lattanzio, Steven Muller et Hart Schwartz pour leur expertise juridique et pour avoir porté la question des récupérations à notre attention dans le cadre de leur témoignage devant le Comité des affaires sociales. Pour le bien des personnes admissibles qui risquent de ne jamais recevoir un seul dollar de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, j’espère ardemment que ces experts resteront des contributeurs essentiels aux consultations promises par la ministre au sujet de cette loi-cadre.

Adoptons ce projet de loi avant de partir pour l’été. Merci, meegwetch.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, la ministre Qualtrough a qualifié le projet de loi C-22 d’occasion sans précédent de sortir les personnes handicapées de la pauvreté, et elle avait bien raison. Malgré ce pas de géant, le message de l’autre endroit pourrait faire de ce texte une coquille vide pour les Canadiens qui comptent sur une assurance-invalidité à long terme pour vivre.

L’amendement du Sénat qui interdisait aux assureurs de récupérer la prestation canadienne pour les personnes handicapées aurait empêché que les investissements collectifs des Canadiens dans le bien-être des plus marginalisés finissent dans les coffres des compagnies d’assurance. Notre amendement rangeait la population canadienne du côté des personnes handicapées et non des riches sociétés. Le rejet de cet amendement soulève une question : dans l’intérêt de qui le gouvernement agit-il?

Les compagnies d’assurance oseront-elles réclamer l’argent appartenant aux personnes handicapées qui comptent sur leur police pour subvenir à des besoins essentiels comme la nourriture et le logement? La réponse est oui, comme l’ont reconnu la ministre Qualtrough et le parrain du projet de loi au Sénat.

Comme vient de le souligner la sénatrice McPhedran, la quasi‑totalité des polices collectives et une bonne partie des polices individuelles d’assurance-invalidité permettent aux assureurs de déduire de leurs versements les sommes que les assurés reçoivent dans le cadre d’un programme gouvernemental. L’exemple donné par la sénatrice McPhedran, selon lequel les assureurs peuvent déduire les prestations du Régime de pensions du Canada des paiements versés aux personnes handicapées, y compris la portion du Programme de prestations d’invalidité du RPC réservée aux enfants à charge de ces dernières, a sincèrement de quoi nous indigner.

Les défenseurs des droits des personnes handicapées ont travaillé assidûment pour dénoncer la situation. Imaginez à quel point il serait plus facile d’éradiquer la pauvreté chez les enfants si cet argent se rendait jusqu’aux personnes handicapées.

Des Canadiens qui font partie des millions de personnes touchées par les politiques de ce genre ont communiqué avec nous. Un homme de la classe ouvrière nous a écrit pour nous remercier et nous exhorter à persister. Il souffre d’une maladie dégénérative héréditaire qui s’est manifestée assez tard dans sa vie et l’a rendu invalide. Il a été contraint de quitter son emploi. Il a besoin de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et devrait y être admissible, mais il risque de ne pas recevoir un seul cent de plus à cause des dispositions de récupération. Sans l’amendement du Sénat, il est possible que chaque dollar que lui procure la prestation lui soit retiré et aille plutôt dans les poches d’une riche entreprise.

Hier, sa fille a subi des tests pour déterminer si elle a hérité de la même maladie que lui et peut donc s’attendre au même sort.

Certaines personnes pourraient voir leur situation empirer si le processus de demande de prestations est inaccessible. En effet, les compagnies d’assurance peuvent réduire les versements d’assurance quand une personne est admissible à une prestation, même si elle ne la demande pas.

Comment diable pouvons-nous soutenir ce genre d’aubaine pour les compagnies d’assurance? Voulons-nous vraiment augmenter la marge de profit des compagnies tout en laissant des personnes handicapées dans une situation encore pire que celle qu’elles vivaient avant l’adoption du projet de loi C-22, puisqu’elles risqueraient de recevoir des sommes moindres de leur assureur? Le gouvernement n’a certainement pas l’intention d’enrichir les riches compagnies d’assurance aux dépens des personnes handicapées et des contribuables. Pourquoi alors a-t-il rejeté l’amendement du Sénat qui vise à empêcher une telle injustice?

Le gouvernement dit craindre d’empiéter sur les compétences constitutionnelles des provinces et des territoires. Il propose de négocier avec chaque province et territoire pour modifier leurs lois respectives en matière d’assurance, d’attendre que ces modifications législatives soient apportées, puis de négocier individuellement avec un grand nombre de compagnies d’assurance qui ne sont pas visées par les mesures législatives en question. Cela s’ajoute aux négociations déjà importantes prévues avec chaque province et territoire pour empêcher la récupération des prestations des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Nous devrions tous nous inquiéter du fait qu’il n’y a pas de façon réaliste d’y parvenir dans les délais serrés pour l’entrée en vigueur de la prestation. De plus, d’innombrables experts ont fourni des preuves convaincantes que l’amendement proposé par le Sénat est bel et bien constitutionnel.

Plutôt que de répéter l’argument que la sénatrice McPhedran a déjà exposé avec compétence, j’ajouterai deux points.

Premièrement, comme la sénatrice McPhedran, j’ai consulté des experts constitutionnels qui m’ont fourni des arguments convaincants en faveur de la constitutionnalité de cet amendement sur la base de la doctrine de la compétence accessoire ou du caractère nécessairement accessoire. Cette doctrine permet qu’une disposition située à l’intérieur d’un régime législatif plus large soit considérée comme valide à deux conditions. La première condition est que ce régime législatif doit relever d’une compétence fédérale valide. Je ne crois pas que quiconque ait remis en question la validité du projet de loi C-22. Il s’agit d’un exercice du pouvoir fédéral de dépenser et peut-être des pouvoirs fédéraux relatifs à la paix, à l’ordre et à la bonne gouvernance. La deuxième condition est que, même si l’interdiction de la récupération par les assureurs privés peut être invalide si elle est considérée isolément, elle peut quand même être valide si elle a un lien nécessaire avec le régime qui l’englobe. Dans le cas présent, sans l’amendement du Sénat, la prestation risque de devenir une subvention du gouvernement aux yeux des compagnies d’assurance privées. Cette position pourrait n’avoir aucune conséquence ou, pire encore, elle pourrait entraîner des conséquences négatives pour bon nombre de personnes handicapées, par exemple la perte de prestations provinciales supplémentaires, comme l’assurance-médicaments et ainsi de suite.

Si cette disposition n’est pas nécessaire au régime prévu par le projet de loi C-22, je ne vois pas ce qui pourrait l’être.

Deuxièmement, comme vous vous en souvenez peut-être, le Sénat a déjà amendé un projet de loi du gouvernement sur l’isolement cellulaire en se fondant sur les témoignages d’experts juridiques qui estimaient que la mesure était anticonstitutionnelle. Ce vote a eu lieu il y a quatre ans aujourd’hui. Le gouvernement a rejeté les amendements du Sénat, et le précédent représentant du gouvernement au Sénat s’est expliqué ainsi dans cette enceinte :

Ni moi ni qui que ce soit ici ne peut substituer ses conclusions à celles des juges qui pourraient être appelés un jour à évaluer la disposition [...]

S’il y a une chose que nous savons, c’est qu’en droit constitutionnel, rien n’est immuable, en particulier dans des cas hypothétiques [...]

[...] l’instance appropriée pour régler les questions de façon définitive est l’appareil judiciaire. Il s’agit d’un environnement unique où chaque litigant a le droit procédural garanti d’établir le bien-fondé de son argumentation devant un décideur impartial au moyen d’un dossier de preuve complet.

Je me demande pourquoi le gouvernement ne suit pas ce conseil cette fois-ci. J’espère que ce n’est pas simplement parce que la question de la constitutionnalité concerne un amendement du Sénat plutôt qu’un projet de loi du gouvernement.

Il existe des arguments raisonnables à l’appui de la constitutionnalité de l’amendement. Sachant que le projet de loi, sans cet amendement, se résume à une promesse creuse pour un nombre important de personnes handicapées, pourquoi le gouvernement n’accepte-t-il pas l’amendement en attendant de voir si les compagnies d’assurance osent en contester la constitutionnalité en cour?

Il y a quatre ans, le gouvernement a déclaré que les tribunaux étaient le forum approprié pour examiner les préoccupations constitutionnelles relatives à sa loi sur l’isolement cellulaire. Depuis, les obstacles auxquels sont confrontées les personnes ayant le moins de capital politique, juridique et économique lorsqu’elles tentent de défendre leurs droits les ont jusqu’à présent empêché faire entendre leurs voix dans les tribunaux de manière significative. Imaginez-vous en train d’essayer de trouver une assistance juridique et de monter un dossier judiciaire complexe depuis une cellule de prison, ou encore lorsque vous êtes dans la rue, lorsque vous souffrez ou lorsque vous essayez de trouver un moyen de vous nourrir et de mettre votre famille à l’abri.

En outre, le gouvernement fédéral pourrait dresser d’autres obstacles aux procédures. Pour ce qui est de la législation sur l’isolement cellulaire, le gouvernement avait des dossiers en instance devant la Cour suprême du Canada, et cela aurait pu donner à la Cour l’occasion de se prononcer sur leur constitutionnalité. Au lieu de cela, le gouvernement a abandonné les appels. Ceux qui cherchent à contester le projet de loi doivent maintenant repartir à zéro, ce qui signifie qu’il faudra passer au travers de plusieurs audiences et appels coûteux, chronophages et épuisants sur le plan personnel, avant de pouvoir espérer soumettre à nouveau cette question à la Cour suprême du Canada.

Avec le projet de loi C-22, le représentant du gouvernement a inversé le scénario, mais le projet de loi favorise également les mieux nantis. Les personnes handicapées marginalisées et démunies se retrouvent ainsi injustement contraintes de saisir les tribunaux pour obtenir l’aide que le gouvernement s’est engagé à leur fournir. Pourquoi exactement le gouvernement choisit-il de nuire — une fois de plus — aux plus défavorisés?

(1630)

Pour comprendre ce que la décision du gouvernement signifie très concrètement, il suffit de se pencher sur une affaire de droits des personnes handicapées plaidée par Vince Calderhead, un avocat de renommée internationale spécialisé dans les droits de la personne. Lors de son témoignage sur le projet de loi C-22 devant le Comité des affaires sociales, il a décrit une affaire qui a débuté il y a 11 ans. Il a fallu une décennie de contestations judiciaires pour que les juges déterminent que le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse avait fait preuve de discrimination à l’égard de ses clients handicapés, dont deux ont souffert de façon irrémédiable et sont décédés, de sorte qu’ils ne bénéficieront jamais de la victoire juridique. Sans l’amendement de récupération du Sénat, combien d’années les personnes handicapées devront-elles attendre avant d’intenter une poursuite similaire? Combien de temps devront-elles endurer la pauvreté? Combien d’entre elles mourront entre-temps?

La question à se poser est la suivante : si quelqu’un doit supporter le fardeau de la contestation du projet de loi gouvernemental, est-ce que ce devrait être une compagnie d’assurance privée disposant de ressources financières et juridiques abondantes, ou est-ce que ce devrait être une personne handicapée, qui est suffisamment appauvrie pour être admissible à la prestation canadienne pour les personnes handicapées, mais qui n’est pas en mesure d’en bénéficier? Il s’agit d’une question urgente qui touche des personnes réelles — des personnes handicapées vivant dans la pauvreté — et non d’un simple dilemme juridique abstrait.

Voulons-nous ouvrir la voie aux compagnies d’assurance pour qu’elles utilisent à leur avantage la prestation canadienne pour les personnes handicapées ou lancer une bouée de sauvetage aux personnes abandonnées à la misère, qui doivent franchir des obstacles insurmontables pour faire valoir leurs droits à l’égalité qui sont garantis par la Charte?

Je ne tiens pas ces propos à la légère. Je suis terriblement consciente de l’urgence de fournir de l’aide aux personnes handicapées aux prises avec la pauvreté. Si l’on fait bien les choses, la prestation canadienne pour les personnes handicapées permettra à ces personnes d’avoir l’essentiel, soit de la nourriture, un toit, des soins et de l’équipement médical. Elle permettra aussi de donner un caractère tangible aux droits de la personne. Je pense surtout à l’article 15, le droit à l’égalité, et l’article 7, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, que le Canada garantit à tous au moyen de la Charte.

La ministre Qualtrough a reconnu que les inégalités actuelles existent parce que nos systèmes, nos lois, nos politiques et nos programmes n’ont pas été conçus pour les personnes handicapées ni en collaboration avec elles. Dans le cadre de nos débats sur l’aide médicale à mourir, nous avons constaté que l’exclusion systémique et la pauvreté sont plus souvent cause de souffrance que le fait d’avoir un handicap. Lorsque l’aide médicale à mourir a été élargie, le gouvernement a promis de faire preuve de vigilance pour veiller à ce que personne ne soit forcé de choisir la mort faute de recevoir le soutien essentiel pour vivre sans souffrance. À ce jour, le gouvernement ne respecte pas sa promesse. Comme l’a récemment souligné Sarah Jama, députée provinciale de l’Ontario, des personnes handicapées de sa collectivité demandent l’aide médicale à mourir parce qu’elles n’ont pas les moyens de se nourrir.

Comme j’ai vécu et travaillé avec des personnes handicapées, je sais à quelle énorme tâche elles sont prêtes à s’atteler pour demander des comptes au gouvernement et à quel point il est injuste de leur refiler encore la responsabilité de lutter pour des droits liés à la Charte que la plupart d’entre nous tiennent pour acquis. Nous sommes nombreux à être extrêmement préoccupés par le fait que certaines des personnes handicapées les plus marginalisées du Canada vont maintenant passer des années à essayer de corriger nos erreurs.

Quelle marque voulons-nous que le Sénat laisse au sujet du projet de loi C-22? Chaque jour, des personnes handicapées communiquent avec nous, nous exhortant à faire preuve de bravoure et à faire ce qui est juste. C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré le juge en chef de la Cour suprême du Canada la semaine dernière à l’occasion d’une cérémonie d’assermentation de nouveaux avocats, dont plusieurs ont déjà travaillé sur ce dossier dans nos bureaux. Le juge en chef Wagner nous a rappelé de faire preuve de bravoure et de courage et de défendre ce qui est juste lorsque les autres ne le font pas. Voilà des propos que l’on peut appliquer dans la vie comme dans les lois, chers collègues.

Chi-meegwetch, merci.

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Sénatrice Pate, à l’autre endroit, le gouvernement est d’avis que si l’interdiction de la récupération par les compagnies d’assurance, interdiction proposée dans un amendement du Sénat, était incluse dans le projet de loi C-22 et contestée devant les tribunaux, il en résulterait :

[u]ne grande incertitude [...], ce qui pourrait avoir une incidence sur le processus réglementaire ainsi que des répercussions sur le versement des prestations, qui risquerait d’être retardé.

Ce type de contestation judiciaire pourrait créer une incertitude quant au droit des assureurs de récupérer la prestation, mais il est difficile de comprendre pourquoi elle créerait de l’incertitude quant aux points que le gouvernement devrait régler pour élaborer la réglementation et procéder au le versement de la prestation, à savoir, qui y est admissible, quel doit en être le montant et quel processus de demande il faut mettre en place.

Sénatrice Pate, avez-vous des raisons de croire que le versement de la prestation serait retardé s’il y avait une contestation judiciaire de l’amendement concernant les assureurs privés qu’a proposé le Sénat?

La sénatrice Pate : Pour autant que je sache — et certainement d’après l’examen des témoignages — aucune compagnie d’assurance n’a indiqué avoir l’intention de récupérer cette prestation. Aucune province n’a indiqué ne pas être disposée à protéger cette prestation.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, j’interviens au sujet du message concernant le projet de loi C-22. Nous sommes sur le point de réaliser quelque chose de très important pour des dizaines de milliers de Canadiens handicapés. Nous en sommes arrivés à ce point-ci grâce au leadership de la ministre Qualtrough, à la détermination des personnes handicapées et des défenseurs de leur cause partout au Canada, ainsi qu’à l’engagement de tous les députés qui siègent à l’autre endroit, des membres du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et de tous les sénateurs. D’ailleurs, les interventions des sénateurs aujourd’hui le confirment.

Je vous exhorte à accepter le message tel quel, sans modification, pour que ce projet de loi puisse recevoir la sanction royale.

Premièrement, pour mettre les choses en contexte, je parlerai uniquement de la partie du message annonçant le rejet de l’amendement du Sénat qui proposait l’interdiction d’une disposition de récupération dans les contrats d’assurance — amendement que j’appellerai « amendement de non-récupération ». À mon avis, les autres amendements sont judicieux. L’amendement de non-récupération le serait aussi s’il n’enfreignait pas la Constitution, et c’est précisément ce dont je vais parler.

De nombreux témoins et sénateurs ont exprimé des préoccupations sérieuses et légitimes concernant une possible récupération des prestations d’assurance. Je reconnais que ces préoccupations sont légitimes et fondées et je les partage toutes. Malheureusement, pour les raisons que je vais énoncer, il s’agit d’un problème que le Parlement fédéral ne peut pas régler par voie législative. S’il en était autrement, je serais partant pour légiférer.

Le but de mes observations est de vous donner l’assurance que nous prenons la bonne décision en adoptant le message dont nous sommes saisis dans sa forme actuelle. Je tiens d’ailleurs à souligner et à saluer les déclarations des sénateurs qui appuient sans réserve la disposition de non-récupération, mais qui ont indiqué qu’ils voteront quand même en faveur du projet de loi dans sa forme actuelle.

Vous avez déjà entendu les arguments qui ont été avancés au comité et au Sénat pour justifier l’adoption de cette disposition. Je vais maintenant prendre le temps d’expliquer les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas l’appuyer, non seulement pour que l’on tienne compte des avis divergents, mais aussi pour indiquer clairement pourquoi cette disposition constitue malheureusement une forme d’ingérence inconstitutionnelle dans les champs de compétence des provinces.

Je vais maintenant parler de la Constitution du Canada, et je m’excuse si j’ai l’air de donner une leçon. C’est un point important à souligner, même si la disposition en question est modeste.

Nous savons que la Constitution constitue la loi suprême du Canada. Elle nous confère des pouvoirs et, d’une certaine manière, nous impose des contraintes. Le fédéralisme représente l’une de ces contraintes. Comme vous le savez, au Canada, le pouvoir législatif est divisé en deux catégories : le pouvoir fédéral, ou les rubriques de compétence fédérale, qui sont presque toutes énumérés à l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, et le pouvoir provincial, ou les rubriques de compétence provinciale, qui figurent à l’article 92. La principale compétence provinciale pertinente pour notre discussion concerne la propriété et les droits civils dans la province, ce qui est universellement compris comme incluant la réglementation des contrats dans la province — d’ailleurs, en passant, pratiquement tous les aspects du secteur de l’assurance ont été jugés par notre plus haut tribunal comme relevant de la compétence provinciale.

Nous ne pensons pas beaucoup à cet élément, mais tout ce que nous faisons au Parlement du Canada doit se situer dans un domaine ou un autre de la compétence fédérale. Ainsi, s’il s’agit d’une question liée à l’article 91, Ottawa a toute la latitude pour réglementer. S’il s’agit d’une question liée à l’article 92, ce sont les provinces qui gouvernent.

(1640)

Je vais donner deux exemples de pouvoirs prévus à l’article 91 que vous connaissez bien : je commencerai par les banques et les opérations bancaires. Dans cette rubrique de compétence, il revient à Ottawa d’établir les règles. La réglementation des contrats qui relèvent de cette rubrique de compétence est incluse — les contrats concernant les banques, le salaire minimum dans ce secteur et les normes d’emploi des employés des banques.

Le deuxième exemple que je donnerai est le droit pénal. Si un acte est vraiment criminel, Ottawa peut l’interdire, y compris en ce qui concerne les contrats. D’ailleurs, nous le ferons cette semaine en criminalisant l’octroi de prêts à un taux d’intérêt supérieur à une certaine limite — il s’agit de contrats pour consentir des prêts. C’est en vertu de la rubrique de compétence sur le droit pénal que nous pouvons le faire.

Ensuite, il y a le pouvoir de dépenser. Le fédéral a un tel pouvoir, qui ne se trouve pas à l’article 91. Ce pouvoir est fondé sur l’idée qu’Ottawa détient des actifs — dans ce cas-ci, de l’argent — et qu’il peut les utiliser comme il le souhaite. C’est vrai à l’intérieur de certaines limites, que je vais expliquer. Il s’agit d’une autorité fédérale puissante, mais limitée.

Personne ne remet en question le fait que cette mesure législative relève du pouvoir de dépenser du fédéral et exclusivement de ce pouvoir. Ce qu’il faut déterminer, c’est si la disposition de non‑récupération est constitutionnelle dans l’exercice du pouvoir de dépenser.

En passant, je devrais préciser que, malgré l’observation de la sénatrice Pate au sujet des dispositions accessoires, les pouvoirs accessoires ne s’appliquent pas au pouvoir de dépenser, et ce, pour des raisons évidentes que je vais présenter.

Au comité et dans cette enceinte, trois arguments ont été avancés pour justifier la constitutionnalité de la disposition de non‑récupération. Tous ces arguments sont complètement erronés. Le premier fait référence à la Loi sur l’indemnisation des marins marchands. Cette loi fédérale contient une disposition de non‑récupération semblable, qui n’a jamais été contestée sur le plan constitutionnel. Or, si cette disposition n’a pas été contestée, c’est parce qu’elle ne s’inscrit pas dans l’exercice du pouvoir de dépenser d’Ottawa. En effet, elle n’a rien à voir avec le pouvoir de dépenser. La disposition relève de l’article 91, ou plus précisément de la compétence fédérale sur la navigation et les bâtiments ou navires. Il suffit de lire un peu ce projet de loi pour s’en rendre compte. De surcroît, tout comme le gouvernement fédéral peut exercer son pouvoir dans le secteur bancaire, il peut mettre en place toute la réglementation dans ce secteur, y compris celle relative aux contrats.

Le deuxième argument selon lequel Ottawa peut réglementer les contrats est la décision de la Cour suprême du Canada sur la constitutionnalité de la Loi sur la non-discrimination génétique, en ce qui concerne les contrats, qui a été confirmée par la cour. Cependant, à la lecture des détails de cette affaire, on s’aperçoit, dans ce contexte — dans le cadre de l’exemple qu’a cité la sénatrice McPhedran, à savoir l’obligation de certains employés de se soumettre à des tests génétiques —, qu’Ottawa a invalidé ces contrats en les déclarant illégaux. Or, si le fait de conclure de tels contrats constitue légitimement un crime, Ottawa a le pouvoir de les réglementer — c’est-à-dire de les interdire —, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le droit pénal.

En effet, si la cour n’avait pas statué qu’Ottawa devait exercer son pouvoir en vertu du droit pénal dans ces circonstances, ces dispositions auraient profondément porté atteinte à la propriété et aux droits civils, ce qui serait contraire à la Constitution.

De plus, il importe de souligner que ce n’est pas parce qu’Ottawa peut réglementer ou interdire des contrats dans un domaine particulier que ce pouvoir peut s’appliquer à un autre domaine et, notamment, au pouvoir de dépenser, et ce, malheureusement, pour de très bonnes raisons.

Le troisième argument concernant le pouvoir de dépenser était une citation d’un éminent professeur, aujourd’hui décédé, M. Peter Hogg, principale sommité canadienne en matière de droit constitutionnel. Voici ce qu’il a dit au sujet du pouvoir de dépenser :

[...] le Parlement [...] peut dépenser ou prêter ses fonds à n’importe quel gouvernement, institution ou particulier et à n’importe quelle fin, et [...] il peut assortir ses subventions ou ses prêts de n’importe quelles conditions [...]

Le professeur Hogg en avait plus à dire au sujet du pouvoir de dépenser et il explique ensuite quelles sont les limites de ce pouvoir.

Le professeur Hogg ajoute :

Il y a, à mon avis, une distinction entre la réglementation obligatoire...

 — c’est-à-dire, une disposition de non-récupération —

... qui ne peut évidemment s’exercer que par une loi édictée dans les limites de la compétence législative, et les dépenses, les prêts et les contrats, qui n’imposent pas d’obligations aux destinataires [...] Il n’existe pas de raisons impérieuses de confiner le fait de dépenser ou de prêter de l’argent ou de conclure des contrats aux limites de la compétence législative...

 — c’est-à-dire que le gouvernement d’Ottawa peut faire ce qu’il veut de ses dépenses, et c’est d’ailleurs ce qu’il fait, comme vous le savez —

... car, dans ces fonctions, le gouvernement n’est pas censé exercer un pouvoir législatif particulier sur ses sujets.

C’est donc dire que les gens sont libres de prendre l’argent ou non. Le pouvoir législatif n’entre pas en ligne de compte.

Cela signifie que lorsqu’Ottawa dépense son argent, il peut le faire dans des domaines de compétence provinciale et imposer les conditions qu’il souhaite au bénéficiaire des fonds, mais il ne peut pas utiliser son pouvoir législatif pour imposer des obligations à qui que ce soit d’autre, des obligations qui relèvent de la compétence provinciale. Pour m’en assurer, j’ai lu toutes les affaires citées par le professeur Hogg, et elles le confirment toutes.

Bref, Ottawa peut imposer des conditions aux bénéficiaires de l’argent, mais il ne peut pas en faire plus. La situation est comparable à celle d’un pipeline dans lequel l’argent peut circuler. Ottawa peut ajouter des conditions au versement des fonds. Si les conditions ne sont pas respectées, il peut arrêter de verser des fonds ou exiger qu’on lui rembourse de l’argent, mais il ne peut pas légiférer en dehors des parois du pipeline.

Permettez-moi de vous donner un exemple de l’utilisation la plus importante du pouvoir de dépenser au Canada et un exemple convaincant de ses limites : le financement des soins de santé. Ottawa transfère des milliards de dollars aux provinces pour appuyer la prestation de l’assurance-maladie dans le cadre des compétences provinciales. Il le fait en exerçant son pouvoir de dépenser et en imposant des conditions à ce transfert. Vous les connaissez bien, surtout les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé.

L’une des préoccupations les plus évidentes d’Ottawa, c’est qu’on ne veut pas que les médecins imposent à leurs patients une surfacturation pour les services assurés par l’assurance-maladie. Vous l’avez entendu dire un million de fois. Si, comme on le prétend, le pouvoir de dépenser du fédéral est pratiquement illimité, la façon la plus évidente de parvenir à l’objectif voulu serait qu’Ottawa transfère l’argent et légifère ensuite, tout simplement, pour interdire aux médecins de faire de la surfacturation. J’espère que vous pouvez voir le parallèle.

Toutefois, Ottawa ne fait pas cela. Selon l’une des conditions du transfert en matière de santé, les médecins ne sont pas autorisés à faire de la surfacturation, mais cette obligation est imposée par les provinces. L’interdiction de la surfacturation dans toutes les provinces du pays est imposée par des lois provinciales. Ce n’est pas parce qu’Ottawa ne voudrait pas s’en occuper — il aimerait vraiment le faire —, mais parce que la Constitution le lui interdit. Il en va de même pour la disposition de non-récupération. Ce serait formidable de poser ce geste, mais nous ne le pouvons pas. Le simple fait qu’une idée soit bonne ne la rend pas constitutionnelle. L’article 91 ne prévoit pas de champ de compétence pour les « bonnes idées ».

Il s’agit d’une petite disposition, certes, mais l’enjeu constitutionnel en question est franchement immense. Si Ottawa pouvait se servir de son pouvoir de dépenser pour s’ingérer dans des domaines de compétence provinciale et affecter de l’argent où il le souhaite quand il le souhaite, comme le voudraient les défenseurs de cette disposition, ce serait véritablement destructeur pour le fédéralisme.

Le sénateur Plett a parlé il y a quelque temps de l’attention que nous devons accorder aux intérêts régionaux. Je vous invite à vous concentrer un instant sur les intérêts provinciaux et sur notre devoir de respecter les compétences provinciales sur lesquelles reposent ces intérêts.

Il y aura probablement des litiges si cette disposition est mise en œuvre, et voici un dilemme embarrassant et tragique : il faudrait que les provinces, même celles qui sont favorables aux intentions de la disposition, se joignent aux compagnies d’assurance pour éviter une expansion sans précédent du pouvoir de dépenser dans les domaines de compétence provinciale.

Que cela nous plaise ou non — et cela ne me plaît pas —, la disposition de non-récupération porte le germe d’une énorme querelle constitutionnelle qu’Ottawa perdrait certainement, sans parler de la détérioration des relations fédérales-provinciales qui s’ensuivrait au moment même où la coopération fédérale-provinciale est tout à fait cruciale pour le versement de la prestation.

Certains ont laissé entendre que la disposition de non-récupération a été rejetée — à deux reprises — par le gouvernement et 314 députés par égard pour l’industrie de l’assurance. Je vous invite à voir les choses autrement. En fait, c’est une expression de respect pour la compétence provinciale qui est en jeu ici et une déclaration qui accorde de l’importance aux provinces et qui leur signale notre désir de collaborer avec elles, plutôt que de nous opposer à leurs intérêts.

(1650)

Avec cette approche, il est beaucoup plus probable, comme on l’a mentionné plus tôt, que les provinces exercent leur propre compétence pour protéger la prestation en interdisant la récupération des primes d’assurances. De même, il y a de meilleures chances d’en arriver à la conclusion de protocoles avec l’industrie interdisant la récupération de la prestation pour les personnes handicapées.

Je ne me réjouis pas de ce résultat. Comme tout le monde, je suis préoccupé par les histoires que nous avons entendues tous les deux, mais il y a des limites à ce que nous pouvons faire. En fait, nous avons l’obligation de respecter ces limites, que cela nous plaise ou non.

J’espère et j’ai confiance que vous puiserez un certain réconfort en sachant que, en adoptant le message tel que nous l’avons reçu, nous faisons la bonne chose, car nous avons maintenant l’occasion de mettre en vigueur le projet de loi, avec ses excellents avantages pour les Canadiens qui les méritent le plus.

Merci.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur le traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’honorable Brent Cotter propose que le projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

 — Avant de commencer, je tiens à souligner que le Sénat du Canada est situé sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je voudrais commencer mon discours en évoquant la guerre de 1812. Je n’y étais pas et je pense que la plupart d’entre vous n’y étaient pas non plus, mais ce fut une guerre assez importante. Ce fut notre seule guerre contre les États-Unis d’Amérique, et vous vous souviendrez peut-être que nous l’avons gagnée. En effet, bien que cet événement soit quelque peu tombé dans l’oubli au fil du temps, la structure politique et la gouvernance du continent nord-américain et de notre pays seraient très différentes si cette guerre avait connu une autre issue.

Les Dakotas ont été des alliés militaires essentiels des Britanniques dans cette guerre. Pendant la guerre de 1812, ils ont défendu ce qui est aujourd’hui le Canada et ils ont reçu des médailles du roi George et des promesses de protection de leurs terres et de leurs droits.

Il s’agit d’un moment charnière dans les relations entre la Couronne, les Dakotas et les Lakotas, qui ont débuté au milieu du XVIIIe siècle, dans un contexte de conflit croissant entre l’Amérique du Nord britannique et les États-Unis.

Dans les années qui ont suivi, les Dakotas qui vivaient aux États‑Unis s’y sentaient plutôt persona non grata. Le chef Whitecap fut l’un des chefs qui partirent vers le nord avec sa communauté pour rejoindre le Canada. Ils voulaient continuer à faire partie d’un territoire britannique et ils rappelaient aux autorités les promesses qui leur avaient été faites.

Dire que leur attachement à l’Amérique du Nord britannique ne les a pas rendus populaires aux États-Unis est un euphémisme. Comme je le soulignerai plus loin, depuis la nuit des temps, les Dakotas, et plus particulièrement les Dakotas de Whitecap, se gouvernent eux-mêmes.

J’aimerais maintenant dire quelques mots sur l’histoire des Dakotas et, en particulier, des Dakotas de Whitecap, puis sur l’autodétermination et l’autonomie gouvernementale de la Première Nation dakota de Whitecap, qui ont mené à ce projet de loi et à cet accord. Ce faisant, j’espère montrer pourquoi le projet de loi dont nous parlons est essentiel pour faire progresser la réconciliation au Canada. J’espère montrer que, même si certains détails du projet de loi sont nouveaux, les concepts d’autodétermination et d’autonomie gouvernementale sur lesquels il repose ne sont pas récents. En fait, le projet de loi ne fait que redonner vie à ce qui existait auparavant.

Les Dakotas font partie de l’Oceti Sakowin Oyate, ou le peuple des sept feux du conseil, qui était une alliance de sept groupes dakotas, lakotas et nakotas. Ces groupes partageaient une langue, une histoire et une culture similaires et leur territoire s’étendait dans les régions centrales des États-Unis et du Canada.

Le mot « dakota » signifie « amis ou alliés », ce qui est significatif dans le contexte de la guerre de 1812, je pense, et la nation dakota-lakota a réussi à construire des alliances pour établir la paix et la prospérité.

Au début des années 1860, de nombreux Dakotas sont venus se réfugiés dans le Nord, dirigés par le chef Whitecap, le chef Standing Buffalo et le chef Little Crow. Le chef Whitecap a établi sa communauté en bordure de la rivière Saskatchewan Sud, et vous serez peut-être étonnés d’apprendre qu’il a par la suite cofondé ma ville, Saskatoon.

La plupart des bandes sont situées au Manitoba et en Saskatchewan. La bande des Dakotas de Whitecap est située dans une réserve à une trentaine de kilomètres au sud de Saskatoon. Cette Première Nation de petite taille compte 692 habitants. Sa réserve n’est qu’une petite parcelle de terre, beaucoup plus petite que celle des autres nations visées par un traité en Saskatchewan. Ces terres, situées près de la rivière Saskatchewan Sud, ne sont pas de très bonnes terres et, depuis plus d’un siècle, les Dakotas de Whitecap n’ont pas la vie facile.

Parlons un peu de son histoire. Remontons, en particulier, à une époque plus récente, c’est-à-dire en 1991, lorsque Darcy Bear est devenu chef. La nation avait un taux de chômage de 50 %, les services sociaux et de santé offerts à sa population étaient déplorables et la situation financière de la bande était épouvantable. Le chef Bear m’a dit récemment que lorsqu’il est devenu chef, il fréquentait l’école de commerce à l’université. En tant qu’étudiant, il avait un peu d’argent dans son compte de banque. En comparaison, le compte de banque de la bande était non seulement vide, il était à découvert. En un sens, le chef Bear était plus riche que sa Première Nation toute entière.

Qu’en est-il aujourd’hui de la Nation dakota de Whitecap? La bande a mis en place des services pour ses membres dans les domaines de l’éducation, des services sociaux et de la santé. Elle a créé une série d’entreprises commerciales, et son taux de chômage est pratiquement inexistant. Parmi les entreprises les plus connues figurent un casino des Premières Nations — le plus spectaculaire et le plus réussi de la Saskatchewan —, un terrain de golf de classe mondiale et un complexe hôtelier adjacent. Lors de son ouverture, le Dakota Dunes Golf Links a été désigné comme le meilleur nouveau parcours de golf du Canada. Le Professional Golfer’s Association Tour Canada s’y arrête chaque année en juillet.

La gestion avisée des terres, une série d’initiatives de développement économique et les efforts déployés par la nation pour créer une assiette fiscale pour ses revenus autonomes sont exceptionnels.

La Nation dakota de Whitecap est bien connue dans tout le Canada pour son remarquable développement socioéconomique et les diverses réussites de ses entreprises commerciales et de ses partenariats, dont un grand nombre sont conclus avec le secteur privé et la province de la Saskatchewan.

Bien que la réserve soit petite et que sa population, comme je l’ai dit, ne soit que de 692 personnes, ses entreprises génèrent chaque année des millions de revenus autonomes pour leur collectivité. Cette prospérité s’étend au-delà de la réserve de la Nation dakota de Whitecap et a des retombées importantes pour les entreprises locales voisines et la ville de Saskatoon. Par exemple, les entreprises de la réserve emploient autant de personnes non autochtones vivant à l’extérieur de la réserve que le nombre total de citoyens dans la réserve de Whitecap. Environ 650 non-membres sont employés à Whitecap, qui est un moteur économique pour ma ville. En résumé, la collectivité de Whitecap est forte et prospère et a une longue histoire d’autonomie gouvernementale.

La Couronne a promis de soutenir et de protéger cette nation après sa participation à la guerre de 1812. Qu’est-il advenu de cette promesse?

(1700)

Eh bien, elle a vite été brisée. La guerre a commencé en 1812, et les engagements ont été rompus dès qu’on a entrepris les négociations qui ont mené au Traité de Gand, conclu trois ans plus tard, en 1815, pour mettre fin à la guerre de 1812.

La Couronne n’a pas reconnu les Dakotas comme des alliés. Au lieu de cela, on leur a permis de rester au Canada, mais ils ont été désignés comme des « réfugiés amérindiens » dans les décennies qui ont suivi. Lorsque la Couronne a commencé à négocier les traités numérotés avec les Premières Nations de l’Ouest canadien, à la fin des années 1860, les Dakotas ont été délibérément exclus de ces ententes.

En raison des décisions politiques injustes qui ont été prises il y a plus d’un siècle, les Dakotas se sont vu refuser la reconnaissance officielle de leur statut de peuple autochtone du Canada au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Espérons que nous pourrons corriger la situation ce jeudi. Votre Honneur, à tous les égards, à une exception près, les Dakotas ont été traités comme toutes les autres Premières Nations, et dans l’ensemble, cela signifie qu’ils n’ont pas été bien traités. Ils ont subi la Loi sur les Indiens, les pensionnats autochtones, la rafle des années 1960, le système de laissez-passer, l’enlèvement de leurs enfants, le système des réserves ainsi que nombre d’autres lois et politiques qui ont généralement nui aux peuples autochtones du Canada. Les Dakotas ont dû subir tout cela tout en n’ayant pas les mêmes droits constitutionnels que les autres communautés autochtones. Encore à ce jour, ils sont considérés comme des « réfugiés amérindiens » qui peuvent rester au Canada aussi longtemps qu’il plaira à la Couronne.

Le Traité d’autonomie gouvernementale reconnaissant la Nation dakota de Whitecap dont il est question aujourd’hui dans le projet de loi C-51 changera tout cela. Il renforcera l’esprit d’alliance des Dakotas, comme cela avait été reconnu il y a longtemps. Que pense la Nation dakota de Whitecap de ce projet de loi? Elle considère qu’il s’agit de la prochaine étape vers la concrétisation de ce qu’est l’autodétermination pour son peuple. Le traité est le fruit de 12 années de négociations. Le sénateur Arnot a été l’un des premiers défenseurs de ce projet de loi, et j’espère qu’il en parlera lui-même dans ses observations. Le projet de loi a été approuvé à l’automne par les membres de la Première Nation dakota de Whitecap, dans le cadre d’une campagne d’approbation communautaire qui s’est déroulée de manière conforme à leurs processus décisionnels traditionnels. Le taux d’appui était de 92 %. Au bout du compte, quand les membres de la nation se sont prononcés sur ce traité de gouvernance, ils ont voté à 100 % en sa faveur. Cela me semble plutôt positif : un appui communautaire solide.

Que fait le projet de loi C-51? Deux choses : premièrement, il reconnaît la Première Nation dakota de Whitecap comme Première Nation en vertu de l’article 35 de la Constitution. Cela change son statut, passant d’un peuple de réfugiés à un peuple autochtone reconnu en vertu de l’article 35, corrigeant ainsi plus d’un siècle d’injustice. Deuxièmement, il soustrait la Nation dakota de Whitecap à la surveillance sous la plupart des aspects de la Loi sur les Indiens, et reconnaît une vaste gamme de pouvoirs gouvernementaux pour la Nation dakota de Whitecap dans le traité d’autonomie gouvernementale. Comme nous le savons, de nombreuses lois et politiques fédérales, y compris la Loi sur les Indiens, ont fait obstacle à l’autonomie gouvernementale des Premières Nations.

Or, la Loi sur les Indiens a imposé une forme coloniale de gouvernance à la Nation dakota Whitecap et à de nombreuses autres Premières Nations, avec des formes limitées d’administration locale. Depuis des décennies, la Première Nation dakota de Whitecap s’efforce de se libérer de la Loi sur les Indiens. Au moyen d’une série d’initiatives pendant la période allant de 1989 à 2012, la Première Nation dakota de Whitecap s’est libérée d’environ 35 % — comme si les pourcentages avaient une importance — du contrôle exercé par la Loi sur les Indiens, en vue de rétablir sa pleine autonomie gouvernementale.

Pour remplacer le très vaste cadre de la Loi sur les Indiens dans le traité concernant l’autonomie gouvernementale, le traité en question prévoit que le gouvernement du Canada reconnaîtra la Nation dakota de Whitecap et lui donnera compétence sur la gouvernance de base; ses membres; la langue et la culture; la gestion des terres; les situations d’urgence; l’ordre public; la paix et la sécurité; la fiscalité; l’environnement; la gestion des ressources; l’agriculture; les travaux publics et l’infrastructure; le transport et la circulation locale; les testaments et successions; l’éducation; la santé; la délivrance de permis, la réglementation et l’exploitation des entreprises; le développement économique; l’alcool, le jeu et les substances intoxicantes; les questions relatives aux locataires et aux propriétaires; ainsi que l’administration et l’application des lois de la Nation dakota de Whitecap. Il s’agit là d’un éventail assez spectaculaire de pouvoirs gouvernementaux.

Je veux dire quelques mots sur la fiscalité, et je vais maintenant mettre de côté le discours que j’ai préparé, si vous le permettez.

À mon avis, une des grandes contraintes de la Loi sur les Indiens et de la relation du Canada avec les Premières Nations, c’est que nous ne sommes pas passés à des modèles de revenus autonomes et à la création de gouvernements financièrement responsables, par exemple. Nous avons trop compté sur les transferts d’Ottawa.

Nous devons bâtir les modèles de gouvernement que les communautés veulent et dont elles ont besoin. Une des clés est l’établissement d’un régime fiscal qu’un gouvernement pourra gérer lui-même. Selon mes échanges avec des représentants gouvernementaux au cours des derniers jours, le ministère des Finances s’affaire à négocier une entente complémentaire sur l’impôt foncier et un accord sur le traitement fiscal afin de déterminer la portée de la compétence fiscale de la Nation dakota de Whitecap sur les terres de réserve.

Le ministère a souligné que la Nation dakota de Whitecap a fait ses preuves avec des outils et des pouvoirs fiscaux innovateurs, et que ces ententes complémentaires à venir fourniront des pouvoirs fiscaux accrus à la communauté afin qu’elle puisse promouvoir ses intérêts. En fait, l’entente sur l’impôt foncier établie dans cette mesure législative est la première de ce genre au pays.

Honorables sénateurs, c’est un bon projet de loi. Il remet les pouvoirs décisionnels entre les mains des gouvernements autochtones afin qu’ils puissent faire leurs propres choix au sujet de la prestation de programmes et de services à leurs propres communautés. J’ajoute par ailleurs qu’il renomme l’entité autonome « Nation dakota de Whitecap ». Cette nation avait perdu son nom en quittant la Loi sur les Indiens et il lui en fallait un nouveau. C’est un bon nom, et c’est le nom que la communauté souhaitait.

Ce projet de loi est un pas important vers la revitalisation de l’autonomie gouvernementale et de l’autodétermination pour les membres de la Nation dakota de Whitecap qui contribuent à notre pays depuis très longtemps, un apport qui n’est pas très bien reconnu, d’ailleurs. C’est aussi un important pas vers la réconciliation, en tournant la page sur le colonialisme et le paternalisme pour adopter une mesure législative fondée sur l’égalité et le respect.

Honorables sénateurs, je vous encourage à vous joindre à moi pour franchir cette prochaine étape.

Merci, pidamayado.

L’honorable Mary Jane McCallum : Le sénateur Cotter accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cotter : Bien sûr.

La sénatrice McCallum : La dépossession des terres a été la mesure la plus dévastatrice prise contre les Premières Nations.

Parmi les dispositions les plus importantes du projet de loi, il est prévu que l’administration de la Première Nation dakota de Whitecap aurait compétence dans les domaines suivants : la gouvernance de base, les terres et les ressources, les règlements et les programmes. Tout cela est lié à la terre.

Sous la rubrique des terres et des ressources, il est dit que la gestion des terres et des ressources naturelles relèverait de la compétence de cette Première Nation. Avant Noël, nous avons adopté la Loi sur le développement d’une économie verte dans les Prairies. En tant que parrain de ce projet de loi, vous avez dit que la province avait compétence sur les ressources naturelles ou qu’elle en était propriétaire. Lequel est-ce? Qui sera propriétaire des ressources naturelles : le gouvernement de la Première Nation dakota de Whitecap ou la province?

Le sénateur Cotter : Je vous remercie. Je n’ai pas entendu la première partie de la question, sénatrice McCallum. Je ferai de mon mieux pour répondre à la partie concernant les terres.

Il s’agit ici de terres situées dans les réserves, qui seraient sous le contrôle absolu de la Première Nation dakota de Whitecap pour ce qui est du développement des ressources. Il y a des problèmes connus. Cette Première Nation estime qu’elle a reçu une part infiniment petite des terres lorsque ses membres sont venus au Canada. Elle a d’ailleurs conclu un accord de revendications territoriales.

En Saskatchewan, un grand nombre de ces accords de revendications territoriales ont été réglés. L’accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités a mis à la disposition des Premières Nations d’importantes sommes d’argent après que le gouvernement ne leur a pas donné ce à quoi elles avaient droit il y a environ un siècle.

(1710)

Je ne peux affirmer sans l’ombre d’un doute que c’est ce qui se passera dans ce cas-ci, mais il n’est pas rare qu’on fournisse des ressources financières aux Premières Nations pour qu’elles puissent acquérir des terres — ce qui en fait des terres de réserve. Lorsque les terres achetées comptent des ressources souterraines, par exemple, ces dernières sont acquises par le fait même. C’est ce qui s’est passé partout en Saskatchewan et j’imagine que c’est également le cas dans d’autres provinces. J’espère que ma réponse vous a aidée.

La sénatrice McCallum : Vous êtes donc au courant que tout le territoire de la Saskatchewan est couvert par des traités. La province est donc entièrement constituée de territoires non cédés, alors pourquoi ce territoire est-il sous l’autorité de la province?

Le sénateur Cotter : Tout le territoire est couvert par des traités, mais la plupart des terres qui ne constituent pas des réserves pourraient être qualifiées de territoires ancestraux. Votre question concerne l’autorité provinciale surtout, mais le point de vue qui avait été retenu — à la suite de la Convention sur le transfert des ressources naturelles de la fin des années 1930 — était de transférer les terres qu’Ottawa considérait siennes aux provinces.

Les terres qui sont constituées en réserves sont régies par les Premières Nations. L’autorité concernant les terres qui sont considérées comme étant des territoires ancestraux est une question moins consensuelle.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Cotter, je vous remercie de votre intervention. J’ai aimé votre exposé historique sur la Première Nation dakota de Whitecap.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence.

Le mardi 2 mai 2023, la Nation dakota de Whitecap a conclu un traité d’autonomie gouvernementale la reconnaissant comme titulaire de droits en vertu de l’article 35 de la Constitution du Canada. Ces négociations ont débuté en 2009 sous l’ancien gouvernement Harper. L’accord a été élaboré conjointement et en consultation avec la Première Nation dakota de Whitecap et affirme son droit inhérent à l’autonomie gouvernementale en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s’agit du premier traité de ce type en Saskatchewan.

Comme l’a expliqué le sénateur Cotter, la Première Nation dakota de Whitecap était une alliée de la Couronne britannique, ce qui est tombé aux oubliettes de l’histoire et n’a jamais été dûment reconnu. Cette mesure législative vise à corriger les oublis des gouvernements précédents et à doter la Première Nation dakota de Whitecap d’un traité d’autonomie gouvernementale.

Cette mesure législative a fait l’objet de négociations pendant 13 longues années et est le fruit de la collaboration de la Première Nation dakota de Whitecap, des ministres conservateurs Chuck Strahl et John Duncan, et des ministres libéraux Carolyn Bennett et Mark Miller.

Je suis heureuse que cette mesure législative ait été adoptée rapidement à l’autre endroit, et j’espère que nous pourrons en faire autant au Sénat.

Le projet de loi reconnaît que la Première Nation dakota de Whitecap a compétence et détient des pouvoirs législatifs sur les terres de sa réserve dans le domaine de la gouvernance, des terres, des ressources naturelles, des membres de la bande, des questions culturelles, de la revitalisation linguistique et de la préservation de la langue, de l’éducation, de la gestion financière et de l’obligation de rendre compte, de la santé et des services sociaux. Le traité est considéré comme une occasion importante pour la Première Nation dakota de Whitecap de s’affranchir de la Loi sur les Indiens.

Le projet de loi fait plusieurs choses importantes : il reconnaît la Première Nation dakota de Whitecap comme un peuple autochtone qui jouit de tous les droits prévus aux articles 35 et 25 de la Constitution. Sur le plan constitutionnel, il protège le droit inhérent de cette nation à l’autonomie gouvernementale, comme le prévoit le traité. Il renforce sa position dans ses futures discussions avec le Canada sur les terres et les titres. Il soustrait la Première Nation dakota de Whitecap à l’application de la Loi sur les Indiens et fait en sorte qu’elle continue d’avoir accès à la Loi sur la gestion financière des premières nations.

La Première Nation dakota de Whitecap appuie sans réserve le projet de loi et le chef Darcy Bear a déclaré ceci :

Je suis extrêmement fier des membres de notre communauté au moment où nous écrivons ensemble une page d’histoire pour améliorer le sort des générations à venir. Le traité de gouvernance que nous avons conclu avec le Canada confirme notre place en tant que peuple dakota aux côtés de tous les autres peuples autochtones du Canada, et nous offre des protections constitutionnelles. Il établit également un gouvernement dakota de Whitecap doté des outils et du statut nécessaires pour continuer à bâtir notre nation et à apporter notre contribution à la Saskatchewan et à l’ensemble du Canada.

Toute la communauté a participé au processus. Un comité consultatif composé d’aînés, de jeunes, de femmes et de membres de la communauté de Whitecap a contribué à façonner l’accord et à faire en sorte que le processus protège les perspectives, la culture et les coutumes de la Première Nation. Par conséquent, 92 % des membres de la Nation de Whitecap ont voté en faveur du traité, lequel affirme le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale de cette Première Nation.

Quand on lui a demandé pourquoi il était important pour la communauté d’être enfin reconnue comme détentrice de droits garantis par l’article 35 au Canada et ce que cela signifiait pour elle, voici ce qu’a répondu le conseiller Dwayne Eagle au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes :

Je répondrai d’une façon plutôt personnelle. Parfois, quand survient un différend avec d’autres Premières Nations, elles disent quelque chose comme « retournez d’où vous venez ». Nous venons du Canada. C’est notre terre, notre territoire. Quand nous serons reconnus en tant que peuple autochtone du Canada...

C’est l’une des choses dont nous avons parlé avec la communauté, et c’est ce que veulent les membres. Ils tiennent à ce que ce soit inclus dans l’accord. C’est vraiment important pour nous.

Honorables sénateurs, j’ai été brève car je sais qu’il est crucial d’adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais. La reconnaissance inhérente accordée par le projet de loi C-51 a de l’importance pour les membres et les aînés de la Nation dakota de Whitecap. Il s’agit de protéger leur traité d’autonomie gouvernementale. À partir de là, nous pourrons aller de l’avant et poursuivre le travail de réconciliation avec la communauté.

Comme Fraser Tolmie, député de Moose Jaw—Lake Centre—Lanigan, en Saskatchewan, l’a dit hier pendant la réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes :

[...] l’une des choses qui me contrarient lorsque je pense au déroulement des événements passés et récents dans le dossier, c’est que les choses semblent si simples. Cela aurait dû être réglé il y a bien longtemps [...]

Alors, honorables sénateurs, ne tardons pas davantage. Les conservateurs appuient les droits issus des traités et le processus de réconciliation avec les peuples autochtones du Canada, et ils appuient le projet de loi C-51.

Des voix : Bravo!

L’honorable David M. Arnot : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence.

Chers collègues, le projet de loi C-51 vient boucler la boucle pour moi. Il y a plus de 25 ans, j’étais commissaire aux traités de la Saskatchewan et j’avais le mandat de faire des recherches pour documenter et saisir la signification des traités dans un contexte moderne en Saskatchewan.

En janvier 1999, la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le chef de la Fédération des nations autochtones souveraines m’ont demandé de faciliter les discussions entre les Dakota et les Lakota sur les revendications relatives à l’adhésion aux traités en Saskatchewan.

Or, il y a trois nations dakotas sur le territoire de l’actuelle Saskatchewan — la Nation de Standing Buffalo, la Nation des Wahpeton et la Nation de Whitecap — et une nation lakota, la Nation de Wood Mountain. Ces Premières Nations n’avaient jamais négocié de traités ou d’adhésions avec le Canada, mais ce n’était pas par manque d’efforts de leur part.

James Morrison, un spécialiste de la recherche juridique et historique, a découvert que plusieurs chefs des Dakotas avaient manifesté un intérêt à adhérer aux traités au moment où ceux-ci ont été conclus, à savoir le Traité no 4 en 1874 et le Traité no 6 en 1876. Selon le compte-rendu du conseil réunissant les commissaires du Traité no 4, le lieutenant-gouverneur Alexander Morris a dit aux Dakotas qu’ils devraient s’installer loin de la frontière américaine. Ils auraient droit à la même considération que les Dakotas à qui on avait offert des terres de réserve au bord de la rivière Little Saskatchewan, qui sont aujourd’hui situées au Manitoba.

En 1862, le chef Whitecap s’est installé au nord du 49e parallèle après les massacres du Minnesota. Cependant, les Dakotas occupaient le territoire depuis des siècles, ce qu’on a été en mesure de démontrer.

(1720)

En 2003, j’ai eu la chance de voir et de tenir une médaille vieille de plusieurs siècles pendant les discussions à la table des traités. Cette médaille, connue sous le nom de médaille « Lion et Loup » et appelée « Mazaska Wanpin » par les Dakotas, représente la naissance de la relation avec la Couronne.

Cette médaille a été exposée au Bureau du commissaire aux traités pendant un certain temps. Si on regarde l’avers de la médaille, on peut voir qu’elle est bien usée et qu’elle a été fièrement portée par les chefs dakotas pendant quelque 200 ans.

Le 17 août 1778, à Montréal, 11 chefs dakotas reçoivent des mains du général britannique Frederick Haldimand des médailles « Lion et Loup ». Le lion symbolisait la Couronne britannique, et le loup symbolisait le gouvernement américain mordillant les pattes du lion. Les chefs ont reçu ces médailles parce que leur contribution a été essentielle dans les campagnes britanniques dans l’Illinois et le Kentucky pendant la Révolution américaine.

Les Dakotas ont également reçu sept médailles « Lion et Loup » pendant la guerre de 1812, très probablement en juin 1812 au village du chef Wabasha. Les guerriers dakotas ont joué un rôle essentiel dans la prise de Michilimackinac par les Britanniques et le siège de Fort Meigs qui était tenu par les Américains pendant cette guerre.

Une histoire beaucoup plus unique et convaincante du lien entre la Couronne et le peuple dakota a été présentée lors des discussions à la table de négociation des traités en Saskatchewan.

J’ai rédigé un rapport recommandant que l’on permette au peuple dakota d’adhérer au Traité no 4 et au Traité no 6, respectivement. J’ai également recommandé que, sinon, le Canada entreprenne des discussions avec le peuple dakota en vue de conclure un traité, puisque le gouvernement du Canada peut choisir de conclure un traité avec qui il l’entend, et que cela se fasse dans un contexte moderne. Surtout, ce serait la bonne chose à faire.

Malgré la bonne volonté et la bonne foi des parties à la discussion, et malgré les heures de discussions fondées sur les intérêts qui se sont tenues, le processus — auquel j’ai participé — a fini en queue de poisson. Néanmoins, je crois que ces premiers efforts ont jeté les bases du projet de loi que nous étudions aujourd’hui. Les négociations en vue de conclure un accord global d’autonomie gouvernementale, qui ont recommencé en 2009, font fond sur les relations forgées une décennie plus tôt lors des discussions en vue de conclure un traité en Saskatchewan.

C’est la compréhension, l’appréciation et l’acceptation de l’histoire transmise oralement et des documents historiques qui nous ont menés jusqu’ici. Il existe de nombreuses preuves que les Dakotas étaient présents sur le territoire depuis des siècles. Les documents historiques nous disent que, même en l’absence de la signature d’un traité ou de l’adhésion à un traité dans la deuxième moitié des années 1800, des promesses ont été faites au peuple dakota.

Sarah Carter, professeure d’histoire à l’Université de l’Alberta, a décrit en détail la rencontre du 16 septembre 1874 avec le commissaire aux traités et lieutenant-gouverneur Alexander Morris :

[Le chef] White Cap commence par dire qu’il « ne sait pas quoi faire, car il a entendu dire que le pays allait être vendu et il veut des conseils sur la façon de vivre. Il met sa main dans celle du gouverneur pour montrer qu’il serre la main de la reine...

 — la reine Victoria —

... Ses ancêtres faisaient de même. » Morris a dit que nous ne voulions pas que tous vos amis [des États-Unis] viennent ici. [Toutefois], pour ceux qui sont ici depuis un certain nombre d’années, c’est différent. Il a déclaré qu’il avait la possibilité de donner 80 acres de terre à chaque famille.

Chers collègues, le premier énoncé du préambule du projet de loi C-51 clarifie l’importance de l’histoire, alors nous regardons vers l’avenir. Il se lit comme suit :

Attendu : que la Nation dakota de Whitecap et le gouvernement du Canada reconnaissent les liens historiques et distinctifs entre certaines communautés dakotas et la Couronne fondés, au fil du temps, sur des traités ou alliances de paix et d’amitié;

En comprenant le passé et en réfléchissant aux besoins du présent — comme l’ont fait les rédacteurs du projet de loi C-51 —, cette loi nous oblige à envisager l’avenir de la Première Nation dakota de Whitecap, un avenir largement libéré des contraintes de la Loi sur les Indiens, fondé sur le principe du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et une relation de gouvernement à gouvernement.

Nous savons tous que la Première Nation dakota de Whitecap a signé avec le Canada un traité concernant l’autonomie gouvernementale le 2 mai 2023. Ce traité confirme que la Première Nation Dakota de Whitecap a la compétence sur ses terres de réserve en ce qui concerne la gouvernance, les ressources naturelles, la citoyenneté, la gestion financière et la responsabilisation, la promotion et la préservation de la langue et de la culture, et l’éducation. L’affirmation du droit constitutionnel de cette nation en tant que peuple autochtone en vertu de l’article 35 représente un changement historique en ce qui concerne la position du Canada à l’égard de la Nation dakota et permet la réconciliation.

La communauté, les dirigeants et le peuple dakota de Whitecap attendaient le projet de loi C-51 et ce traité sur la gouvernance depuis longtemps — près de 140 ans, selon une estimation.

Chers collègues, je tiens à saluer le leadership, les conseils et la détermination du chef Darcy Bear. Le chef Bear est un leader, un créateur de liens et un entrepreneur extraordinaire. J’ai eu la chance d’apprendre à le connaître et de travailler avec lui ces 30 dernières années. Il a connu le succès dans de nombreux domaines, dont le logement dans la réserve, la construction d’un casino et d’un hôtel, ainsi que la création d’un parcours de golf de classe mondiale, comme on l’a déjà mentionné.

Je tiens à saluer les contributions de deux conseillers de longue date, MM. Frank Royal et Dwayne Eagle.

Je remercie les aînés qui aident à guider le chef Bear et sa communauté. Eux aussi ont participé aux mêmes processus que moi.

Je suis profondément reconnaissante envers l’aînée Melvina Eagle et le regretté aîné Mel Littlecrow — deux aînés qui ont généreusement partagé leurs connaissances, leur sagesse et leurs conseils aux parties prenantes et à moi-même, il y a de nombreuses années. Leur savoir est le fondement de ce projet de loi, des relations qui ont été forgées et de la réconciliation que permet ce traité et qui est enchâssée dans le projet de loi.

Chers collègues, la Première Nation dakota de Whitecap a toujours eu des attentes élevées pour son peuple et les membres de sa communauté. Le projet de loi C-51 reconnaît sa juste place au sein de l’État canadien. Je crois que ce projet de loi est très favorable au Canada. Je vous invite à vous joindre à moi pour appuyer ce projet de loi qui corrige une erreur historique et qui constitue un exemple moderne de réconciliation. Merci.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Le sénateur Arnot accepterait-il de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Oui.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci, sénateur Arnot. Pourriez-vous nous préciser qui est propriétaire des terres de la réserve sur lesquelles la Première Nation compte installer son gouvernement autonome?

[Traduction]

Le sénateur Arnot : À mon avis, c’est la Première Nation dakota de Whitecap qui possédera ces terres.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Est-ce que je pourrais attirer l’attention du comité sur cette question? Peut-être apportera-t-il la réponse à cette question dans son rapport sur cette étude.

L’honorable Michèle Audette : Conformément à la Loi sur les Indiens, les femmes qui épousaient des non-Indiens étaient expulsées. Je comprends que, selon le document, la Charte canadienne des droits et libertés va s’appliquer, mais pouvez-vous nous dire si les femmes autochtones de cette nation, qui ne sont pas reconnues dans les projets de loi C-31, C-3 et S-3, ont été réinscrites, ou pas du tout?

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Ma réponse à cette question, c’est que la Première Nation dakota de Whitecap pourra décider qui accueillir comme membre. Elle prendra elle-même cette décision sans restriction imposée par les dispositions de la Loi sur les Indiens. La Première Nation dakota de Whitecap aura le dernier mot. Elle bénéficiera de l’autodétermination en vertu de son accord d’autonomie gouvernementale. C’est ce que je comprends du traité.

(1730)

La sénatrice Audette : Cela veut dire que ce qui est arrivé dans le passé est une question que je devrais poser aux témoins lorsqu’ils comparaîtront devant le Comité des peuples autochtones. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

(Conformément à l’ordre adopté plus tôt aujourd’hui, le projet de loi est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones).

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2023

Troisième lecture—Débat

L’honorable Tony Loffreda propose que le projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023. Surtout, c’est un réel plaisir de prendre la parole pour discuter d’un projet de loi qui n’a pas fait l’objet d’amendements lors de son étude au comité.

Le budget de 2023 arrive à un moment important pour notre pays. Dans le projet de loi qui accompagne le plus récent budget du gouvernement, nous retrouvons des mesures importantes qui aideront les entrepreneurs, les travailleurs, les étudiants et les familles.

Je songe, entre autres, au Fonds de croissance du Canada et à la nouvelle Corporation d’innovation du Canada. Ces deux entités aideront le Canada à atteindre ses cibles en matière de carboneutralité. De plus, elles devraient être en mesure d’aider à accélérer et à accroître les investissements au pays, ce qui aura un effet catalyseur sur la croissance de notre économie locale et sur la création d’emplois.

[Traduction]

Chers collègues, vous pouvez tous pousser un soupir de soulagement. Je ne parlerai pas pendant 45 minutes aujourd’hui, bien que je sois tenté de le faire parce que je pense que le projet de loi C-47 est une très bonne mesure législative.

Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, vous vous souviendrez peut-être que j’ai fourni un compte rendu détaillé de la moitié des mesures contenues dans le projet de loi, de sorte que je ne ressens pas le besoin de tout répéter aujourd’hui. Je remercie également la sénatrice Marshall pour son discours très rigoureux. Comme ce l’est pour moi, je sais qu’il lui a été difficile de condenser tout ce qu’elle voulait dire en 45 minutes. Je suis toujours impressionné par son analyse détaillée des mesures budgétaires du gouvernement. Nous avons de la chance de l’avoir au sein de notre Comité national des finances, c’est certain.

Je remercie également le sénateur Colin Deacon d’avoir soulevé certaines préoccupations concernant la section 39 du projet de loi, qui traite de la Loi électorale du Canada. Je soutiens son appel à l’action pour que les partis politiques de notre pays, qui disposent d’importantes bases de données sur leurs membres et sympathisants, commencent à adhérer à des normes internationales rigoureuses en matière de protection de la vie privée.

Aujourd’hui, je ne parlerai pas précisément du contenu du projet de loi C-47. Je l’ai fait en détail dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Je ferai plutôt trois choses. D’abord, je donnerai une réponse plus détaillée à la question soulevée par la sénatrice Wallin à l’étape de la deuxième lecture à propos du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Puis, je reviendrai sur les quatre observations du Comité sénatorial des finances nationales sur le projet de loi C-47. Comme d’habitude, le comité sénatorial a fait un excellent travail. Je pense qu’il est important de parler des observations et du travail de tous les comités pour aider à améliorer le projet de loi C-47. Enfin, je vais conclure avec quelques remerciements.

Comme vous vous en souvenez peut-être, la sénatrice Wallin a posé une question à propos de l’augmentation du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Le gouvernement propose une augmentation de 32,85 % en mai 2024, ce qui entraînerait, en moyenne, une hausse d’environ 5 $ pour un vol intérieur aller-retour. La sénatrice Wallin voulait savoir à quoi servirait l’argent tiré de cette mesure. Comme vous le savez, les dépenses associées à la sécurité du transport aérien incluent les activités de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, mais aussi l’octroi de contrats pour assurer la présence d’agents de la GRC sur certains vols.

Lorsque le ministre Alghabra a témoigné devant le Comité sénatorial des transports et des communications, le sénateur Harder lui a demandé si les sommes qui résulteront de cette augmentation iront entièrement à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, et le ministre lui a répondu : « Oui ». Le ministre a ajouté ce qui suit :

Il n’y a pas eu d’augmentation de ces frais depuis 13 ans. Ils ont été augmentés pour la dernière fois en 2010. Encore une fois, la pandémie a mis au jour certaines faiblesses et certains problèmes de capacité et le besoin d’améliorer la technologie. C’était donc un rappel pour le gouvernement et pour le pays que nous devons moderniser l’ACSTA, et c’est l’objet de la présente proposition.

J’espère que cela répond à la question de la sénatrice Wallin.

Deuxièmement, j’aimerais parler des observations que le Comité sénatorial des finances nationales a faites lorsqu’il a adopté le projet de loi, la semaine dernière. Je remercie mes collègues du comité de leurs contributions éclairantes et d’avoir proposé les quatre observations suivantes.

Premièrement, le Comité exhorte le gouvernement à entreprendre un examen approfondi pour déterminer comment mettre à jour le système fiscal de manière à ce qu’il contribue à sortir certains Canadiens de la pauvreté. La Loi de l’impôt sur le revenu fait plus de 3 400 pages, elle est trop compliquée, et le Comité est d’avis qu’il est grand temps de revoir le système fiscal en profondeur. Nous devons trouver des façons de promouvoir l’équité fiscale et de favoriser véritablement l’équité et l’accessibilité.

Deuxièmement, vous vous rappellerez peut-être que, lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai beaucoup parlé du traitement de la TPS et de la TVH qui s’applique aux services de compensation des cartes de paiement et de l’application d’une taxe de façon rétroactive. Je me permets de citer textuellement notre observation :

Les membres du Comité des finances nationales expriment des réserves quant à certaines dispositions prévues aux articles 114 à 116 du projet de loi C-47 qui rendraient la TPS/TVH applicable et de façon rétroactive aux services de compensation des cartes de paiement puisque la Cour d’appel fédérale avait clairement statué en janvier 2021 que ces services sont de nature financière et par conséquent exonérés de TPS/TVH. Selon les témoignages entendus, cela constituerait aussi une certaine incohérence avec la pratique internationale en vigueur dans les pays où une taxe sur la valeur ajoutée similaire à la TPS/TVH est en place.

Aux yeux des membres du comité, le délai de 26 mois observé par le ministère fédéral des Finances pour réagir à une décision de la Cour d’appel fédérale est non seulement inacceptable, mais constitue aussi un dangereux précédent selon l’Association du Barreau canadien.

Troisièmement, les dispositions relatives à la prolongation de l’interconnexion, prévues par le Comité des transports et communications, ont également soulevé des questions parmi les membres du Comité des finances nationales. Comme nous l’avons écrit :

Le comité a de fortes réserves sur la prolongation de l’interconnexion prévue à la section 22 de la partie 4 du projet de loi C-47 considérant, entre autres, que ces mesures avaient déjà été mises en place en 2014 et qu’elles ont été éliminées par la suite parce qu’elles ont été jugées inadéquates.

Personnellement, j’accepte que le gouvernement mette en place ce nouveau projet pilote, en réponse au Rapport final du Groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement publié en 2022. Même si les compagnies ferroviaires ne sont pas pour cette mesure, de nombreuses industries veulent qu’elle soit mise en œuvre. Elle permettra au gouvernement de recueillir des données afin d’évaluer l’utilité de rendre l’interconnexion permanente.

Enfin, j’avais abordé la dernière observation du comité dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture. La sénatrice Marshall aussi en a parlé dans son discours. Le comité « exprime son inquiétude à l’égard du recours constant à des projets de loi omnibus » et considère que :

[...] de nombreux articles [...] sont sans rapport avec la politique financière du gouvernement, tels que les amendements au Code criminel et à la Loi électorale du Canada.

Comme je l’ai dit il y a quelques semaines, de nombreux changements aux lois prévus dans le projet de loi C-47 aurait pu, voire dû, être présentés dans le cadre de projets de loi distincts. Les sénateurs seront probablement d’accord sur ce que le comité a dit concernant le fait que « le délai accordé est insuffisant pour le Sénat pour étudier le projet de loi à fond et en déterminer les effets ». Je m’inquiète également du court délai qu’on nous accorde chaque fois pour étudier les lois d’exécution du budget. Même si cela fait maintenant partie de la tradition parlementaire, ce n’est pas acceptable pour autant.

Cependant, malgré ces préoccupations très légitimes, les Canadiens peuvent avoir confiance dans le travail accompli par nos comités. Si on inclut l’étude article par article du projet de loi, nos comités ont tenu 40 séances en tout, et il y a eu 210 comparutions de différents témoins. Nous avons accueilli des ministres, des dizaines de fonctionnaires et toute une panoplie de parties intéressées.

Aurions-nous aimé avoir plus de temps pour étudier le projet de loi? Bien sûr; il n’y a jamais assez de temps. Aurions-nous pu interroger plus de témoins et obtenu plus de témoignages? Certainement, mais nous avons accompli notre travail, malgré les échéances serrées. Cela ne fait aucun doute.

Cela m’amène à ma dernière observation.

Ce n’est pas une mince affaire de parrainer un projet de loi d’exécution du budget au Sénat. Je tiens à remercier le bureau du sénateur Gold et celui de la vice-première ministre de toute l’aide qu’ils m’ont accordée. Ils m’ont aidé à m’y retrouver dans le processus législatif, et ils fournissent aux sénateurs ainsi qu’à leur personnel le soutien et les renseignements nécessaires en temps voulu. Je les en remercie.

(1740)

Je tiens à remercier tout le personnel du Comité des finances nationales et tous ceux qui, en coulisses, font en sorte que les travaux de notre comité soient réglés comme du papier à musique. Je remercie tout particulièrement Mme Aubé, notre greffière, ainsi que son adjointe et nos deux analystes. Je tiens encore une fois à remercier les membres de tous les comités, dont celui des finances nationales, qui ont fait un excellent travail sur le projet de loi C-47, une mesure législative que j’appuie fermement.

Une fois de plus, je tiens à souligner le travail des huit comités sénatoriaux permanents qui ont aidé le Comité des finances nationales à effectuer une étude préliminaire du projet de loi C-47. Leurs rapports ont été fort utiles, et je sais que nous avons tous apprécié ce qu’ils ont fait.

Je profite de l’occasion pour remercier tous mes collègues pour leur perspicacité, leurs observations, leurs interventions, et pour le soutien qu’ils m’ont apporté en tant que parrain du projet de loi C-47. Je vous souhaite à tous un été agréable et reposant. Bien que nous ne sachions jamais à quoi nous attendre dans cette Chambre, j’espère que cette intervention sera l’une de mes dernières, sinon la dernière. Nous sommes donc prêts à toute éventualité, mais j’espère que cette intervention sera l’une de mes dernières avant l’été.

Avant l’ajournement, j’invite tous mes collègues à appuyer le projet de loi C-47, non pas parce que c’est la volonté du gouvernement, mais parce qu’il s’agit d’un bon projet de loi qui renferme d’excellentes mesures que réclament de nombreux intervenants. Je vous remercie, meegwetch.

[Français]

L’honorable Clément Gignac : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour partager mes réactions à l’égard du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023. Étant donné que nous en sommes à l’étape de la troisième lecture et à la fin de la session, je vais passer sous silence toutes mes réflexions sur l’état de l’économie canadienne. Je tiens à remercier également le sénateur Loffreda de sa retenue — j’aurai la chance de faire mon discours avant le dîner. Nous attendrons à la reprise de nos travaux à l’automne pour parler de l’économie.

Comme l’a déjà mentionné notre collègue le sénateur Mockler, le Comité sénatorial permanent des finances nationales, dont je suis également membre, a tenu 8 réunions, consacré près de 14 heures d’étude approfondie et invité quelque 74 témoins. Cela peut paraître beaucoup, mais mentionnons qu’il s’agit ici d’un énorme projet de loi qui contient des dizaines d’initiatives fiscales réglementaires, dont certaines auraient franchement mérité d’être présentées dans des projets de loi distincts. D’ailleurs, cela a fait l’objet d’une observation au sein du comité, qui juge que cette pratique est inacceptable.

[Traduction]

Avant de revenir au malaise que me cause la mesure fiscale rétroactive contenue dans ce budget, je prendrai un moment, si vous le permettez, pour parler de ma préoccupation concernant l’expansion rapide du gouvernement fédéral au cours des dernières années.

[Français]

Pour illustrer cette expansion rapide du gouvernement fédéral, quoi de mieux que de faire référence au nombre d’effectifs dans la fonction publique. En effet, de 2016 à 2023, les effectifs de la fonction publique sont passés de 340 000 employés équivalents à temps plein (ETP) à près de 425 000 employés. On parle ici d’un taux de croissance de 25 %. Ce qui est plus inquiétant encore, c’est la croissance de la masse salariale, qui a augmenté de 70 % au cours des sept dernières années. Comme l’a mentionné M. Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, cette poussée fulgurante provient de la multiplication des programmes qui ont été mis en place par le gouvernement fédéral depuis quelques années.

Une autre approche utilisée pour illustrer l’expansion de la taille du gouvernement fédéral consiste à exprimer les dépenses budgétaires en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). En tant qu’économiste, je trouve cette méthode encore plus pertinente, car elle offre l’avantage de tenir compte de l’accroissement de la population et de l’inflation et elle facilite la comparaison dans le temps. Si on exclut le service de la dette, on peut regrouper les dépenses budgétaires en trois grandes catégories : d’abord, les transferts aux individus, comme les prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) et celles de l’assurance-emploi; ensuite, les transferts aux provinces; enfin, les dépenses de fonctionnement du gouvernement que l’on appelle les « charges de programmes directes ».

Or, à mon avis, c’est à cette dernière catégorie relative aux dépenses de fonctionnement qu’il faut porter le plus attention quand on fait référence à l’expansion de la taille de l’État. En effet, celles‑ci sont passées de 6,6 % du PIB en 2016 à 8,1 % au cours de la dernière année budgétaire. Pourtant, au cours de cette même période, les transferts aux individus et aux provinces sont restés relativement stables, soit autour de 4,1 % et 3,1 % du PIB respectivement.

[Traduction]

Il faut également noter que le secteur de la défense nationale, tel qu’il figure dans les dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral, n’est pas à l’origine de l’expansion du gouvernement fédéral depuis 2016. En effet, le ratio des dépenses militaires par rapport au PIB est resté relativement stable pendant sept ans, autour de 1,3 %, un pourcentage bien en deçà de l’objectif officiel de 2 % recommandé par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN.

À ce sujet, j’ai été très surpris de constater, après avoir examiné le document budgétaire le printemps dernier, que le budget de la Défense nationale se situera toujours autour de 1,3 % du PIB dans cinq ans, et ce, bien qu’un chapitre complet du budget soit consacré au leadership du Canada dans le monde. En tant que membre du Comité de la sécurité nationale et de la défense, je trouve cela un peu gênant, surtout quand on pense au nouveau contexte géopolitique qui prévaut à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Honorables sénateurs, l’absence de cible budgétaire dans le budget 2023 m’apparaît aussi très décevante. Contrairement à ce qui s’était passé après la crise financière de 2008-2009, le gouvernement actuel ne s’est pas encore engagé à renouer avec l’équilibre budgétaire et il n’a pas communiqué d’échéancier précis pour le retour au ratio de la dette par rapport au PIB qui existait avant la pandémie. Plus inquiétant encore, le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB passera de 42,4 % à 43,5 % au cours de l’année prochaine, alors que l’économie tourne à plein régime. Le gouvernement se contente de réitérer son intention de réduire le ratio de la dette par rapport au PIB à moyen terme.

[Français]

De l’avis de plusieurs experts, cette absence de restrictions budgétaires de la part du gouvernement fédéral a contribué à stimuler l’activité économique, ce qui a rendu encore plus difficile le travail de la Banque du Canada pour ce qui est de contrôler l’inflation. Honorables sénateurs et sénatrices, le gouvernement et certains autres observateurs font valoir que le Canada enregistre le plus faible ratio de la dette publique nette par rapport au PIB au sein des pays membres du G7 et qu’il maintient une cote de crédit triple A. C’est exact.

Cependant, il faut savoir que cette première position sur le podium est en grande partie attribuable aux importants actifs financiers détenus par nos caisses publiques de retraite, dont on se plaît à nous répéter, ici au Sénat, que leurs opérations, y compris celles qui sont effectuées dans les paradis fiscaux et dans certains pays autocratiques, sont indépendantes du gouvernement.

Chers collègues, je ne veux pas trop m’attarder sur ces deux concepts de dette publique nette et de dette publique brute, car cela risquerait de dévorer le reste de mon temps de parole. Je suis sûr que, avec la sénatrice Marshall et le sénateur Loffreda, j’aurai beaucoup de plaisir à le faire l’automne prochain.

Cependant, un concept fait consensus pour illustrer le poids de la dette publique : c’est celui du service de la dette, qui est passé de 7 cents par dollar de recettes enregistré avant la pandémie à environ 12 cents pour l’année en cours. Qui plus est, ce taux sera sans doute révisé à la hausse, puisqu’il repose sur l’hypothèse d’une baisse du taux directeur sous la barre des 3 % dès l’an prochain. Heureusement, nous sommes encore loin du taux de 38 cents observé au milieu des années 1990, période où le Canada était menacé de tomber sous la tutelle du Fonds monétaire international (FMI). Cela ne devrait toutefois pas être une excuse pour baisser la garde ou se montrer nonchalant.

Chers collègues, j’éprouve aussi beaucoup de scepticisme à l’endroit des projections financières contenues dans le budget de 2023 en ce qui a trait à une réduction graduelle du déficit et de la taille du gouvernement. Premièrement, et contrastant ainsi avec les bonnes pratiques de gouvernance mises en place par l’ex-ministre libéral des Finances, le très honorable Paul Martin, et maintenues pratiquement chaque année par les différents ministres des Finances libéraux et conservateurs qui se sont succédé depuis le milieu des années 1990, ce budget ne contient aucune réserve pour contingences ou éventualités. En clair, si les économistes de Bay Street — qui font consensus — se trompent sur la direction de l’économie canadienne et que le pays subit une récession, il faudra s’attendre à ce que le déficit budgétaire pour l’année en cours soit révisé à la hausse, en l’absence de coussins de sécurité ou de réserves pour les éventualités.

Deuxièmement, alors que le budget de 2022 avait créé des attentes en annonçant le lancement d’un examen exhaustif des politiques stratégiques pour évaluer l’efficacité des programmes et identifier des économies possibles, on n’y fait, étrangement, plus du tout référence dans le budget de 2023. Comme le mentionnait le directeur parlementaire du budget, et je cite :

Outre le fait de proposer de réduire les dépenses en services de consultation, en services professionnels et en déplacements, le budget de 2023 ne détermine pas de possibilités d’économiser et de réaffecter les ressources « de façon à adapter les activités et les programmes gouvernementaux à la nouvelle réalité post‑pandémique » [...]

[Traduction]

En l’absence d’un examen exhaustif des programmes par le Conseil du Trésor, j’ai des doutes au sujet de la réduction des dépenses prévue dans cinq ans pour revenir au niveau de 2016, soit 6,6 % du PIB. Selon moi, ce chiffre sera révisé à la hausse avec la mise en œuvre du futur programme d’assurance dentaire et d’assurance-médicaments, sans parler des pressions exercées par le Pentagone et les autres alliés de l’OTAN pour que l’on s’engage enfin à atteindre l’objectif de 2 % du PIB pour les dépenses militaires.

(1750)

[Français]

Chers collègues, avant de conclure, laissez-moi vous parler de la mesure fiscale — rétroactive de surcroît — qui m’a beaucoup indisposé. Le sénateur Loffreda en a déjà parlé. Il s’agit de certaines dispositions prévues aux articles 114 à 116 du projet de loi C-47, qui rendront la TPS applicable de façon rétroactive aux services de compensation des cartes de paiement. Il s’agit d’une mesure technique qui n’a pas obtenu beaucoup de sympathie de la part du public, car elle touche les institutions financières.

Comme l’a mentionné l’Association des banquiers canadiens, le Mouvement Desjardins et même l’Association du Barreau canadien, la légitimité du gouvernement de décréter de nouvelles règles fiscales avec le dépôt du budget n’est pas remise en cause; c’est plutôt le caractère rétroactif de cette mesure qui est problématique.

Rappelons que cette saga a commencé en 2015, lorsque la CIBC a décidé de contester officiellement, devant la Cour canadienne de l’impôt, l’interprétation de l’Agence du revenu selon laquelle ces services de compensation étaient des services de nature administrative, et non financière. Par conséquent, ces services devaient être assujettis à la TPS. Selon des témoignages que nous avons entendus, le fait que le gouvernement fédéral ait perdu en Cour fédérale en janvier 2021, qu’il n’ait pas interjeté appel devant la Cour suprême et qu’il soit revenu, 26 mois plus tard, avec une mesure rétroactive est du jamais-vu. Cela constitue un dangereux précédent, comme l’a mentionné le parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda, dont je salue la persévérance et le leadership.

Honorables sénateurs et sénatrices, malgré tout ce que je vous ai dit, malgré mes réserves et mes déceptions, je vais appuyer le projet de loi C-47. Mon inconfort vis-à-vis de la dernière mesure fiscale dont j’ai parlé plus tôt a fait l’objet d’une observation présentée par le comité, et non d’un amendement.

Précisons, à l’intention des nouveaux sénateurs, que les projets de loi liés au budget, contrairement aux autres projets de loi, sont rarement modifiés.

La dernière fois qu’un amendement à un projet de loi lié au budget a été accepté remonte à 2016. Mon collègue le sénateur Harder doit s’en souvenir, puisqu’une des mesures envahissait clairement le champ de compétence du Québec en ce qui a trait à la Loi sur la protection du consommateur. C’est d’ailleurs le représentant du gouvernement au Sénat qui avait proposé cet amendement, à la suggestion du ministre des Finances et à la suite des pressions exercées par le sénateur Pratte et le gouvernement du Québec. C’est possible, mais plutôt rare que l’on apporte des amendements aux projets de loi d’exécution du budget.

Honorables sénateurs, pour conclure, j’aimerais profiter de cette tribune pour mentionner au gouvernement — actuel ou futur — que mon appui aux projets de loi liés au budget n’est pas inconditionnel. Si j’ai appuyé le gouvernement actuel durant la pandémie quand il a présenté des mesures d’urgence pour éviter que le pays ne sombre dans la récession, c’est parce que j’estimais que c’était la bonne chose à faire.

Cependant, j’estime que les autorités seraient bien avisées d’adopter bientôt des ancrages budgétaires pour éviter d’alimenter l’inflation avant de mettre en place de nouveaux programmes sociaux coûteux, comme le régime d’assurance dentaire et le régime d’assurance-médicaments, d’autant plus que ce sont des domaines de compétence provinciale.

En tant qu’ex-politicien qui a déjà mis sa photo sur un poteau, je sais très bien que nous, sénateurs, n’avons pas la même légitimité que les représentants de l’autre endroit. Je l’accepte et je n’éprouve aucune nostalgie. Toutefois, le Sénat est une institution de second examen objectif et il est maintenant composé d’une majorité de sénateurs indépendants, issus de tous les milieux, et dont les qualifications font l’envie de plusieurs conseils d’administration de grandes entreprises canadiennes.

Qui plus est, nous avons un gouvernement minoritaire qui se maintient au pouvoir grâce à une alliance avec un tiers parti. Cela exige de notre part que nous nous montrions vigilants, puisque plusieurs initiatives n’ont pas nécessairement reçu l’aval d’une majorité de Canadiens lors de la dernière élection. D’ailleurs, certaines mesures ne figuraient même pas au programme du parti au pouvoir.

Cette indépendance d’un parti politique et cette liberté de parole ont incité plusieurs d’entre nous à soumettre leur candidature pour venir ici, au Sénat, pour travailler ensemble dans l’intérêt des Canadiens. À mon humble avis, le gouvernement, actuel ou futur, et les Canadiens en général devraient se réjouir de cette indépendance intellectuelle des sénateurs, même si cela entraîne parfois des délais en raison des études approfondies menées par des comités ou des propositions d’amendements. Après avoir entendu les propos remplis de sagesse tenus par le sénateur Shugart dans cette Chambre, je reconnais que nous sommes, sans aucun doute, dans une zone inconnue. Je compte sur lui et sur vous tous, chers collègues, pour me guider dans ce rôle de second examen objectif, tout en ayant le sentiment que c’est pour moi une valeur ajoutée de siéger au Sénat et de faire des commentaires sur le projet de loi C-47.

Merci de votre attention.

[Traduction]

L’honorable Kim Pate : Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui au nom de la sénatrice Galvez pour parler du projet de loi C-47, Loi d’exécution du budget de 2023.

Ce projet de loi omnibus vise à mettre en œuvre certaines dispositions du budget de 2023, mais pas toutes, ainsi que des dispositions qui n’étaient pas précisées dans le budget de 2023.

Le projet de loi comporte quatre parties, couvrant un grand nombre de sujets économiques et non économiques, sur un total de 408 pages. Comme d’habitude, certains articles ont été renvoyés à certains comités pour étude. Dans le peu de temps dont je dispose, je vais me concentrer sur trois articles ayant une incidence sur l’environnement que, selon mon équipe et moi-même, il est de la plus haute importance de porter à l’attention du public.

Le premier concerne la question cruciale de l’assainissement du site de la mine Faro au Yukon, qui pose des problèmes environnementaux aux communautés autochtones et non autochtones depuis des décennies. Deuxièmement, j’aborderai les questions liées au Fonds de croissance du Canada. Enfin, je parlerai du fait que l’on se sert d’un projet de loi d’exécution du budget pour modifier le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, et de la portée de cette mesure.

Le projet de loi C-47 autorise l’assainissement de la mine Faro, au Yukon, à un coût estimé de 1 milliard de dollars, en plus de 166 millions de dollars pour les dix premières années d’exploitation et d’entretien à long terme. Il s’agit d’une enveloppe énorme qui couvre une très longue période, mais le plus important, c’est le message qu’il envoie. Il renforce la croyance selon laquelle il est impossible d’éviter le principe du pollueur-payeur parce que le gouvernement assumera les coûts liés aux mesures d’assainissement. Nous devons nous doter de lois plus strictes pour éviter des situations similaires à l’avenir. Par exemple, dans le cas des bassins de résidus des sables bitumineux, nous devons maintenant établir clairement combien coûteront les mesures d’assainissement, quel type de traitement sera utilisé, quand les bassins de résidus seront assainis et qui paiera la facture.

La mine de Faro, dont la superficie est équivalente à celle de Victoria, en Colombie-Britannique, occupe une place importante dans l’histoire minière du Canada. Elle a été l’une des plus grandes mines de plomb et de zinc au monde et a été exploitée de 1969 à 1998. Les conséquences environnementales de l’exploitation de la mine sont devenues évidentes après qu’elle a été abandonnée en 1998 et qu’elle a laissé derrière elle 70 millions de tonnes de résidus et 320 millions de tonnes de roches stériles. Les grandes quantités de résidus, de roches stériles et d’eau, qui contiennent des concentrations élevées de métaux lourds, présentent de graves risques pour l’écosystème et les collectivités environnantes.

Le site minier contient diverses substances dangereuses, notamment des métaux lourds tels que le plomb, le zinc et le cadmium, qui peuvent contaminer les sources d’eau et le sol. L’exposition à ces contaminants peut avoir de graves conséquences sur la santé, en particulier pour les communautés autochtones de la région qui dépendent de la terre et de l’eau pour leurs pratiques traditionnelles et leur subsistance. Une exposition prolongée à de telles substances a entraîné divers problèmes de santé, notamment des troubles neurologiques, des problèmes de développement chez les enfants, des affections respiratoires et un risque accru de certains types de cancers.

Les efforts d’assainissement visent à atténuer la contamination et à restaurer les écosystèmes touchés. Il est important de noter que l’objectif n’est pas nécessairement d’éliminer la contamination, mais de la couvrir et de reporter la responsabilité de la gestion de l’environnement sur les générations futures.

Un fonctionnaire du gouvernement du Yukon a déclaré au comité que « [...] gérer activement les travaux à la mine Faro [...] se calculera en siècles. »

(1800)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénatrice Pate, mais vous disposerez de 11 minutes à notre retour.

Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, il me faut quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : Non.

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le consentement n’est pas accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je vais quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Troisième lecture—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Loffreda, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

L’honorable Kim Pate : Je poursuis.

La mine Faro n’est qu’un exemple d’un problème plus vaste qui va au-delà de ce cas précis. Partout au Canada, on remarque cette tendance troublante d’entreprises d’exploitation des ressources qui font faillite et qui laissent derrière elles des sites contaminés et le fardeau des mesures d’assainissement aux contribuables. Le problème ne se limite pas à la mine Faro. On le retrouve aussi en Alberta et en Saskatchewan, où la prolifération des puits pétroliers et gaziers orphelins est devenue un sujet de préoccupation important. Ces puits orphelins, abandonnés par des entreprises financièrement et moralement en faillite, posent des risques pour l’environnement et entraînent des obligations financières qui finiront par être réglées par les fonds publics. Il est essentiel de s’attaquer à ce problème systémique et de renforcer le principe du « pollueur-payeur » afin de tenir les entreprises responsables des conséquences environnementales de leurs activités et d’empêcher les contribuables de faire les frais des coûts d’assainissement.

La mine Faro est située sur les terres ancestrales des Premières Nations Kaska et Selkirk, et le projet d’assainissement doit accorder la priorité aux préoccupations et aux aspirations de ces communautés. Il est essentiel de procéder à des consultations sérieuses auprès des Autochtones et de collaborer avec eux afin de respecter leurs droits, leurs intérêts et leur héritage culturel tout au long du processus d’assainissement.

Il est inacceptable de forcer une ville ou une région à adopter une économie fondée sur la décontamination. Cette façon de penser tombe dans le piège de la théorie de la vitre brisée et entraîne les collectivités dans un cycle d’expansion et de ralentissement ayant déjà piégé les économies de provinces entières, qui essaient maintenant désespérément de se diversifier. Même si l’économie fondée sur la décontamination permet d’obtenir des avantages économiques à court terme, nous devons aussi chercher à créer des possibilités économiques diversifiées pour assurer le bien-être à long terme de ces collectivités.

Une constatation frappante est que, alors que nous sommes aux prises avec les conséquences des activités minières du passé, de nouveaux projets d’exploitation à proximité de l’ancienne mine Faro sont déjà en cours. Cela sert de rappel brutal de la nécessité urgente de renforcer le principe du « pollueur‑payeur » et d’exiger que les entreprises d’exploitation des ressources rendent des comptes pour les répercussions de leurs activités sur l’environnement.

Une autre proposition importante du projet de loi C-47 est le Fonds de croissance du Canada. Assorti d’un budget de 15 milliards de dollars, le fonds a été conçu pour attirer des capitaux privés et stimuler les investissements dans des projets, des technologies, des entreprises et des chaînes d’approvisionnement à faible émission en carbone.

Cependant, le manque de clarté concernant les critères utilisés pour l’affectation de fonds à des projets en particulier suscite certaines préoccupations. Il est important que le gouvernement fournisse des lignes directrices et des critères de sélection transparents pour faire en sorte que les investissements faits par l’intermédiaire du fonds s’alignent sur les objectifs environnementaux et les engagements climatiques du Canada, afin qu’il puisse contribuer efficacement à la transition vers une économie propre.

La décision de confier la gestion des actifs du fonds à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, ou Investissements PSP, a également soulevé des questions parmi les membres du Comité national des finances concernant l’indépendance d’Investissements PSP ou, dans mon cas, l’absence d’engagement de sa part à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Investissements PSP continue d’investir dans des entreprises d’hydrocarbures sans avoir de plan clair pour décarboner ses placements, ce qui compromet l’objectif du fonds. De plus, la présence d’un directeur d’Imperial Oil au sein du conseil d’administration d’Investissements PSP présente un risque apparent et potentiel de conflit d’intérêts, selon les experts en gouvernance d’entreprise.

À la lumière de ces questions, il est crucial que le gouvernement réponde à ces préoccupations, clarifie les critères d’investissement, gère les conflits d’intérêts potentiels, établisse des indicateurs de performance et garantisse une gouvernance transparente et responsable. Cela permettra non seulement d’accroître la confiance du public dans le fonds, mais aussi de renforcer sa capacité à attirer des capitaux privés et à stimuler la croissance de l’économie propre du Canada.

Le troisième et dernier point que je voudrais aborder concerne l’élargissement du mandat du Bureau du surintendant des institutions financières, qui devra déterminer si les institutions financières disposent de politiques et de procédures adéquates pour se protéger contre les menaces qui pèsent sur leur intégrité et leur sécurité.

Les projets de loi omnibus, qui englobent à la fois des éléments fiscaux et non fiscaux, sont utilisés comme tactique stratégique par les gouvernements pour faire adopter des lois importantes. Le projet de loi C-47 ne fait pas exception à la règle puisqu’il contient un large éventail de dispositions, notamment des modifications au Code criminel et aux lois électorales.

L’élargissement du mandat du Bureau du surintendant des institutions financières est digne de mention, car des modifications aussi importantes devraient normalement faire l’objet d’un projet de loi distinct afin qu’on puisse mener des consultations publiques et demander l’avis des intervenants. Bon nombre de spécialistes des finances durables sont d’avis qu’il faut revoir le mandat actuel du Bureau du surintendant des institutions financières pour tenir compte de facteurs liés à l’environnement et à la durabilité, de facteurs sociaux et des risques climatiques. Il est essentiel que les mesures de surveillance du secteur financier tiennent compte des nouveaux risques signalés par des organismes internationaux réputés comme l’Organisation de coopération et de développement économiques. Le projet de loi fait allusion à ces risques et mentionne un risque en particulier, mais il comporte des ambiguïtés qui pourraient poser problème en cas de contestation judiciaire. Par ailleurs, le fait de ne pas avoir attribué de crédits budgétaires à cet aspect soulève d’autres préoccupations.

Honorables collègues, les changements climatiques représentent une menace considérable pour l’intégrité et la sécurité du secteur financier. Le Service canadien du renseignement de sécurité nous a prévenus que les changements climatiques pourraient nuire à des infrastructures essentielles à l’échelle mondiale, représenter une menace pour la santé et la sécurité, entraîner de nouvelles pénuries, alimenter la concurrence mondiale et mener à des conflits régionaux et internationaux. Pour assurer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et atténuer les risques associés aux changements climatiques, nous devons absolument veiller à ce que nos institutions financières soient bien outillées pour évaluer et gérer ces risques.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-47 tiennent compte de l’importance de protéger les institutions financières contre différentes menaces, et il est parfaitement logique que les changements climatiques fassent partie des menaces prises en considération, compte tenu de la portée considérable de leurs répercussions.

Je vous encourage à voter en faveur de l’adoption du projet de loi C-47 parce que les Canadiens ont besoin de stabilité et d’une confiance accrue dans notre régime démocratique. Cela dit, en tant que parlementaires, nous avons la responsabilité d’examiner efficacement les façons dont les fonds publics sont dépensés.

Merci. Meegwetch.

[Français]

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler d’une section particulière du projet de loi C-47, le projet de loi d’exécution du budget.

Dans ce projet de loi, la section 34 de la partie 4 modifie l’article 347 du Code criminel, afin d’abaisser à 35 % le taux d’intérêt criminel, conformément aux règles et pratiques actuarielles généralement admises.

Comme plusieurs d’entre vous le savent, c’est une question à laquelle je me consacre depuis très longtemps, soit presque 10 ans.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Ringuette : La bataille n’est pas terminée.

J’ai présenté mon projet de loi à plusieurs reprises, mais il est mort au Feuilleton chaque fois en raison du déclenchement d’élections ou d’une prorogation. Je l’ai encore présenté pendant la législature actuelle. Il porte le titre suivant : projet de loi S-239, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel), et il en est actuellement à l’étape de la deuxième lecture.

Quand j’ai vu le projet de loi C-47, j’ai pensé que je devrais peut-être retirer mon projet de loi. Après réflexion, je me suis dit que je ne prendrais pas de risque. Je vais le laisser jusqu’à ce que ce soit un fait accompli, de A à Z.

Alors que, dans le projet de loi C-47, la limite est établie à 35 %, mon projet de loi prévoit lier le taux d’intérêt criminel au taux de financement à un jour de la Banque du Canada, majoré de 20 %.

Le taux d’intérêt limite est actuellement de 35 % au Québec, ce qui est le taux le plus bas dans tout le Canada. Ce taux est à peu près semblable à ce qui se trouve actuellement dans le projet de loi C-47.

J’ai lié ce taux au taux de financement à un jour pour qu’il puisse s’ajuster en fonction de l’évolution de la situation économique. La dernière année nous a donné la preuve de la pertinence de cette proposition, puisque le taux est passé de 0,25 % en janvier 2022 à 4,75 % la semaine dernière. N’oublions pas que d’autres hausses pourraient survenir.

Le taux proposé dans mon projet de loi serait donc de 24,75 % en date d’aujourd’hui, soit environ 10 points de moins que ce que prévoit le projet de loi C-47.

Selon ce que j’ai entendu de beaucoup de Canadiens et ce que j’ai appris en faisant mes propres recherches au fil des ans, des prêts à tempérament sont accordés à des taux déraisonnables, voire abusifs, qui peuvent aller jusqu’à 39 %, 45 % et même 59,9 % — pour ne pas dire 60 %. J’ai même vu certains services publics imposer des frais de retard de 42 %.

(2010)

L’un des aspects que je ciblais en ce qui a trait au taux réduit, mais sur lequel ce taux n’aura pas d’effet, c’est le taux d’intérêt des cartes de crédit.

La plupart des cartes de crédit ont des taux d’intérêt de moins de 20 %, mais il y en a plusieurs — en particulier les cartes de certaines bannières, comme Home Depot — qui ont des taux avoisinant les 30 %. Même si ces taux sont, à mon avis, trop élevés et que j’aimerais les voir baisser, mon projet de loi cible plutôt les taux particulièrement élevés qui s’appliquent aux prêts à tempérament et aux services publics. Regardez vos factures de fournisseurs comme Bell et TELUS.

Je dois aussi souligner que le gouvernement a fait des progrès dans un autre domaine qui me préoccupe et sur lequel des projets de loi ont été déposés, soit les frais de crédit facturés aux commerçants. Les frais de transaction au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Comme ils font augmenter les prix, c’est nous tous qui les payons. Le gouvernement a récemment annoncé des accords avec Visa et Mastercard pour réduire ces frais à 0,95 % en moyenne, ce qui représente une amélioration considérable par rapport à il y a quelques années, lorsque les taux atteignaient 3 %.

Cette limite n’est toutefois pas aussi basse que celle qui a été imposée ailleurs, par exemple dans l’Union européenne. Il y a plus de 10 ans, cette dernière a fixé une limite de 0,3 % sur les frais de transaction.

Je remercie donc le gouvernement de continuer à tenir ses promesses budgétaires à cet égard.

Je voudrais également souligner que le budget indique — et la ministre des Finances l’a également mentionné — qu’il y aurait de nouvelles consultations pour déterminer s’il faut abaisser encore davantage les taux d’intérêt. Je m’en réjouis, parce que je crois que le taux doit être plus bas que 35 %, et peut-être même égal au taux de financement à un jour majoré de 20 %; vous voyez?

Je suivrai de près ces consultations et je continuerai d’exercer des pressions pour que le taux soit abaissé.

[Traduction]

L’endettement des consommateurs est un problème sérieux et croissant au Canada. Il est particulièrement inquiétant étant donné l’inflation et l’augmentation du coût de la vie. Selon TransUnion, l’endettement des consommateurs, peu importe les sources, a augmenté de 5,6 % d’une année à l’autre pour atteindre 2,32 billions de dollars, un nouveau sommet. C’est le fardeau d’endettement des Canadiens.

Les prêts remboursables par versements enregistrent une baisse de 5,76 %, mais les Canadiens ont toujours une dette moyenne de 20 846 $ — et ce sont souvent les taux d’intérêt les plus élevés qui s’appliquent. Il est inquiétant que la dette continue de gonfler, et les mesures comme celle-ci, qui visent à aider les Canadiens à gérer leur niveau d’endettement, ne feraient pas grand-chose pour améliorer ou renverser cette tendance.

Le projet de loi cible aussi un sujet connexe que je suis de très près. En 2006, le Parlement a fait une grave erreur. Nous avons exclu un article du Code criminel à la condition que les provinces prennent des règlements. Voici la réglementation qu’elles ont adoptée : le taux d’intérêt criminel a été modifié pour exclure les prêts à court terme de moins de 1 500 $, qui sont aussi connus sous le nom de prêts sur salaire. Je pense que c’était une erreur, et le budget a prévu des mesures pour la corriger. Le projet de loi permet au gouverneur en conseil de fixer, par règlement, des taux pour les prêts de ce type.

Les taux actuels dans les provinces atteignent 17 $ par 100 $. Vous pensez peut-être que ce ne sont pas des taux si élevés. Cependant, tel qu’il est mentionné dans le budget, le gouvernement veut fixer la limite à 14 $, ce qui correspond au taux le plus bas actuellement en vigueur, à savoir celui de Terre-Neuve. Chers collègues, dans cette province, 14 $ d’intérêt pour chaque tranche de 100 $ de prêts sur une période de deux semaines représentent un taux annualisé de 365 %. À l’exception du Québec, le taux pour l’ensemble des autres provinces et territoires est de 395 %. Nous nous demandons ensuite pourquoi les Canadiens sont si endettés. C’est du vol. Je vais demander des comptes au gouvernement pour m’assurer qu’il tient sa parole, qu’il mène les consultations appropriées, qu’il retire cette question des mains des provinces et qu’il la réinsère dans le Code criminel, comme il se doit.

Je dirais que l’article au complet, à l’exclusion de la partie concernant les prêts sur salaire, devrait être supprimé. Je suis en faveur d’une telle approche. J’espère que les futures consultations amèneront le gouvernement à supprimer cet article, à l’exclure complètement du Code criminel, et à imposer le plafond actuel de 35 % à ces prêts, taux qui, je l’espère, diminuera à 20 % à l’avenir.

Après avoir passé des années à faire avancer ce dossier, à écouter les Canadiens, à parler aux parties prenantes et aux représentants du gouvernement, je me réjouis — et je suis sincère — de voir qu’il y a enfin de l’espoir, que des mesures sont prises et que l’on promet d’en prendre d’autres à l’automne pour abaisser les taux d’intérêt. Cela profitera grandement aux personnes les plus vulnérables sur le plan financier, qui se retrouvent souvent dans cette situation sans que ce soit de leur faute. Et ces mesures ne coûtent rien au gouvernement fédéral.

Je continue de penser qu’il serait raisonnable de viser un taux encore plus bas, mais j’apprécie que le gouvernement ait inscrit cette mesure dans le budget. Elle était attendue depuis longtemps et aidera les Canadiens en cette période d’incertitude économique.

Je soutiens cette action du gouvernement, et, même si ce n’est pas ce que j’aurais préféré, c’est un pas dans la bonne direction. Cela dit, j’invite le gouvernement à garder un œil sur cette question et à être ouvert à l’idée d’envisager d’autres changements, car il s’agit d’une question qui touche le bien-être de tous les Canadiens, et cela nous concerne tous. Je vous remercie encore une fois d’avoir écouté mes interventions sur les taux d’intérêt criminels.

Des voix : Bravo!

L’honorable Paula Simons : Tansi.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-47, Loi d’exécution du budget, et plus particulièrement de la section 23 de la partie 4, qui porte sur la déclaration des droits des passagers aériens.

Depuis des jours, j’ai une citation célèbre de Richard III, la pièce de Shakespeare, coincée dans ma tête, et je vais maintenant vous la mettre dans la tête.

Donc, voici l’hiver de notre déplaisir

Changé en glorieux été par ce soleil d’York;

Voici tous les nuages qui pesaient sur notre maison

ensevelis dans le sein profond de l’Océan!

Je crois que c’est parce que ce fut un hiver de profond déplaisir pour les passagers aériens du Canada. Mais ce fut aussi un automne de déplaisir, et un printemps de déplaisir aussi; hélas, je vois peu d’indications que les nuages vont se briser ou que le glorieux été ensoleillé du voyage aérien est à nos portes.

Lorsqu’au plus fort de la pandémie de COVID-19 les aéroports ont été fermés et la demande de passagers a diminué radicalement, les compagnies aériennes et les aéroports ont retiré une grande partie de leurs services. Il n’a pas été facile de remettre en marche le système aérien du Canada après cette fermeture. Il y a des pénuries de main-d’œuvre à tous les goulots d’étranglement. Il n’y a pas assez de contrôleurs aériens. Il n’y a pas assez de pilotes. Il n’y a pas assez de contrôleurs de sécurité. Il n’y a pas assez de personnel au sol, de personnel navigant, de bagagistes ou d’agents des services aux passagers.

Les dirigeants des aéroports et des compagnies aériennes ne cessent de nous dire que les choses s’améliorent, mais nous, sénateurs, qui voyageons beaucoup, savons pertinemment que l’expérience du voyage aérien n’a rien à voir avec ce qu’elle était avant que la pandémie ne frappe. Les vols sont chroniquement retardés ou annulés, si seulement vous avez la chance de trouver un vol, puisque de nombreuses petites agglomérations — et par « petites », j’inclus des villes aussi peu petites qu’Ottawa et Edmonton — ont perdu un grand nombre de vols directs, obligeant les voyageurs à modifier leurs plans au profit des aéroports de Toronto et de Montréal, qui sont déjà débordés. Lorsque des vols sont reportés ou annulés et que des passagers ratent leur correspondance, on a souvent l’impression que les transporteurs aériens abandonnent tout simplement à leur sort les passagers frustrés et apeurés.

(2020)

Les sénateurs, qui empruntent l’avion si fréquemment, accumulent souvent assez de points de déplacement pour avoir la chance de se qualifier parmi ceux qui peuvent appeler une ligne de service à la clientèle spéciale réservée à l’« élite » pour obtenir de l’aide. Toutefois, ce n’est pas le cas de la plupart des passagers. Lorsque votre vol pour vous rendre chez vous à Noël est annulé et que tout ce que vous obtenez lorsque vous appelez la ligne d’assistance est un message enregistré disant qu’un agent retournera votre appel dans trois jours, il n’est pas étonnant que les passagers dépassés se fâchent et s’en prennent au personnel de cabine et aux agents d’embarquement qui, eux-mêmes, n’ont ni les réponses ni le pouvoir de régler les problèmes auxquels se heurtent les passagers.

Tout le monde comprend qu’il arrive parfois des imprévus. Je crois que les Canadiens pourraient composer avec de telles crises relativement calmement s’ils obtenaient rapidement des réponses et un véritable soutien de la part des transporteurs aériens lorsque les choses tournent mal. Les transporteurs aériens n’ont aucun contrôle sur le temps qu’il fait. Toutefois, ce sont eux qui déterminent le nombre d’agents de bord et d’agents du service à la clientèle disponibles pour aider les gens stressés et en détresse lorsque les choses se gâtent. Attribuer tous les problèmes aux intempéries dans un pays où ces dernières sont monnaie courante ne suffit pas.

Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de prendre l’avion, comme une grand-mère qui va visiter ses petits-enfants, un étudiant qui rentre à la maison, une famille qui part en vacances ou une personne qui se rend à un mariage ou à un enterrement et qui ne veut pas être en retard, il est terriblement compliqué de s’y retrouver dans ce système. La scène la plus déchirante dont j’ai été témoin cet hiver était celle d’une femme qui voulait absolument faire le trajet d’Edmonton au Cap-Breton pour se rendre au chevet de sa mère, qui était sur son lit de mort. Elle a laissé échapper un cri de détresse lorsqu’elle a compris que notre vol était extrêmement en retard et qu’elle manquerait la correspondance pour son vol vers Sydney et qu’elle n’arriverait pas à temps pour voir sa mère une dernière fois — le cri qu’elle avait poussé me hante encore à ce jour.

Le système n’est pas mieux pour ceux qui ont l’habitude de prendre l’avion pour le travail et qui ne peuvent avoir l’assurance qu’ils arriveront à temps aux réunions ou aux conférences. On peut pas simplement hausser les épaules et se dire que c’est seulement un inconvénient; la situation nuit à l’économie canadienne et à la réputation du Canada à l’étranger.

J’ai des anecdotes. Vous avez des anecdotes. Se plaindre de nos voyages les plus récents est assurément l’une des choses qui unissent les sénateurs de toutes les affiliations. Il n’est toutefois pas nécessaire de s’appuyer sur des anecdotes pour comprendre l’ampleur et la portée du problème. Au cours de ses audiences sur le projet de loi C-47, le Comité des transports et des communications a appris que les données mensuelles publiques sur la ponctualité des vols montrent que l’aéroport Pearson de Toronto, l’aéroport Pierre‑Elliott-Trudeau de Montréal et l’aéroport international de Vancouver affichent constamment des résultats inférieurs à ceux d’aéroports américains comparables comme l’aéroport de Seattle, l’aéroport de Detroit et l’aéroport O’Hare de Chicago. Environ 1,5 à 2 vols sur 10 sont retardés dans les aéroports américains comparables. Dans les trois plus grands aéroports du Canada, il y a près de 4 vols retardés sur 10. Cette situation signifie que si nous avons de la chance, 60 % des vols partent à l’heure.

Il est vrai que nous avons une déclaration des droits des passagers des lignes aériennes, qui permet aux passagers de présenter une plainte s’ils ne sont pas satisfaits de la façon dont les compagnies aériennes règlent leurs problèmes. Des témoins ont déclaré au comité que, l’an dernier seulement, les voyageurs au Canada ont déposé quelque 40 000 plaintes officielles concernant la façon dont ils ont été traités par les compagnies aériennes. Or le système de traitement des plaintes est totalement déficient. Le mois dernier, on constatait un arriéré de 46 000 plaintes, ce qui signifie qu’à peu près aucune des plaintes présentées l’an dernier par les 40 000 passagers n’a été résolue. Ce n’est pas surprenant, car l’Office des transports du Canada met, en moyenne, 18 mois pour régler une plainte. Un arriéré de 46 000 plaintes, c’est la bureaucratie dans sa forme la plus absurde, c’est reporter et refuser la justice au consommateur. Il ne faut pas se leurrer : nous devons être conscients que ces 46 000 plaintes ne sont que la pointe de l’iceberg. La plupart des Canadiens qui ont vécu une terrible mésaventure pendant leurs déplacements ne se donnent même pas la peine de déposer une plainte, soit parce qu’ils ne savent pas que le système existe, soit parce qu’ils font preuve d’un cynisme indifférent — non, un prosaïsme las plutôt. Ils savent que le fait de déposer une plainte dans un système comme celui-ci ne mènera à rien.

Par conséquent, j’ai été très heureuse d’apprendre que le gouvernement a mis à jour la Déclaration des droits dans le but d’offrir un peu plus de soutien et de recours aux passagers lésés.

Dans son témoignage devant notre comité, France Pégeot, présidente et première dirigeante de l’Office des transports du Canada, a tenté d’expliquer en quoi le nouveau système proposé serait meilleur que le système inefficace dont nous « bénéficions » actuellement.

En l’état actuel des choses, les droits des passagers dépendent de la manière dont une perturbation de vol est classée : sous le contrôle de la compagnie aérienne, sous le contrôle de la compagnie aérienne, mais nécessaire pour la sécurité, ou hors du contrôle de la compagnie aérienne. Il est donc difficile pour les passagers de comprendre leurs droits et il est difficile de faire appliquer les réglementations.

Le projet de loi C-47 éliminerait les trois catégories de perturbations des vols. En vertu du nouveau cadre simplifié, les transporteurs aériens seraient tenus d’indemniser les passagers, sauf en cas de situation exceptionnelle. Or, qu’est-ce qu’une situation exceptionnelle? Nous ne le savons pas encore. L’Office des transports du Canada définira l’expression plus tard dans la réglementation. Ce que l’on sait, c’est que, dès l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi C-47, le fardeau de la preuve sera renversé. À l’heure actuelle, les passagers doivent prouver qu’ils ont droit à une indemnisation. Avec les nouvelles règles, le fardeau de la preuve sera inversé. Les compagnies aériennes devront prouver qu’elles n’ont pas à payer d’indemnisation.

Le projet de loi C-47 vise également à remédier au nombre écrasant de plaintes en simplifiant la procédure de règlement des réclamations. En vertu des nouvelles règles, chaque plainte devrait être résolue dans un délai de 120 jours, ce qui est loin du délai actuel de 18 mois. En outre, l’Office des transports du Canada serait autorisé à recouvrer auprès des compagnies aériennes le coût des réclamations des passagers, ce qui devrait encourager les compagnies aériennes à s’occuper directement des plaintes des clients, et ce, le plus rapidement possible.

Le projet de loi permettrait également aux passagers de faire des réclamations non seulement pour les bagages perdus, mais également pour les bagages qui disparaissent pendant des jours, des semaines, voire des mois. Les compagnies aériennes qui enfreignent les règles pourraient se voir imposer une amende d’un montant maximal de 250 000 $, ce qui est nettement supérieur à l’amende maximale de 25 000 $ en vigueur actuellement.

Tout cela a l’air bien beau, mais de sérieuses questions se posent quant à l’efficacité de ces modifications.

Par exemple, lors des audiences de notre comité, j’ai demandé à Mme Pégeot ce que ces nouvelles règles signifieraient pour les personnes qui restent coincées dans des avions sur le tarmac pendant des heures, que ce soit en raison du mauvais temps, de l’engorgement des portes d’embarquement, du manque de personnel au sol, ou d’une combinaison de ces facteurs. Je suis moi-même restée bloquée sur la piste à Montréal pendant près de sept heures en juin dernier, il y a exactement un an. Or, je sais que beaucoup d’entre vous, chers collègues, avez vécu des situations semblables.

Voici la question que j’ai posée à Madame Pégeot :

Souvent, au Canada, les vols sont retardés à cause des conditions météorologiques, pour lesquelles les transporteurs ne prennent aucune responsabilité. Il est arrivé à de nombreux Canadiens de ne recevoir aucun soutien de la part des transporteurs aériens — pas de nourriture, d’eau et d’hébergement — dans des situations où ils devaient attendre toute la nuit le prochain vol. Dans les pires cas, des passagers ont été coincés dans l’avion pendant 7, 8, 12 ou 18 heures sans nourriture, sans eau et sans toilettes fonctionnelles.

Pouvez-vous nous dire quels seront les droits des passagers qui ont été privés d’un accès humanitaire à de la nourriture, à de l’eau et à des toilettes fonctionnelles pendant une période allant jusqu’à 15, voire 18 heures?

Voici sa réponse :

Au titre du cadre réglementaire actuel, lorsque la situation est hors du contrôle du transporteur — vous avez donné l’exemple d’un événement météorologique —, ce dernier n’a pas l’obligation de fournir de l’aide aux passagers, que ce soit de la nourriture ou de l’hébergement. Le projet de loi qui a été déposé au Parlement ne règle pas cette question. Cela dit, nous en prenons bonne note, et nous pourrons certainement nous y pencher à l’étape de la réglementation, en présumant que le projet de loi sera adopté.

Cela semble être une question assez importante qui a été laissée de côté.

Le projet de loi ne semble pas non plus contenir la moindre disposition en vue de permettre aux passagers de descendre de l’avion pour prendre l’air ou utiliser des toilettes fonctionnelles après avoir attendu pendant des heures et des heures une porte d’arrivée et l’équipe au sol.

Gabor Lukacs est le président de Droits des voyageurs, l’organisation canadienne indépendante et sans but lucratif composée de bénévoles qui se consacrent à aider les voyageurs à faire respecter leurs droits. Devant notre comité, M. Lukacs a déclaré que le projet de loi C-47 perpétue les lacunes existantes et qu’il en crée de nouvelles. Malgré les promesses contraires du gouvernement, nous a-t-il dit, « le projet de loi maintient l’excuse selon laquelle certaines mesures sont “nécessaires pour des raisons de sécurité”, qui permet aux compagnies aériennes d’éviter d’indemniser les passagers ». Il s’agit, selon lui, d’une « échappatoire propre au Canada [qui a] compliqué inutilement et de manière disproportionnée le règlement des litiges entre les passagers et les compagnies aériennes ». Étant donné, selon lui, que toutes les preuves justificatives sur la perturbation d’un vol sont sous le contrôle exclusif des compagnies aériennes, les passagers sont très désavantagés lorsqu’ils veulent exercer leur droit à une indemnisation, et bien que lui et son groupe soient préoccupés par les arriérés de plaintes actuels, il a également fait valoir que ce nouveau système de traitement accéléré des plaintes pourrait se retourner contre les passagers et priver certains d’entre eux de leur plein droit à l’arbitrage.

Parallèlement, les acteurs du secteur du transport aérien nous ont exprimé leur colère en long et en large en nous disant, lors d’audiences et de réunions, que ces changements feraient augmenter les prix, qu’ils feraient diminuer le nombre de vols offerts et qu’ils constitueraient un fardeau particulièrement lourd pour les petites compagnies aériennes régionales qui desservent les petits aéroports régionaux. Ils se plaignent également du fait qu’ils ne devraient pas être tenus responsables des retards causés, même indirectement, par les systèmes de contrôle du trafic aérien de NAV CANADA ou par d’autres retards à l’aéroport.

J’aimerais pouvoir vous donner une opinion catégorique sur les perspectives de réussite de ce nouveau système de plaintes. Malheureusement, comme le gouvernement a placé tous les changements en cause dans le méli-mélo d’un projet de loi omnibus, cela limite sérieusement le travail que pourrait faire notre comité pour décortiquer les détails. Je comprends qu’il est urgent que ces changements prennent effet, si ce n’est cet été, au moins à temps pour la saison des voyages d’automne et d’hiver. Intégrer ces changements dans le budget est sans aucun doute efficace à court terme. J’aurais toutefois grandement préféré qu’ils nous soient présentés dans un projet de loi distinct et que nous ayons plus de temps pour les étudier correctement.

Bien que l’idée de punir les compagnies aériennes en cas de mauvais service à la clientèle puisse apporter une forte satisfaction émotive, ce n’est pas suffisant pour régler les blocages de notre système de transport aérien. Il faut contrer la pénurie de pilotes hautement qualifiés en trouvant le moyen de rendre les coûteux programmes de formation plus accessibles et abordables. Il faut réinvestir dans nos infrastructures aéroportuaires afin de rendre les aéroports plus confortables et plus conviviaux pour les passagers et les compagnies aériennes. Il faut veiller à ce que NAV CANADA, la société privée qui fournit les services de contrôle aérien, ait la capacité de faire son travail. Il faut stimuler la concurrence afin que les passagers ne soient pas pris en otages par une ou deux compagnies aériennes. Il faut aussi concevoir des plans d’urgence intégrés et cohérents afin de pouvoir réagir aux phénomènes météorologiques extrêmes et faire en sorte que nos aéroports et nos compagnies aériennes puissent composer avec les nouvelles réalités liées aux changements climatiques.

(2030)

La COVID n’est pas la seule chose qui a chamboulé notre existence. Nous devons nous préparer à bâtir un système de transport aérien robuste et suffisamment souple pour desservir notre magnifique, complexe et immense pays d’une manière à la fois pratique et empreinte de compassion.

Merci, hiy hiy.

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole pour parler du projet de loi C-47 à l’étape de la troisième lecture.

Comme les sénateurs le savent peut-être, la section 20 de la partie 4 du projet de loi contient des modifications à la Loi sur le Yukon. L’article particulier qui modifie la Loi sur le Yukon porte sur les efforts de gestion et d’assainissement de la mine abandonnée de Faro. Il est remarquable qu’à l’occasion du 125e anniversaire de la sanction royale de la Loi sur le Yukon au Sénat du Canada, le 13 juin 1898, nous discutions d’un amendement à cette même loi. C’est la preuve que la Loi sur le Yukon — que les Yukonnais considèrent comme leur Constitution — est un document vivant et dynamique qui reflète notre époque ainsi que la croissance et le développement du territoire.

Même si je discuterai plus en détail de l’évolution constitutionnelle de la Loi sur le Yukon une fois que j’aurai entamé mon interpellation à ce sujet, je pense qu’il est opportun, à ce stade‑ci, de rappeler brièvement la signification constitutionnelle de la Loi sur le Yukon et des modifications qui y ont été apportées, comme celles dont je discuterai aujourd’hui.

Cette loi est entrée en vigueur il y a 125 ans. Elle prévoyait la nomination par le Canada d’un commissaire et d’un conseil territorial chargés de superviser l’administration du Yukon. À l’époque, la population de la région avait explosé en raison de la ruée vers l’or du Klondike, et Ottawa ressentait le besoin d’établir une administration locale pour assurer la paix, l’ordre, une bonne gouvernance, et la réglementation des boissons alcoolisées. Le conseil et le commissaire nommés agissaient au nom et sous le contrôle d’Ottawa.

Passons maintenant à 1979, quand Jake Epp, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l’époque, a écrit une lettre à la commissaire du territoire du Yukon pour l’informer qu’elle devait suivre les directives du conseil territorial dûment élu et :

[…] demander au chef du gouvernement territorial de créer et de constituer un organe appelé « Cabinet » ou « Conseil exécutif », composé de représentants élus du conseil territorial désignés, de temps à autre, par le chef du gouvernement qui jouit de la confiance du conseil.

La lettre précisait que la commissaire n’était plus membre du conseil. Autrement dit, le premier Cabinet territorial a été formé à partir d’une assemblée législative dûment et démocratiquement élue, qui était divisée en partis. Aujourd’hui, le Yukon demeure le seul territoire à pratiquer la politique de partis.

À l’époque où M. Epp a adressé sa lettre, c’est l’ancienne sénatrice du Yukon l’honorable Ione Christensen qui était commissaire.

Honorables sénateurs, aussi important qu’ait été cet événement, les membres du Comité des finances nationales avec qui j’ai eu l’honneur de travailler comprendront qu’il était tout aussi important de suivre la trace de l’argent. Aussi importante que fût la lettre du ministre Epp, quoiqu’elle n’ait pas été inscrite dans la Loi sur le Yukon, un événement plus important à mes yeux, en tant qu’ancienne ministre des Finances, s’est produit en 1985 : la mise en place de la formule de financement des territoires.

Auparavant, chaque année, le commissaire allait voir le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et lui demandait humblement : « S’il vous plaît, pourrions-nous avoir assez d’argent pour gérer le territoire pour vous? » Avec l’arrivée de la formule de financement des territoires, nous sommes devenus des partenaires à la table des négociations, au même titre que les provinces avec leurs paiements de péréquation.

Même si le Yukon avait désormais le contrôle de ses finances, c’est grâce à l’Entente sur le transfert des responsabilités que nous sommes devenus les maîtres de nos propres affaires. L’Entente sur le transfert des responsabilités conférait au territoire des responsabilités en matière de gestion des terres et des ressources. L’accord initial a été signé en 2001 par moi-même au nom du Yukon, et sa mise en œuvre a eu lieu en 2003.

Les négociations autour de l’entente ont donné lieu à de nombreuses discussions sur l’assainissement du site de la mine Faro. La mine Faro, qui fut autrefois la plus grande mine de plomb et de zinc à ciel ouvert du monde, a été inaugurée en 1969. Au bout de près de 30 ans d’exploitation sous différents propriétaires et après avoir contribué pour plus de 30 % à l’économie du Yukon, les derniers propriétaires ont fait faillite et ont abandonné la mine en 1998.

Soixante-dix millions de tonnes de résidus et 320 millions de tonnes de roche stérile risquant de faire pénétrer des métaux et de l’acide dans les terres et les eaux environnantes ont été abandonnés. Les sommes dépensées par le Canada pour remettre en état les lieux de la mine Faro montrent clairement l’importance de l’assainissement. Au cours du dernier exercice financier, le Canada a dépensé plus de 86 millions de dollars en mesures correctives, ainsi qu’en frais de préservation et d’entretien. Les deux années précédentes, ce sont, respectivement, 92 millions de dollars et 103 millions de dollars qui ont été dépensés à cette fin.

Pour revenir à la formule de financement, manifestement, avec un budget territorial de 535,5 millions de dollars en 2001, le Yukon ne pouvait assumer le fardeau financier de l’assainissement de la mine Faro; pourtant, l’Accord de transfert des attributions devait nous permettre d’être maîtres de nos propres affaires. Cela nous amène aux modifications proposées dans le projet de loi C-47.

L’Accord de transfert des attributions précisait que la mine Faro constitue une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial. Le Canada avait la responsabilité de financer la préservation et l’entretien, ainsi que d’élaborer et de mettre en œuvre des plans de mesures correctives à long terme, tandis que le Yukon était responsable d’exécuter les activités.

Cette entente a rapidement entraîné des difficultés majeures quant à la capacité du gouvernement du Yukon d’influencer l’orientation, la portée, le calendrier et le budget du projet. Le résultat net pour les entrepreneurs qui travaillaient sur le terrain a été des retards de paiements et un processus très frustrant. En 2020, un accord transitoire a été conclu prévoyant que le gouvernement fédéral s’occupe provisoirement de la préservation et de l’entretien par délégation de pouvoir du ministre de l’Environnement du Yukon.

Cette modification à la Loi sur le Yukon éliminerait la nécessité de délégation. Elle confierait à un seul ministre fédéral la gouvernance du projet, la responsabilité financière pour l’assainissement et le pouvoir réglementaire de gérer les risques sur le site.

Honorables sénateurs, ce contexte ne donne pas la vue d’ensemble de la situation. Je voudrais vous décrire le rôle essentiel des Premières Nations du Yukon. Si le 13 juin marquait le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon, les honorables sénateurs m’ont entendu parler plus tôt cette année du 50e anniversaire du document Together Today for our Children Tomorrow, aussi célébré cette année.

En 1993, le Yukon et le Canada ont signé un accord-cadre définitif. Depuis, 11 des 14 Premières Nations du Yukon ont conclu des accords sur l’autonomie gouvernementale et sur les revendications territoriales. Le chapitre 12 de l’accord-cadre prévoyait la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, qui met en œuvre un processus d’évaluation des projets dont il est question dans le projet de loi C-69, qui a reçu la sanction royale en juin 2019.

Il est important d’inclure l’élaboration de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon comme faisant partie de l’accord-cadre et de l’accord conclu entre le gouvernement du Canada, le Conseil des Indiens du Yukon et le gouvernement du Yukon. Il faut en parler dans les discussions au sujet d’éléments comme l’assainissement du site de la mine Faro. La loi prévoit la création de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, chargé de l’évaluation de tous les projets — les autoroutes, les droits de passage vers les mines, les droits des Premières Nations, l’environnement, le développement socioéconomique du territoire sont tous reconnus et doivent être évalués avant qu’un projet soit lancé.

Je vais parler de l’échéancier du projet d’assainissement de la mine Faro. En 2003, un comité de surveillance a été formé de représentants clés du gouvernement du Yukon, d’Affaires autochtones et du Nord Canada, des Premières Nations Kaska et Selkirk pour élaborer le plan d’assainissement de la mine Faro. De 2002 à 2004, des séances de consultation techniques ont été organisées afin d’obtenir le point de vue des communautés des Premières Nations. En 2006-2008, les options d’assainissement ont été précisées à la suite d’une série de séances de consultation auxquelles ont participé les Premières Nations Kaska et Selkirk, la ville de Faro, les gouvernements et les organismes de réglementation, le tout supervisé par des experts indépendants. En 2009, la solution d’assainissement a été confirmée et approuvée par le Canada, le gouvernement du Yukon, et les Premières Nations Kaska et Selkirk.

(2040)

Ce sont là des exemples de la façon dont fonctionnent les relations intergouvernementales aujourd’hui, dans le respect de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, pour régler des dossiers importants comme le projet d’assainissement de la mine Faro.

Un volet du projet d’assainissement de la mine Faro porte sur la dérivation de la branche nord du ruisseau Rose, qui est situé sur le territoire traditionnel du Conseil déné Ross River et de la Première Nation Liard. Le Conseil déné Ross River et la Première Nation Liard sont également deux Premières Nations qui n’ont pas encore signé d’accords sur les revendications territoriales avec le Yukon et le Canada.

Devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, Stephen Mead, sous‑ministre adjoint de Ressources minérales et Services géoscientifiques, au gouvernement du Yukon, a parlé de la réussite de ce volet du projet d’assainissement.

Il y a 15 ans, il se tenait face à un barrage où l’eau coulait à travers des roches pour la première fois. Des résidus provenant de l’exploitation minière se sont accumulés dans un ruisseau ou une rivière pendant des décennies. Cette rivière a été détournée au tout début du réseau en raison de ces résidus. Il s’agit du ruisseau Rose Creek. On a vu apparaître des contaminants provenant des déchets rocheux qui n’étaient pas là auparavant. Il a fallu procéder à des mises à niveau, des modifications et des améliorations à grande échelle pour que l’eau demeure propre sur l’ensemble du site.

Étant donné que, depuis des milliers d’années, ce site a une grande importance culturelle et constitue le principal lieu de chasse et de cueillette de plantes médicinales pour les Dénés de Ross River, le Conseil de la bande dénée de Ross River est très engagé dans ce projet depuis de nombreuses années. Il joue un rôle essentiel pour orienter les décisions prises au sujet de ce site. La rivière et le site de Rose Creek ont une importance particulière. M. Mead a dit ceci :

Selon la tradition orale, les gens se réunissaient à un certain endroit le long du ruisseau pour recueillir de l’eau et préparer une infusion médicinale spéciale. Cet endroit se trouve exactement dans le système de détournement du ruisseau Rose Creek. Il fallait absolument en tenir compte dans le cadre de notre travail.

Nous discutons de cet aspect et des modifications à la Loi sur le Yukon proposées dans le projet de loi C-47 en raison des travaux qu’on a dû effectuer dans le cadre de projets comme le projet de détournement du ruisseau Rose Creek.

Les personnes les plus touchées par cet amendement sont celles qui travaillent sur le terrain à l’assainissement. Cet amendement garantit un paiement rapide, car les entrepreneurs traitent avec une seule administration au lieu de plusieurs.

Honorables sénateurs, je manquerais à mon devoir de second examen objectif des dispositions de la Loi sur le Yukon si je ne disais pas que certains interprètent cet amendement comme un retour en arrière par rapport à l’entente sur le transfert des responsabilités et aux modifications apportées à la Loi sur le Yukon par la Chambre des communes et adoptées ici même en 2002.

Je suis sensible à cette préoccupation et je me rappelle très bien les échanges concernant la responsabilité de l’assainissement du site de la mine Faro. Devrions-nous, au Yukon, assumer cette responsabilité alors que le Canada a autorisé le projet et, très honnêtement, en a récolté les fruits sous la forme de millions de dollars d’impôts et de redevances minières au cours de l’exploitation de la mine entre 1969 et 1998? Qui devrait vraiment être responsable de cette remise en état?

En revanche, après avoir travaillé si fort pour être maîtres chez nous en réglant les revendications territoriales et en négociant une entente sur le transfert des responsabilités, devrions-nous vraiment redonner au Canada le contrôle du territoire en modifiant la Loi sur le Yukon? Comme je l’ai dit, certains considèrent qu’il s’agit d’un retour en arrière dans l’évolution politique du territoire.

Cette modification permet au Canada d’assumer ses responsabilités et de faciliter le versement des fonds fédéraux, en allégeant le fardeau administratif des deux gouvernements. De plus, il s’agit seulement de ce site en particulier.

Les droits des Autochtones sont maintenus compte tenu du fait que tous les travaux sur le site de la mine Faro doivent respecter la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, qui garantit le rôle des Premières Nations et des gouvernements des Premières Nations. J’ajoute également que le paragraphe 56(1) de la Loi sur le Yukon prévoit que le gouvernement du Yukon doit être consulté avant qu’une quelconque modification à la loi ne soit déposée. De la même façon où on nous rappelle la force de la voix d’une Chambre des communes dûment élue, le gouvernement du Yukon, qui appuie cette modification, est le représentant dûment élu de la population qui a demandé que cette modification soit apportée à sa constitution.

Chers collègues, je suis reconnaissante du temps que vous m’avez accordé ce soir pour expliquer le contexte de cette modification à la Loi sur le Yukon. Je vous remercie de votre temps et de votre attention. Je tiens à exprimer mon soutien à l’égard de la modification à la Loi sur le Yukon, qui est prévue à la section 20 de la partie 4 du projet de loi C-47. Avec le gouvernement du Yukon dûment élu et le député de cette région à l’autre endroit, je soutiens cette initiative et en recommande l’adoption par le Sénat. Gùnáłchîsh, mahsi’cho, merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La commissaire à l’intégrité du secteur public

Adoption de la motion tendant à approuver sa nomination

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 8 juin 2023, propose :

Que, conformément au paragraphe 39(1) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (L.C. 2005, ch. 46), le Sénat approuve la nomination de Mme Harriet Solloway à titre de commissaire à l’intégrité du secteur public.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’aimerais prendre quelques minutes pour revenir sur la comparution de Mme Harriet Solloway devant le comité plénier et expliquer notre position sur sa nomination au poste de commissaire à l’intégrité du secteur public. Certaines des réponses que Mme Solloway a données lors de sa comparution m’ont beaucoup préoccupé.

Tout d’abord, le processus qui a été suivi pour sa nomination ne semble pas avoir été rigoureux. Elle a admis s’être entretenue pendant 10 minutes avec la présidente du Conseil du Trésor, la ministre Mona Fortier. La ministre l’a appelée de l’aéroport, et Mme Solloway a indiqué avoir eu l’impression que la ministre s’intéressait à sa capacité à s’exprimer en français. Chers collègues, cela ne me semble pas constituer un effort sérieux d’exercer une diligence raisonnable.

Deuxièmement, à la lumière des réponses que nous avons obtenues, il ne semble pas que Mme Solloway ait été évaluée en fonction de sa vision du mandat du commissariat, des défis qu’il présente, ou de sa capacité à les relever. Compte tenu des antécédents du gouvernement en matière de nominations, on aurait pu s’attendre à ce que la ministre Fortier ne se contente pas d’un appel de 10 minutes depuis l’aéroport pour évaluer la capacité d’un candidat à s’exprimer en français. Cependant, je dois dire que cet aperçu du processus de sélection du gouvernement Trudeau nous permet de mieux comprendre pourquoi certaines nominations précédentes ont été particulièrement décevantes.

Cependant, chers collègues, outre les lacunes évidentes du processus, j’ai également été alarmé d’apprendre que Mme Solloway sera confrontée à une courbe d’apprentissage abrupte dans le cadre du poste. Je ne doute pas de ses qualités personnelles et professionnelles, mais d’après son témoignage, il faut se demander comment le gouvernement est parvenu à la conclusion qu’il s’agit de la meilleure candidate pour ce poste. Elle a admis ne pas connaître la fonction publique du Canada puisqu’elle vit à l’étranger depuis 1996.

Plusieurs sénateurs, dont moi-même, l’ont interrogée sur ce qu’elle prévoyait pour le commissariat. Bien que nous ne puissions pas nous attendre à ce que les candidats présentent un plan détaillé lorsqu’ils comparaissent devant le Parlement, nous pouvons nous attendre à ce qu’ils nous donnent une idée générale de la manière dont ils aborderont leur rôle. Sinon, je ne vois pas très bien comment nous pouvons déterminer si le candidat est bien adapté au poste.

Mme Solloway l’a dit très clairement : elle n’a pas de plan général pour le poste ni de plan pour les questions précises soulevées par les sénateurs. De plus, d’après ses réponses au sénateur Cardozo, elle ne semble pas comprendre pleinement le rôle et le fonctionnement du commissariat.

(2050)

Chers collègues, nous n’avons pas l’impression de pouvoir empêcher la nomination de Mme Solloway, mais nous croyions qu’il était important que nos observations et nos préoccupations figurent dans le compte rendu des débats. Pour cette raison, nous ne ferons pas obstacle à la nomination, mais nous ne permettrons certainement pas qu’elle soit avalisée sans dissidence.

Merci.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Projet de loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui pour lancer l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

En termes simples, ce projet de loi vise à faire un unique ajout à la Loi d’interprétation, qui est la loi qui guide l’interprétation de toutes les autres lois fédérales. La Loi d’interprétation établit une norme uniforme unique relativement à la lecture de toutes les lois du Parlement. Cela comprend des choses comme une explication de l’objectif des préambules et de la façon d’appliquer des dispositions d’entrée en vigueur. Si le projet de loi S-13 est adopté, il comprendra également ceci :

Tout texte maintient les droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; il n’y porte pas atteinte.

C’est ce qu’on appelle une « disposition de non-dérogation ». En ce moment, plusieurs dizaines de lois canadiennes comprennent une telle disposition, comme la Loi sur les pêches, la Loi sur les armes à feu, la Loi sur les espèces en péril et bien d’autres.

Toutefois, certaines lois contiennent cette disposition et d’autres non. Au cours des 40 dernières années, de telles dispositions ont été ajoutées à divers projets de loi de façon ponctuelle. Souvent, les peuples autochtones ont dû faire pression pour qu’elles fassent partie du processus parlementaire, ce qui signifie que ces dispositions ont souvent été ajoutées à l’étape de l’étude par le comité et libellées différemment selon le projet de loi.

Le projet de loi S-13 propose de supprimer les dispositions de non-dérogation de la plupart des lois qui en ont une et d’ajouter plutôt cette disposition à la Loi d’interprétation afin de créer une norme uniforme pour l’interprétation de toutes les lois fédérales. Autrement dit, si le projet de loi S-13 est adopté, ce sera comme si chaque loi du Parlement comportait la même disposition de non-dérogation. Ainsi, toutes les lois et tous les règlements fédéraux sont interprétés de manière à respecter et non à diminuer les droits des peuples autochtones tels qu’ils sont définis à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Les organisations autochtones plaident en ce sens depuis de nombreuses années, chers collègues. Le processus de consultation particulier qui a conduit à ce projet de loi a commencé en 2020, lorsque des fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada ont entrepris des discussions préliminaires avec certains partenaires clés.

En décembre 2020, un processus de consultation ciblé a été lancé. L’objectif de la première phase de ce processus était d’informer les partenaires autochtones de l’initiative, de leur donner l’occasion de s’exprimer et de répondre aux exigences de la Loi sur le Yukon et de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui nécessitent toutes les deux une consultation avant de pouvoir être modifiées.

Ce processus ciblé nous a révélé que les partenaires autochtones étaient très favorables à la modification proposée de la Loi d’interprétation fédérale. En décembre 2021, le ministre de la Justice a annoncé une deuxième phase visant à entreprendre une consultation et une coopération plus larges, conformément à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2021.

Des rencontres ont été organisées tout au long de l’année 2022 dans le but d’examiner les options et de discuter des approches législatives possibles. Les peuples autochtones et les organisations qui les représentent ont participé à plus de 70 rencontres et soumis plus de 45 mémoires. Le processus suivi respectait l’approche fondée sur les distinctions demandée par les partenaires autochtones. La plupart des rencontres étaient bilatérales afin que les partenaires puissent se concentrer sur ce qui était le plus important et le plus pertinent pour eux.

La dernière phase de consultation et de coopération a commencé par la publication d’une proposition législative préliminaire sur le site Web du ministère de la Justice du Canada du 1er mars au 14 avril 2023. Cette façon de faire a permis d’accroître la transparence du processus de consultation et de coopération.

L’un des principaux points de discussion soulevés lors des consultations concernait le libellé précis de la nouvelle disposition de la Loi d’interprétation. Plus précisément, certains partenaires voulaient inclure le terme « peuples autochtones », tandis que d’autres soutenaient qu’il fallait utiliser l’expression « droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada », qui figure à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

En fin de compte, le projet de loi S-13 présente un compromis. Il fait référence aux « droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones », tout en précisant que le terme « peuples autochtones » s’entend au sens du terme « peuples autochtones du Canada » qui figure dans la Constitution.

Un autre point de discussion a été la question de savoir ce qu’il fallait faire des dispositions de non-dérogation existant dans d’autres lois. En fin de compte, la plupart de nos partenaires autochtones ont préféré abroger toutes les autres dispositions existantes afin d’atteindre l’objectif d’une seule disposition de non-dérogation appliquée de manière uniforme à l’ensemble des lois fédérales. C’est l’approche que propose le projet de loi S-13, à trois grandes exceptions près : la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la Nation shishalhe et la Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake. Dans ces trois cas, les lois concernent directement des nations particulières qui souhaitaient conserver la disposition de non-dérogation qui leur est propre. Leurs souhaits sont respectés.

Cette approche consistant à adopter une disposition de non‑dérogation globale dans la Loi d’interprétation et à abroger généralement les autres est également conforme à la recommandation du rapport de 2007 du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, intitulé Prendre au sérieux les droits confirmés à l’article 35 : Dispositions de non-dérogation visant les droits ancestraux et issus de traités.

Je note que notre collègue, la sénatrice Jaffer, est la seule membre de ce comité de l’époque encore présente au Sénat aujourd’hui; il est donc évident que cette décision a été prise il y a longtemps, et j’espère que c’est un moment satisfaisant pour la sénatrice Jaffer en particulier. Chers collègues, ce devrait également être un moment de satisfaction pour les peuples autochtones et pour tous les Canadiens.

En adoptant ce projet de loi, nous favorisons le respect de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui exige la prise de mesures pour s’assurer que les lois du Canada sont conformes à la déclaration des Nations unies. Les peuples autochtones n’auraient plus besoin de réclamer une nouvelle disposition de non-dérogation chaque fois que le Parlement envisage d’adopter une mesure législative susceptible de porter atteinte à leurs droits reconnus par l’article 35, et nous soulignerions l’importance de ces droits, tant leurs avantages que leurs inconvénients. Lorsque le projet de loi S-13 entrera en vigueur, toutes les lois adoptées par le Parlement du Canada seront interprétées de manière à faire respecter les droits des Autochtones, et aucune loi fédérale ne pourra être interprétée comme y dérogeant.

Les Autochtones réclament une telle mesure depuis l’ajout de l’article 35 à la Constitution du Canada il y a plus de 40 ans. Des Autochtones sont venus au Sénat il y a 16 ans pour faire valoir leur point de vue, et j’aimerais prendre un moment pour saluer tous les chefs, les dirigeants, les juristes et les universitaires autochtones qui demandent cette modification de la Loi d’interprétation depuis des années. Je pense en particulier au regretté Harold Cardinal. J’aurais beaucoup aimé prendre un café avec lui en ce moment même pour parler de ce changement colossal.

Au cours des trois dernières années, les peuples autochtones ont travaillé avec le gouvernement dans le cadre de vastes consultations coopératives pour que cela se produise enfin. Ce projet de loi est un pas de plus sur la voie de la réconciliation, et c’est un pas important, car il affecte toutes les lois fédérales existantes et futures.

Comme l’a écrit le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en 2007 :

[…] ces dispositions jouent un rôle important en exprimant pour tous la volonté claire du Parlement que la loi soit interprétée et appliquée dans le respect de l’article 35.

[…] le Comité juge préférable, dans l’intérêt de l’honneur de la Couronne, de rendre automatique l’inclusion dans toutes les lois d’une disposition de non-dérogation par l’ajout d’un article à la Loi d’interprétation […]

C’est exactement ce que ce projet de loi propose de faire. Compte tenu de l’état d’avancement du calendrier, le bureau du représentant du gouvernement travaillera avec le ministère de la Justice du Canada pour organiser une séance d’information technique au début de l’automne. Entretemps, je vous encourage à communiquer avec moi ou avec mon bureau pour discuter davantage de ce projet de loi, et j’espère que tous les sénateurs l’appuieront lorsque nous reviendrons en septembre.

Hiy hiy.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(2100)

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-21. Cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à ce que vous sachiez que j’ai six policiers, un juge et deux avocats dans ma famille élargie. Je respecte donc la primauté du droit. À l’exception d’avoir volé un lait au chocolat de la crèmerie lorsque j’étais enfant, j’ai été un honnête citoyen, mais j’ai des problèmes avec le projet de loi. À mon avis, il cible les Canadiens des régions rurales.

Le sénateur D. Patterson : Bravo!

Le sénateur Richards : C’est l’œuvre de Canadiens urbains qui ne comprennent pas ce que font les Canadiens ruraux ni qui ils sont.

Jadis, j’utilisais mes carabines pour la chasse. Bien que je ne chasse plus, ce sont mes souvenirs d’une époque révolue. Or, elles sont ciblées par un nouveau règlement sérieux. Ce règlement a été pris dans l’espoir de réduire la criminalité, mais dans bien des cas on refuse d’en concentrer l’application sur les auteurs d’actes criminels.

J’ose croire que le projet de loi C-21 part d’une bonne intention. Cependant, il repose sur des suppositions arrogantes et a été concocté par des gens dont la plupart n’ont jamais possédé ou utilisé d’arme, n’ont jamais tenté de repérer un orignal ou un chevreuil, n’ont jamais installé une cache de chasse à l’orignal dans la pluie, et n’ont jamais attendu un signe de rut jusqu’à la tombée de la nuit. Ce sont là des aptitudes extrêmement importantes et des connaissances utiles pour tout Canadien rural, qu’il soit blanc, membre des Premières Nations, francophone ou anglophone.

Pour m’écarter un instant de mon discours, si vous êtes un Canadien des régions rurales qui vit dans les Maritimes, ou n’importe où au Canada, vous savez probablement ce que signifie descendre une rivière en canoë au début du printemps pour y chercher des crosses de fougères. Ensuite, vous descendez la rivière avec votre canne à pêche et vous pêchez la truite. Vous attendez l’arrivée des saumons en juin, puis les madeleineaux suivent les saumons. Ensuite, vous pêchez les grosses truites plus tard dans l’été. À ce moment-là, vous êtes en train de repérer les orignaux et d’installer votre poste de chasse à l’orignal. Enfin, en novembre, lorsque le temps devient frais, vous chassez le cerf. Cette tradition existe depuis que je suis au monde et remonte à plusieurs siècles. C’est une tradition que les Canadiens urbains ne comprennent pas quand il est question de la réglementation des armes à feu.

Je refuse de dire que leurs intentions sont malveillantes, mais elles sont peut-être malavisées. Bon nombre de ceux qui seront affectés par ce projet de loi — ceux qui seront scrutés à la loupe — n’ont rien fait pour mériter une telle surveillance. Je vous dirais que ce serait bien si cela contribuait à mettre fin à la grande majorité des crimes et des meurtres, mais je ne suis pas convaincu que ce sera le cas. Tout ce que ce projet de loi offre, c’est une réglementation encore plus serrée — et je serais porté à croire que c’est l’unique but souhaité. Cela correspond au modèle canadien de surveillance qui est souvent à la fois rigide et inefficace. La réglementation accrue, c’est le nouvel et précieux opioïde de la masse.

Pourquoi mes concitoyens m’écrivent-ils à propos de ces mesures législatives? Pourquoi sont-ils tellement en colère au sujet de ce projet de loi? C’est parce qu’ils se font sermonner, encore une fois, par un gouvernement qui présume et prétend avoir une moralité supérieure à celle de certains de ses citoyens. Il prend de haut et traite avec condescendance de nombreuses personnes qui n’ont rien fait de mal. Le gouvernement les soupçonne — sans preuve — de crimes qu’elles ne feraient jamais, tout en étant incapable d’arrêter ceux qui continueront de mal agir, malgré les règlements qu’il propose continuellement et inlassablement.

Avec ce projet de loi, le gouvernement s’en prend uniquement aux Canadiens qu’il se sent à l’aise de cibler.

Le sénateur D. Patterson : Bravo!

Le sénateur Richards : Cela fait longtemps que le gouvernement n’a pas témoigné de sa reconnaissance envers les camionneurs et les gens ordinaires, ni envers les Canadiens ordinaires qui sont des êtres humains dignes et extraordinairement généreux. Cela fait très longtemps. En fait, on nous dit que nous n’avons pas le droit de nous considérer comme étant dignes à moins que nous acceptions les propositions des nombreux projets de loi dont nous sommes saisis. Nous devons nous corriger afin de remplir un mandat présenté par les gens du gouvernement qui sont souvent beaucoup plus crédules que nous concernant le caractère véritable des Canadiens.

Le projet de loi manque de courage par rapport à qui il pointe du doigt et sur qui il jette le blâme, mais il ne réussit toujours pas à régler le problème de la violence. Même si je le souhaitais, le projet de loi ne mettra pas fin à la violence perpétrée par les gangs. En fait, à sa manière aveugle, il propose en fait de les recruter.

Cette nouvelle mesure législative sollicite les autres et promeut l’idée d’un programme de dénonciation en cas de signal d’alarme. On veut créer une communauté de petits dénonciateurs. La mesure ratissera tellement large que parmi les coupables, bien trop de personnes innocentes seront prises.

Tôt ou tard, personne ne sera à l’abri. Nous serons tous suspects si nous avons l’heur de déplaire à la mauvaise personne. C’est là que le nouveau projet de loi fusionne l’angoisse et la propagande pour rendre les propriétaires d’armes à feu coupables sans procès, ce sera fait en secret, par des accusateurs inconnus. Il faut avoir appartenu au cercle restreint d’une chorale au secondaire pour penser que c’était une bonne idée.

Les armes de la bonne personne peuvent être confisquées. Mais avec le temps, beaucoup d’innocents seront identifiés. Or, rien de tout cela n’empêchera le commerce illégal des armes de poing, la contrebande dans certaines réserves et à l’extérieur de celles-ci, l’importation clandestine d’armes par des bandes de motards et d’autres groupes. C’est là que sont acquises la plupart des armes à feu illégales utilisées pour commettre des crimes.

Est-ce que le fait d’accorder des droits acquis pour une carabine que j’ai achetée quand j’avais 18 ans, parce que je peux porter huit balles dans mon chargeur, empêchera quelqu’un d’acheter illégalement une arme de poing semi-automatique un soir de désespoir à Scarborough, en Ontario?

Le projet de loi rend des milliers de personnes coupables par association d’une nouvelle illégalité générale. Le gouvernement s’offusque quand les gens dénoncent le projet de loi, mais les gens ont tout à fait le droit de voir son cadre réglementaire comme une absurdité flagrante qu’aucun contrôle ne corrigera.

Je ne suis pas en train de dire qu’il ne devrait y avoir aucune loi en la matière. Ce n’est absolument pas ce que je veux dire. Cependant, je fais valoir que ces dispositions sont, pour la plupart, inefficaces. J’aimerais bien que ce ne soit pas le cas, mais ce l’est. Elles indiquent comment le gouvernement perçoit des Canadiens qu’il reconnaît coupables sans procès. Ne vous y trompez pas : l’approche ici s’apparente à de l’intimidation.

Les deux actes les plus violents ayant été commis au pays ces trois dernières années l’ont été par un sordide psychopathe obsédé par les véhicules de police, qui avait peu à voir avec la chasse, et un autre homme violent et malade armé d’un couteau ensanglanté dans une réserve de la Saskatchewan.

Le gouvernement a utilisé les horribles meurtres en Nouvelle-Écosse et à Uvalde, au Texas, comme un outil pour soutenir sa position. Dans les deux cas, de malheureuses erreurs de la part des forces de l’ordre chargées de nous protéger ont également contribué à la situation.

Honorables sénateurs, le Canada est très différent des États-Unis.

Une agente de la GRC a courageusement donné sa vie lorsqu’elle est tombée dans une embuscade parce que personne ne lui avait donné l’information dont elle avait besoin. Elle a réussi à dégainer son arme et à riposter. Elle a fait la seule chose qu’elle pouvait faire.

Je crois aussi qu’une personne a le droit de posséder une arme à feu pour se protéger au même titre que n’importe qui d’autre. Dans le cas d’une personne qui habite à une heure de route du détachement de la GRC le plus près, il est préférable qu’elle ait une arme à feu sous la main plutôt qu’un policier au bout du fil lorsque quelqu’un veut s’en prendre à elle ou à sa famille. Le droit d’une personne de se protéger a été affaibli par des mesures législatives mises en place par des gens qui ont des gardes de sécurité et des boutons de panique à leur disposition.

Je ne cherche pas à minimiser la violence au Canada; j’y ai été exposé dans ma jeunesse. Je sais que des hommes violents peuvent causer bien des torts. Cependant, bon nombre de mesures dans ce projet de loi ne sont que de simples mesures administratives qui ne nous aideront pas à contrer la colère et la haine.

Je crois que Platon avait raison de dire que les bonnes personnes n’ont pas besoin de lois et que les mauvaises personnes n’en tiendront jamais compte.

Je terminerai par ceci : j’ai vu un moment des événements à Uvalde — je ne voulais pas le voir, mais je suis tombée sur ce moment-là en allumant la télévision. J’ai vu une petite fille assise à son pupitre — un pupitre d’écolière — avec son crayon placé dans la rainure, les mains bien croisées et du sang sur sa robe. Elle essayait d’expliquer à l’homme qui s’apprêtait à la tuer que c’était mal, qu’elle voulait voir sa mère et que ce qu’il faisait n’était pas bien. L’âme de cette fillette était généreuse et vivante, mais celle du tireur, son âme maudite, était morte. Je n’oublierai jamais, au grand jamais, cette fillette assise à son pupitre d’écolière avec le sang d’un de ses camarades de classe sur sa robe. Les policiers étaient dans le couloir avec leurs armes, totalement impuissants et figés.

Je crois que parmi tous les hommes et toutes les femmes que je connais, avec qui j’ai chassé et pêché, il n’y en a pas un qui n’aurait pas donné sa vie pour protéger cette petite fille. Je suis sûr qu’il en va de même pour tous les hommes et toutes les femmes du Sénat, qu’ils soutiennent ce projet de loi ou non. Il est vrai qu’ils l’auraient abattu parce qu’ils auraient été obligés de le faire. Ils n’auraient pas eu d’autre choix. Ainsi, quand cette agente de la GRC a sorti son arme en Nouvelle-Écosse, il n’y avait pas d’autre solution.

C’est la différence entre le bien et le mal en ce qui concerne les armes à feu et, malheureusement, en ce qui concerne la mauvaise orientation du projet de loi C-21. Pour ces raisons, je voterai contre le projet de loi.

(2110)

Merci beaucoup.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 21 h 11, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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